❄ - Chapitre 16 - ❄

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11 décembre 2021 – Bordeaux – Emma,

— Selon ta mère, ta mauvaise humeur est due à ta consommation d'alcool. Tu sais ce que je pense, moi ? Que c'est plutôt lié à la nuit dernière.

Les mains plaquées sur le comptoir de la cuisine, je ne réponds pas. J'aimerais lui hurler que c'est faux, qu'elle se trompe, qu'elle prend ses rêves pour la réalité. J'aimerais lui lancer des répliques cinglantes, la défier, la faire descendre de son piédestal. J'aimerais lui prouver que sa mascarade à la con n'a pas fonctionné et que son plan a échoué. Pourtant je me tais. Les mots coincés dans ma gorge ne veulent pas en sortir. Incapable de m'exprimer. Un léger soupir m'échappe. C'est peut-être mieux ainsi.

Regina est perspicace. Si je me défends, elle comprendra vite ce qu'il se cache derrière mon agressivité. Un lourd silence rôde dans la pièce. Que lui dire de plus ? Que son charme commence à surpasser son caractère horripilant et sa méchanceté ? Que pour des raisons que j'ignore, elle me plaît ? Que me réveiller seule m'a provoqué l'effet d'un coup de poignard ? Le stress me noue le ventre. Non. Elle ne doit pas savoir. Surtout pas.

Assise sur un tabouret face à moi, Regina affiche un sourire insolent. Ses doigts s'avancent lentement puis frôlent les miens. Une vive décharge électrique me chatouille la peau. Ses yeux remplis de surprise se braquent aussitôt vers moi. Sa bouche forme un petit "O" et ses sourcils se froncent. Ses traits se tordent comme si elle essayait de résoudre une énigme difficile. L'a-t-elle ressenti aussi ? Le feu ardent qui brûle dans son regard me consume. Je recule d'un grand pas. Ne lui montre pas que ça t'atteint, Swan ! Ne lui donne pas l'occasion de t'humilier à nouveau !

— C'est votre présence qui m'exaspère, sifflé-je pour contrer ses arguments trop vrais à mon goût.

— Ma présence t'exaspèrait beaucoup moins hier soir. Tu m'as supplié de t'embrasser. Tu étais plutôt pressée de m'entraîner jusqu'à ta chambre. Tu t'es montrée très entreprenante. Ne le nie pas, tu as apprécié ce qu'il s'est passé entre nous. Pourquoi serait-ce différent ce matin ?

Mes prunelles s'écarquillent. Comment peut-elle prononcer ces mots alors que son fils joue à l'étage ? Heureusement, nous parlons si bas que je doute qu'il nous entende. Ce qui n'empêche pas ma colère de ressurgir. Sa satisfaction se lit sur son visage. Mes poings se contractent. Ma rage gronde dans mes veines. Comment ai-je pu faiblir si vite ? Comment ai-je pu la laisser me manipuler ? Malgré ce que je m'étais promis, ses beaux discours m'ont détourné de mes convictions. J'ai craqué. Elle a gagné. Je suis tombée dans ses filets. Et maintenant j'ignore comment m'en débarrasser.

Des images de son corps nu jaillissent dans ma mémoire. Je tente de les chasser mais elles persistent. Mes pensées s'entremêlent et mes souvenirs me narguent. Je ravale mon animosité et mes grognements étouffés. Quelle imbécile je suis ! Son départ en douce ne devrait pas m'étonner. Une garce de son espèce ne s'attache à rien ni à personne. Pourquoi l'ai-je oublié ? Bon sang ! Pourquoi ai-je été si stupide ? À quoi est-ce que je m'attendais ? Son rictus triomphant s'accentue. Mon cœur se serre. Ma frustration se transforme peu à peu en peine. Nous savons toutes les deux ce à quoi je m'attendais.

— Parce que je méritais un minimum de politesse et que je vaux mieux que quelqu'un qui s'en va comme une voleuse au milieu de la nuit. Je savais que vous ne cherchiez qu'à enchaîner les conquêtes mais... le respect, vous connaissez ? Prendre les gens et les jeter ensuite, ça vous amuse ? Vous êtes encore plus mauvaise que je le pensais. Pourrie jusqu'aux os.

L'éclat de son rire rauque résonne dans le loft. Mes ongles s'enfoncent dans le creux de mes paumes. Mes émotions jouent aux montagnes russes. Je souffle du nez. Elle veut que je perde patience mais je ne lui donnerai pas ce plaisir. Mon corps se redresse. Mon dos est droit. Ma tête est relevée. Mes bras sont croisés contre ma poitrine. Mon regard noir la transperce. Elle déglutit. Ma bouche s'étire en un sourire combatif. Je ne me rabaisserai pas à son niveau.

Opération "attraction glaciale" [SWANQUEEN]Where stories live. Discover now