28 - Solo voy con mi pena...

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Le Professeur, le lendemain de la découverte de Berlin...

Le soleil commençait à se lever paisiblement, me permettant d'admirer les couleurs flamboyantes de l'aurore. Chaque jour, je les appréciai, les contemplai. Elles me conféraient une certaine sérénité. Cependant, aujourd'hui n'était pas un jour de fête et je ne calculai même pas l'horizon si bien qu'il aurait pu y avoir un orage, je ne l'aurais même pas vu voire même une tempête ou un tsunami, je n'aurais pas bronché. L'image de mon frère, étendu vers le tronc d'un arbre, possédait mon esprit. Encore et encore...

J'avais attendu que Raquel s'endorme et j'étais sorti, tel un zombie, dans la nuit pour marcher, penser, pleurer et hurler. Mon mal de tête lancinant ne me fit pas le moindre effet, la douleur était ailleurs, dans mon cœur, dans mon corps. Le choc persistait et je ne savais pas dans combien de temps j'allais me réveiller de cet affreux cauchemar. Je revoyais Berlin sans cesse, son image scotchée à la rétine. De plus, une seule pensée me hantait depuis la veille. La boule au ventre, je me répétai inlassablement : « Tu n'as pas su protéger ton frère... Tu es incapable, trouillard et ingrat. Il a tant fait pour toi... »

Je fixai l'horizon persécuté par tant d'ombres qui se déversaient en moi. Cela faisait depuis l'arrivée de Raquel que je ne les avais pas senties aussi intensément. Enfin jamais autant. La culpabilité me rongeait davantage. Andrés allait droit à sa perte et je n'avais aucun moyen de l'arrêter. C'était trop tard. Il fallait que je l'accepte... La mort dans l'âme, je naviguai dans les méandres de la souffrance. Et encore une fois, je perdais complétement le cap...

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Raquel, la veille dans la forêt...

Je m'étais dépêchée de suivre Sergio qui courait comme une furie slalomant entre les arbres et ne semblant pas faire attention à sa propre santé. Il s'était mis en danger plusieurs fois, se heurtant à diverses racines proéminentes. Mais rien ne l'arrêtait. En voulant attendre un peu Paula qui se précipitait elle aussi pour me montrer, je le perdis de vue. Quand enfin nous arrivâmes à sa hauteur, il semblait perdu, à genoux et il était blanc comme un linge. Je m'apprêtais à le rejoindre pour éviter qu'il ne fasse une crise d'angoisse mais je sentis que ma fille tirait mon t-shirt. Je lui fis face et suivis la direction que sa main tremblante m'indiquait.

Mes yeux s'embuèrent immédiatement. Je ne réussis qu'à articuler un mot et mon esprit se figea ensuite, essayant d'imprimer la scène et surtout de comprendre.

- Sergio...

Je détectai un mouvement loin à ma gauche mais je ne pus tourner la tête en sa direction, le corps immobile. Choquée. Je ressentis une nouvelle fois l'effroyable sensation éprouvée quelques mois plus tôt. En effet, en découvrant Berlin, étendu de son long contre le tronc d'un arbre, je revis ma mère dans la cuisine, le visage impassible et les prunelles vides de la vie qui s'était évaporée. J'étais arrivée trop tard à ce moment-là.

- Maman, qu'est-ce qu'on fait ?

Puis mon cerveau se remit en route quand ma fille me fixa, inquiète et désemparée. Je regardai à nouveau autour de moi, comme sortie d'un sommeil profond mais éveillé. Je secouai la tête et réfléchis.

- Paula... Paula, depuis combien de temps il est comme ça ? Demandai-je en contournant les ronces qui m'attendaient, hautaines, m'offrant leurs pointes piégeuses.

- Heu... Il est tombé contre le tronc et je suis tout de suite venue vous chercher. Il va bien ?

- Je ne sais pas... Répliquai-je en arrivant vers Berlin.

Je m'accroupis et approchai mes doigts de sa carotide et fermai les yeux, m'attendant au néant. Je restai ainsi quelques secondes, le temps d'être sûre. Puis, je fis volteface et cherchai le regard du professeur. Il fermait les yeux et des larmes coulaient abondamment le long de ses joues, rendant humide sa barbe. Il se tenait toujours à genoux, un bras tenant fermement le second et semblait déconnecté de toute réalité, perdu dans les abysses de la douleur. Mon cœur se serra et mes yeux devinrent flous devant cette image qui me broyait l'âme. Cependant, le moment n'était pas à la compassion et à l'empathie. Alors, je brisai le silence qui s'était installé.

La casa de papel // Et si... (Serquel)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora