80/ Le sauvetage

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— Marcus ? Pouvez-vous vous lever ?

Jane le croit d'abord aviné. Puis, elle voit le sang sur sa chemise. La veste déchirée. Elle trésaille. La bande de Pete l'arnaqueur se serait-elle vengée ? À moins que ces rumeurs qui font état de bagarres clandestines ne soient vraies.

— Marcus, il faut vous lever. Je vais vous conduire à la cuisine. Ce sera plus simple. Venez, dit-elle en le menant avec difficulté vers la porte.

M. Bunt arrive à ce moment-là. Il l'aide à amener le Comte jusqu'à une chambre, où il le dépose sur le lit.

— Je vais m'en occuper, maintenant, M. Bunt. Ne vous inquiétez pas. Ne réveillez personne. Je sais soigner ce genre de blessures. Mon père était soldat et aimait se battre, lui aussi.

Le cocher ne demande rien de plus. Il se retire en silence. Ça n'est pas parce que la domesticité est silencieuse qu'elle n'entend rien. Toute la maisonnée sait pour cet amour complexe entre la fille adoptive de la marquise et le Comte.

Jane commence par évaluer les dégâts. Le jeune homme semble évanoui. Elle lui retire d'abord sa veste. Puis ouvre sa chemise déchirée en plusieurs endroits. Pas de plaie visible d'arme blanche, mais des marques rouges qui virent déjà au violet. Vue l'état de ses phalanges. Il s'est battu à mains nues.

Armée d'une bassine et de linges propres, Jane s'applique à nettoyer la lèvre fendue et la plaie ouverte au-dessus de son sourcil gauche. C'est elle qui a beaucoup saignée. Puis elle applique un cataplasme sur l'abdomen avant d'enrouler un bandage. Elle soigne ensuite les mains.

Alors qu'elle va le laisser tranquille, elle remarque une longue estafilade sur sa jambe de pantalon. Le tissu est fendu et dessous elle voit la peau marbrée. Elle grogne. Il va falloir lui enlever aussi le bas. Peut-être devrait-elle réveiller quelqu'un pour l'aider, finalement ? Puis elle hausse les épaules. Ça n'est pas comme si elle n'avait jamais vu un homme nu.

Elle lui retire son pantalon et soigne sa jambe en dissimulant ses attributs masculins avec le drap.

— Cette fois, c'est fini, Marcus Carver-Hill, murmure-t-elle en le bordant.

Jane va pour sortir de la chambre et se ravise. S'il se réveille ainsi, il va se demander où il se trouve... Peut-être pourrait-il être pris de fièvre ? Elle avise le fauteuil qui trône dans un coin de la chambre, grimace. Elle n'a pas envie de finir sa nuit dans cette robe et sur ce fauteuil.

Elle court dans sa chambre, retire sa tenue, enfile une chemise de nuit décente, un confortable peignoir et retourne dans la chambre où se trouve le blessé.

Il n'a pas bougé. Elle se couche près de lui sous la couverture. Dans l'état où il est, elle ne craint rien. Et de cette manière, il lui sera facile de lui toucher le front pour voir si sa température est stable. Jane s'endort très vite.

Lorsque l'aube arrive, elle ouvre les yeux et rencontre le visage de Lord Carver-Hill proche du sien. Trop proche. Il semble dormir. Son bras est venu envelopper la taille de Jane. Son corps est presque collé au sien. La position est plus qu'indécente. Jane tente de soulever son bras sans le réveiller, mais ses pupilles vertes l'épinglent aussitôt. Il sourit.

— Si j'avais su qu'il fallait me battre à mort et venir agoniser sur vos marches pour enfin atteindre votre lit, je l'aurais fait plus tôt.

— Vous ne dormiez pas ?! J'aurais dû m'en douter, rumine-t-elle en tentant d'échapper à son bras qui la tient maintenant fermement.

— Je suis blessé. Vous ne pouvez repousser un homme blessé...

— Bien sûr que si. Et si vous m'énervez, je vous frappe. Personne n'en saura rien, vu le nombre de blessures qui jalonne votre corps ! Qu'avez-vous fait ? s'exclame Jane en sortant enfin du lit.

— Je me suis battu, dit-il simplement en s'asseyant sur le bord du lit, le drap ceint autour de sa taille.

Il lui tourne le dos. Elle voit les marques qui constellent sa peau, ses épaules courbées et sa main qui cherche à apaiser une douleur.

— Ne touchez à rien, dit-elle en se précipitant.

Il lève alors un regard si désespéré sur elle qu'elle sent son cœur bondir dans sa poitrine. D'instinct, elle sait comment apaiser la souffrance qui habite cet homme. Pourtant, elle se retient. Elle ne veut pas de nouveau tomber dans ses filets. « L'amour brise les cœurs et rend amer »

— Pourquoi ? demande-t-elle simplement.

— Pour vous oublier, dit-il en se mettant face elle.

Il se penche alors et l'embrasse doucement. Il ne peut rien se permettre de plus, sa lèvre est fendue. Elle le repousse gentiment pour ne rien aggraver.

— Vous êtes un idiot.

— Je le sais.

— Je vais vous faire porter des vêtements décents et de quoi vous restaurer. Restez au lit et n'effrayez pas la bonne en vous montrant nu, je vous prie.

— Ça n'est pas à la bonne à qui j'ai envie de me montrer nu.

— Oh, mais s'il s'agit de moi, sachez que j'étais seule cette nuit pour vous soigner. Et que j'ai donc vu tout ce qu'il y avait à voir, monsieur, dit-elle en le laissant bouche bée dans la chambre.

Une fois dans le couloir, elle l'entend éclater de rire. Puis geindre brusquement. Bien fait !

L'éducation de Jane ShawWhere stories live. Discover now