Chapitre 6

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- Allez Nono cette année c'est notre année

- Mollo Toto, si toi tu as décidé d'évoluer, ça n'est probablement pas l'envie des stupidos qui nous servent de camarades de classe.

- Non, tu as 16 ans, moi 17, c'est notre dernière année de lycée, on est les rois du monde.

- Toi, tu as encore regardé Léo toute la nuit. Quand est-ce que tu comprendras, ce mec c'est un gros nul, au lieu d'aller sur la planche avec Kate, alors qu'on sait qu'il y avait la place, il est resté crever de froid. Roi du monde de rien du tout, je te le dis, moi.

Thomas, c'est mon meilleur ami. On se connaît depuis... je ne me rappelle pas. En fait nos parents sont voisins. Nous n'étions même pas nés quand ils se sont rencontrés. Puis il y a eu la grossesse d'Armelle, la mère de Thomas. Il est né en novembre. Moi je suis née en juillet juste après. Apparemment avoir des enfants ça rapproche, et comme ma mère m'a élevée toute seule, Armelle et Jean-Luc m'ont régulièrement gardée pour l'aider. Il faut dire que maman était vraiment solo, pas de papa, enfin si, je ne suis évidemment pas le fruit de l'immaculée conception, et là encore on pourrait presque en faire un livre.

Pour faire court, ma mère, Clémence Dupin, était la non-officielle attendant le divorce de celui qui finalement ne vint jamais. La classique me direz-vous, à ceci près que dans mon cas, s'il n'est jamais venu, c'est parce qu'un cancer fulgurant a décidé de s'ajouter à l'équation. Il a à peine eu le temps d'annoncer à son officielle sa double vie, que c'était déjà terminé, à peine quelques jours après mes 5 ans et surtout, avant d'avoir eu le temps de me reconnaître. C'est pour ça que je porte le nom de ma mère.

Revenons à nos moutons. Les parents de Thomas étaient un peu comme de la famille. Il faut dire que la famille de maman avait coupé les ponts avec elle en apprenant qu'elle était enceinte de moi. Un bébé, pas de père, c'est fou ce que certains peuvent être vieux jeu.

Du coup ma famille se résume à ma mère, avec qui j'entretiens une relation fusionnelle, tonton Jean-Luc et tata Armelle (les parents de Thomas) et Thomas et sa sœur Clarisse qui sont un peu comme mon frère et ma sœur. Et j'ai failli oublier, il y a mémé Colette, la petite mamie du bout de la rue, elle est un peu folle mais je l'adore. Elle n'a jamais eu d'enfant, alors j'occupe volontiers le rôle de petite fille. J'adore jouer au Rummikub avec elle, les chiffres c'est ma passion, et je gagne toujours. Elle me file souvent des bonbons et depuis que j'ai 13 ans, elle essaye toujours de rajouter une petite goutte de gnole dans mes boissons ! Il faut dire que dans les siennes, ce n'est pas une petite goutte qu'elle met, explication probable à ses défaites systématiques. Voilà donc ma famille, ou du moins mon semblant de famille. Et je peux vous assurer une chose : c'est la meilleure du monde.

C'est ainsi que nous attaquions notre dernière année de lycée, prêt à devenir le duo le plus populaire de l'année. Non je rigole, aucun risque avec ça, si déjà nous arrivions à nous faire un ami ça serait bien.

- Et voilà, on nous regarde encore comme deux bêtes de foire. Toi qui voulais t'intégrer à mon avis c'est perdu d'avance, dis-je à Thomas en passant le portail du Lycée.

- Ce que tu peux être pessimiste.

- Pessimiste, moi ?! Je suis outrée, tu ne m'as même pas laissé finir ma phrase, j'allais ajouter : « et pas grave », alors est-ce que ça, c'est pas un optimisme à toute épreuve ?

- Oh bien sûr, je crois que désormais je t'appellerai noéptimiste, reine des optimistes de France et de Navarre.

- Ah ah ah, allez monsieur le roi du bal, allons voir le nom des abrutis qu'il faudra se coltiner cette année en classe. J'espère qu'on sera ensemble, et qu'il n'y aura pas cette pimbêche de Margaux Schmidt.

- Bon sur ce point là je te donne raison, une année sans Margaux pas mal quand même.

- Pas mal, juste pas mal ? Mais une année sans Margaux ce serait comme un anniversaire sans fin...

Je ne finis pas ma phrase, ça ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie, nous sommes devant les listes et le nom de Margaux et de toute sa clique est bien inscrit sur la même feuille que celui de Thomas et moi. Année de merde en perspective...

- Bon ben au moins on est ensemble, me dit Thomas en soupirant, allez on s'en tient au plan et on sympathise quand-même cette année.

Ce plan c'est clairement son plan, un mauvais plan, le plan qui va gâcher ma vie, mais ça je ne le sais pas encore. Et puis comment faire ami-ami avec la reine Margaux ? Nous nous connaissons depuis la maternelle et elle m'a toujours voué une véritable haine. Elle ne rate pas une occasion de me rabaisser, à coup de « Noé-mie de pain par ci », « t'as de la farine sur la tronche » par là. Une fois elle est même allée jusqu'à me balancer réellement de la farine sur la tête. Puis elle est allée voir la maitresse pour pleurer, je me demande bien quelle excuse elle a pu inventer, et j'ai été privée de récréation. Il faut dire que quand maman a choisi mon prénom, sachant que mon nom était Dupin, elle aurait pu s'abstenir d'opter pour quelque chose en rapport avec une boulangerie-pâtisserie. Les parents oublient souvent qu'ensuite les enfants vont devoir vivre avec le prénom dont ils ont été affublés. Mais ne vous inquiétez pas, je sais parfaitement me défendre et j'avoue que désormais je mérite presque les sentiments de Margaux à mon égard.

- Oh il y a aussi Alex Berges dans notre classe tu as vu ? me dis Thomas lorsque nous nous éloignons. On va encore va encore avoir droit à beaucoup de bave féminine et de crêpage de chignons.

- Sur ce point, je ne peux qu'en convenir, même si j'avoue développer mon sens de l'empathie sur ce coup-là.

Il se met à rire. Il le sait, Alex Berges représente tout ce que j'attend d'un garçon. Beau, yeux bleus, cheveux blonds, 1m78 à vu de nez (facile, Thomas fait 1m77 et Alex est un tout petit peu plus grand), intelligent, gentil et drôle. Le hic : trop populaire pour moi et surtout je n'ai aucune expérience avec les garçons. J'ai bien essayé un jour d'embrasser Thomas, pour m'exercer, mais c'était tellement affreux que je lui en ai mordu la langue en plus nos appareils se sont un peu coincés. On en rigole encore souvent !

- Oh mais ne serait-ce pas ma boulangère préférée ?

Et voilà, Margaux le cageot entre en scène. En vrai elle est loin d'être un cageot, grande, athlétique, brune, les yeux verts, consciente de sa beauté, et d'une profonde stupidité (malheureusement pour moi compensée par le compte en banque de ses parents), bref tout ce que je ne suis pas et qui plaît aux garçons.

- Ouah ouah ouah Margo-thon, tu ne donnes toujours pas dans l'environnement à ce que j'entends

8 paires d'yeux dans lesquels je peux enfin mesurer la profondeur du vide intersidéral me regardent, ceux de Margaux et de ses 3 copines encore plus stupides qu'elle.

- Le recyclage tu connais ? Il serait grand temps de changer de registre.

Puis je lui tourne le dos et je m'éloigne de 2 mètres avec à mes côtés un Thomas mort de rire.

- Bonne répartie Dupin, me lance alors Alex.

Scarabées et crottes de mouches, Alex Berges vient de me parler. LE Alex Berges. C'est fini je ne me lave plus les oreilles. Je regarde mon meilleur ami dont le visage a pris une expression à cheval entre la surprise et la constipation, je me tourne pour regarder dans sa direction et je vois Alex d'approcher de moi avec sa bande. C'est ainsi que nous commençons à sympathiser, suivant le plan de Thomas.

Putain de BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant