Opération "attraction glaciale" [SWANQUEEN]

❄ - Chapitre 3 - ❄

26 novembre 2021 – Bordeaux – Regina,

Je souffle un bon coup lorsque je quitte mon lieu de travail. Aujourd'hui, j'ai couru dans tous les sens. Entre les commandes qui avaient du retard et celles qui n'ont pas été enregistrées, j'ai perdu un temps fou. Superviser l'usine de l'une des parfumeries les plus prestigieuses de Bordeaux n'est pas de tout repos. Ce métier demande beaucoup de sérieux, de rigueur et d'autorité. C'est tout ce que j'aime. J'ai toujours été attiré par le fait de diriger. Je suis mieux placée pour donner des ordres que pour en recevoir.

Dès que je me retrouve à l'extérieur, je resserre mon manteau autour de moi. Le froid de cette fin de journée m'attaque de plein fouet. Être enfermée dans un bureau à longueur de journée ne comporte pas que des avantages. Assaillie par le vent glacial, j'avance à grandes enjambées jusqu'au parking où ma voiture est garée. Ma splendide Mercedes noire m'accompagne depuis de nombreuses années. J'y tiens beaucoup.

Mes talons aiguilles s'enfoncent dans la fine couche de neige qui recouvre le sol. Je grogne à plusieurs reprises tandis que mes traits forment une grimace. Ces chaussures m'ont coûté assez cher ; pourvu qu'elles ne s'abîment pas. Soudain, mon pied glisse sur un morceau du trottoir verglaçant. Je perds l'équilibre un instant et manque de trébucher. Je me rattrape de justesse à l'un des lampadaires qui éclaire la ville. Il n'est que dix-huit heures moins le quart pourtant le soleil a presque disparu. Il ne fait pas encore nuit mais la pénombre plane déjà au-dessus de nos têtes. C'est déprimant.

Un nouveau râle m'échappe, ce qui me vaut quelques coups d'œil curieux. Cinq adultes – dans la vingtaine environ – marchent ensemble, en file indienne. À moins d'un mètre de moi, ils se détournent et ne se gênent pas pour me dévisager. Je me redresse, époussette le bas de ma robe bordeaux et recoiffe mes courts cheveux bruns. Je presse mes lèvres l'une contre l'autre afin de mettre mon rouge à lèvres foncé en valeur puis lève la tête. Mes yeux chocolat se posent sur le groupe d'inconnus qui me fixent toujours. Je leur lance un regard noir qui les dissuade de quoi que ce soit. Ils s'empressent de poursuivre leur chemin, à l'opposé du mien. La chevelure blonde et bouclée de l'une des trois jeunes femmes ravive une image bien précise dans mon esprit.

Le déjeuner d'hier midi a été chaotique. Un véritable enfer. À la seconde où j'ai posé un pied dans le loft de mon amie, je me suis décomposée. La présence de mademoiselle Swan m'a déstabilisé un instant. Je ne m'y attendais pas. En même temps, comment aurais-je pu ? Nous pensions ne jamais nous revoir. La recroiser dans des conditions pareilles, c'était pire que tout.

Visiblement, notre rencontre lui a laissé un arrière-goût plus qu'amer. Son message était très clair : elle me déteste. Son attitude méprisante, distante et agressive me l'a prouvé à maintes reprises. J'en ai été scotché. Je n'imaginais pas l'avoir autant mise en colère. Notre dernière conversation n'était même pas une dispute. Ce n'était qu'un simple désaccord. Je ne comptais pas en faire toute une histoire. Elle, si.

Mademoiselle Swan m'a envoyé des piques du début à la fin. À chacune de mes prises de parole, elle m'a lâché un reproche ou une phrase injurieuse. Sans parler de sa façon de me fusiller dès que je prononçais le moindre mot. Ses iris mi-verts mi-gris me lançaient des éclairs si violents que j'ai eu l'impression de me regarder dans un miroir. D'habitude, c'est moi qui me comporte ainsi. Cette fois, j'ai essayé de prendre sur moi.

Malgré ma forte envie de riposter, j'ai résisté. Me comporter en adulte civilisé était une rude épreuve, surtout que ma charmante rivale ne m'a pas facilité la tâche. J'ai failli m'étouffer au moment où elle m'a traité de vipère entre ses dents serrées. Son chuchotement non-assumé a suscité une montée d'adrénaline en moi. L'idée de lui coller une bonne claque pour lui remettre le cerveau en place me titillait de plus en plus mais je me suis contenue.