Chapitre 4

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3 décembre

Cheryl

   J'étais plongée dans mes cours de psychologie depuis un bon moment quand je relevais enfin la tête. Concentrée sur mes révisions, je n'avais fait attention à rien d'autres que mes feuilles noircies de notes.

   Avec surprise, je remarquai que le café s'était entièrement vidé et que nous n'étions plus que deux à occuper les lieux. C'est-à-dire moi et la jolie serveuse.

   D'ailleurs celle-ci, me voyant enfin sortie de mes révisions, me lança :

"Je suis censée fermer dans cinq minutes, mais je ne peux pas rentrer chez moi avec ce temps-là. Tu peux rester aussi si tu veux."

   Je jetais un coup d'œil par la fenêtre.

   Il pleuvait des cordes et un orage grondait pas très loin du centre-ville. L'eau ruisselait le long des trottoirs et les rues avaient été désertées par les passants. Pour ne rien arranger, la nuit était tombée et je peinais à discerner les devantures des magasins qui faisaient face au café.

   Je me tournai vers la barman, qui était en train de ranger des verres derrière le bar, et répondis :

"Je veux bien attendre avec toi."

    Celle-ci hocha la tête et retourna à sa tâche.

   Maintenant que je prêtai attention à ce qu'il se passait autour de moi, le bruit de la pluie et de l'orage me semblait assourdissant. Sans compter que celui-ci semblait se rapprocher de nous à chaque instant.

   Une dizaine de minutes s'écoula dans un silence complet, troublé seulement par le tonnerre. Je triais avec application mes cours tandis que la serveuse nettoyait les tables. 

   Puis, alors que je finissais de ranger mes cours dans mon sac, l'électricité se coupa brutalement, plongeant le café dans le noir.

    J'entendis la serveuse pester puis la lampe torche de son téléphone s'allumer, éclairant faiblement la pièce sur quelques mètres.
  
    Je sortis à mon tour mon téléphone et le dirigeai en direction de la jeune femme. Celle-ci avait posé son torchon sur le comptoir et me fis signe de la suivre.

    Sans hésiter, je me levai de la banquette et rejoignis la serveuse en tentant de me cogner le moins possible contre les tables - ce qui s'avérait plutôt difficile.

  Dès que je fus à sa hauteur, la serveuse attrapa mon poignet et m'entraina derrière le comptoir en louvoyant avec assurance entre les tables.

"Sans électricité, il ne va pas tarder à faire très froid ici. Mais y'a une petite salle derrière pour les serveurs qui est toujours surchauffée. On pourra attendre là-bas."

   Joignant le geste à la parole, la serveuse ouvrit une porte et me précéda dans une petite pièce qu'elle éclaira de son téléphone. D'un geste, elle me proposa de m'installer sur un petit canapé posé contre un mur dans un coin. Je m'y installais sans discuter et elle m'y rejoint quelques secondes plus tard.

   Un silence troublant s'installa, que je m'empressai de briser :

"Comment tu t'appelles ?

 - Julie et toi ?

 - Cheryl.

   Dans la semi-pénombre, je distinguai vaguement la serveuse qui se tourna vers moi :

 - Enchantée, Cheryl.

 - Ravie de te rencontrer aussi ! Ca fait longtemps que tu travailles ici ?

- A peu près un an."

   Les réponses de la jolie métisse étaient plutôt brèves et celle-ci ne semblait pas prêter un intérêt débordant à la conversation. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de continuer à lui poser mille questions. Sans que je sache vraiment quoi, quelque chose en elle m'intriguait.

   M'attirait.

"Même si le temps n'est pas terrible, j'adore cette période de l'année, lançai-je à la serveuse au détour de la conversation. Le monde entier semble en ébullition juste pour les fêtes. ça a un côté magique.

   Julie grimaça :

- Je n'aime pas Noël et encore moins décembre. Il fait froid et les gens ne semblent plus capable de se poser deux minutes.

- C'est vraiment ce que tu penses ? demandai-je en fronçant les sourcils.

   La serveuse haussa les épaules. Elle semblait tout à coup lasse et fatiguée.

"Cela fait longtemps que décembre n'a plus rien de magique pour moi.

- C'est la chose la plus triste que j'ai entendue aujourd'hui, affirmai-je en plantant mon regard dans les yeux captivant de la jeune femme, qui sourit à l'entente de ma remarque.

- Ca ne me dérange pas de ne pas fêter Noël, tu sais. Il y a d'autre occasion dans l'année pour être heureux.

- Ca n'a rien à voir ! Je suis sûre que tu serais capable d'aimer cette période, si tu faisais l'effort d'en voir les bons côtés !

   Julie laissa échapper un léger rire et secoua négativement la tête :

- Même si tu es probablement la personne la plus enjouée que j'ai rencontrée aujourd'hui, je pense que même toi, tu n'es pas capable de me faire aimer Noël.

   Je haussais un sourcil :

- C'est vraiment ce que tu penses ? Très bien, je relève le défi. Je te jure que cette année, tu aimeras Noël."

TempêtesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant