Opération "attraction glaciale" [SWANQUEEN]

❄ - Chapitre 18 - ❄

19 décembre 2021 – Bordeaux – Emma,

"It's the most wonderful time of the year,

with the kids jingle belling and everyone telling you "be a good cheer !"

It's the most wonderful time of the year".

Ma playlist de Noël m'accompagne depuis si longtemps. Chaque année, entre novembre et janvier – voire parfois jusqu'au printemps –, j'écoute les mêmes musiques en boucle. Certaines m'évoquent des souvenirs d'enfance comme lorsque je me réveillais très tôt le matin du vingt-cinq décembre pour ouvrir mes cadeaux. Certaines me plongent dans l'ambiance des fêtes : maisons décorées du sol au plafond, sapins, guirlandes, Père Noël et lumières qui brillent de mille feux. D'autres parlent d'amour et me renvoient à ma vie écrasante de célibataire. Je lâche un profond soupir. Mes parents ont trouvé leur âme sœur ; pourquoi pas moi ? Est-ce que la mienne m'attend quelque part ?

Tu l'as déjà rencontré, me souffle ma conscience. Je lui ordonne de se taire. Malgré tout, des pensées se faufilent dans mon esprit. Le visage de Regina m'apparaît. Non ! Pas maintenant. Plus je m'acharne à chasser ses traits, plus ils deviennent nets. Bon sang. Son image s'intensifie. Ses courts cheveux noirs encadrent un faciès dur, froid, fermé. Ses sourcils froncés et sa mâchoire crispée hurlent de colère. Peu à peu, son expression change. Ses muscles se relâchent. La cicatrice au-dessus de sa lèvre supérieure amplifie son charme. Ma tête se met à tourner. Elle est époustouflante.

Une lueur furtive passe dans ses yeux bruns. Une lueur que je n'avais jamais vue chez elle avant jeudi dernier. Sa bouche s'entrouvre et sa voix tremblante me chuchote cette phrase qu'elle a prononcé au Granny's : "excusez-moi, je vais prendre l'air". Elle s'est ensuite levée et précipitée vers la sortie. À son retour, son regard me fuyait sans arrêt. J'ai essayé de lui demander une explication mais elle m'a interrompu d'un ton sec. Sans m'adresser un mot. Elle s'est contentée d'exiger que Henry réunisse ses affaires et la suive sur-le-champ. Il s'est exécuté après m'avoir lancé un coup d'œil perplexe. Le comportement inhabituel de sa mère semblait le surprendre autant que moi.

L'air de It's the most wonderful time of the year d'Andy Williams résonne dans ma voiture. Je chante les paroles du refrain dans l'espoir d'oublier ce qui me ronge. Sans succès. La larme qui a coulé sur la joue de Regina me revient en mémoire. Mes mains agrippent le volant. Une larme ? Sur sa joue ? Cela me paraît surréaliste. Elle se montre toujours si détachée, si impassible, si insensible. Ne serait-ce qu'une façade ? Et si ce que je connais d'elle n'était que la partie émergée de l'iceberg ? Que dissimule-t-elle au-delà des apparences ? Est-ce possible qu'une part d'humanité se cache au fond de son âme ?

C'est stupide mais je la croyais incapable de pleurer. Encore moins en public. Surtout pas devant moi. Ou pire : à cause de moi. Mon estomac se tord sous la culpabilité qui m'assaille. C'est de ma faute. Je lui ai balancé des piques sans me douter que mes paroles pourraient la blesser. Ma gorge se noue. Depuis quand suis-je si méchante ? La réponse s'impose telle une évidence : depuis notre rencontre. Depuis la seconde où je l'ai traité de garce hautaine, irrespectueuse, odieuse et orgueilleuse. Depuis que nous sommes devenues à la fois rivales et... amantes. D'un soir. Juste un soir. Un rire moqueur m'échappe. Ce n'est pas étonnant. Que pourrait-elle vouloir de plus qu'une simple nuit avec moi ?

Le crissement des graviers sous mes roues me tire de mes pensées. Mes yeux s'écarquillent face à l'imposante maison dressée devant moi. Je suis déjà arrivée ? Je n'imaginais pas être si proche de mon but. Pourtant j'y suis. Si mon cerveau s'est déconnecté durant le trajet, mon corps n'en a pas fait autant. Sans que je le remarque, il m'a conduit jusqu'ici en un temps record. C'est en tout cas l'impression que j'en ai. Sinon comment expliquer que je ne sois toujours pas prête à lui parler ?