𝐋'𝐢𝐯𝐫𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧

Chapitre 26

Ses cheveux bruns mi-longs étaient décoiffés, sans doute avait-il passé la main plus d'une fois pendant qu'elle s'était enfermée dans la salle de bain, pensa-t-elle en croisant le vert de ses iris. Quand il lui prit le petit bâtonnet des mains pour regarder de plus près les deux petites barres qui s'affichaient, Dénarys put observer une certaine joie dans son regard.

— Ça ne dit pas depuis quand tu es enceinte ?

— Non, répondit-elle avec un léger rire. Pour ça, nous devons d'abord prendre rendez-vous avec un obstétricien et faire une échographie de datation pour le savoir, expliqua-t-elle d'une douce voix.

— Alors, commença-t-il en relevant les yeux vers elle, tu portes réellement notre enfant...

— Je crois bien que oui, dit-elle en posant une main protectrice sur son ventre pour le caresser doucement.

Incapable de réagir ou de dire quoi que ce soit, Stanislas laissa son regard couler sur son ventre. Plusieurs pensées lui traversèrent l'esprit.

— Excuse-moi, c'est juste que... Je peine encore à y croire.

Dans moins de neuf mois, elle donnerait naissance à leur premier enfant. Dans moins de neuf mois, une petite fille ou un petit garçon, un parfait mélange d'eux deux, pointera le bout de son nez. Dans moins de neuf mois...

— Je vais devenir père, souffla-t-il incapable de cacher son émotion.

Le sniper réduit la distance qui les séparait et posa un genou au sol pour être à la hauteur de son ventre. Dès cet instant, Dénarys sentit les larmes lui monter aux yeux et sa gorge se serrer face à la réaction du sniper. Sans doute, étaient-ce les hormones qui la travaillaient, pensa-t-elle sans pouvoir empêcher les larmes de rouler toutes seul le long de ses joues.

Stanislas avait posé délicatement ses mains de chaque côté de son ventre tout en maintenant les pans de son peignoir, et s'était mis à contempler l'endroit où grandissait leur enfant avec affection et possessivité. Son toucher était léger, comme s'il tenait entre ses mains quelque chose de fragile et de délicat. Lorsqu'il ferma les yeux et colla sa joue contre son ventre après avoir écarté un peu plus les pans du peignoir largement ouvert, Dénarys sentit son cœur se gonfler de joie.

Essuyant du revers de la main, la larme qui perlait au coin de son œil, Dénarys passa ses doigts encore tremblants dans les cheveux décoiffés de son amant. Toujours contre son ventre, il murmura des mots qu'elle ne prit pas la peine d'essayer de comprendre et laissa son esprit vagabonder. Le regard perdu sur son amant, elle se demanda à quoi pourrait bien ressembler leur futur après la naissance du bébé.

Ils restèrent longuement dans cette position. Quand le sniper se releva, Dénarys remarqua immédiatement le changement dans son regard. Le visage devenu grave, elle ne put s'empêcher de le questionner :

— Quelque chose ne va pas ? Tu semblais tellement excité et ému à l'idée de devenir père, il y a quelques instants...

— Je le suis toujours.

Une petite veine palpitante était même visible sur son front.

— Mmm, alors pourquoi fais-tu cette tête ? On dirait que tu vas tuer quelqu'un d'une minute à l'autre.

Et ce n'était pas le cas de le dire, se dit-il intérieurement.

— Plus d'une fois, je vous ai mis, toi et le bébé, en danger sans même savoir que... Siffla-t-il la mâchoire crispée. Bon sang, si j'avais su que tu étais enceinte à ce moment-là, jamais je ne...

Il ne termina pas sa phrase, incapable de toute pensée rationnelle.

À cet instant, il n'avait qu'une seule idée en tête, qui n'était autre que retourner voir Daniel dans ce centre psychiatrique et lui mettre une balle entre les deux yeux pour avoir osé attenter à la vie de la femme qui portait son enfant. Il comprenait désormais ce qu'avait pu ressentir Fédor Ghliebnikov, le commandant de son ancien régiment, qui, lors d'une mission particulièrement difficile en Syrie, apprit la plus terrible des nouvelles. Il se souviendra toujours de ce moment de silence, de ces longues minutes, où à mesure que ses yeux parcouraient la lettre, il avait pu voir son regard s'éteindre petit à petit.