84/ Le retour du Comte

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La date du mariage a été légèrement retardée pour que la marquise d'Ormondis puisse y assister au grand désespoir de Lady Carver-Hill. Mais elle n'a plus voix au chapitre depuis près de six mois. Son fils, Lord Carver-Hill a repris en main certaines choses qu'il avait laissées en friche cette dernière année. Il a repris de sa superbe et ne transige plus. Il impose. Il est le Comte. Elle n'est que sa mère.

Aussi, Camilla a pu voir son fiancé autant de fois qu'elle l'a souhaité. Grisham a sa place à table dans la maison familiale que Marcus a réintégré jusqu'au mariage. Officiellement pour surveiller sa jeune sœur. Officieusement pour s'assurer que sa mère ne détruise pas le bonheur de cette même sœur.

Dès le début de la saison et à l'approche du mariage, deux prétendants se sont déclarés à Olivia et Maria. Des jeunes hommes avec des situations suffisamment intéressantes pour que Carver-Hill prenne en considération leurs aspirations. Ils se pensent éperdument amoureux d'Olivia et Maria, qui, bien sûr, malgré leurs attitudes de coquettes, n'en pensent pas moins.

Marcus se doute que cela ne durera pas, mais il ne peut leur refuser ce qu'il a octroyé à Camilla. Il s'apprête donc à marier deux autres sœurs à la fin de la saison suivante. Tous ces mariages l'épuisent, mais il se rassure en se disant qu'ensuite, il sera en paix. Et puis, cela l'occupera le temps d'attendre la fin du deuil de Jane Stratton.

Comme il l'a promis, il n'abandonne pas. Durant six mois, elle a reçu tous les jours un billet. Toutes les semaines, un bouquet de fleurs. Tous les mois une lettre dans laquelle, il la tient au courant de ce qu'il entreprend et décide.

Il sait très bien qu'elle est déjà au courant par ailleurs, car si elle n'assiste à aucune mondanité de la nouvelle saison, elle participe activement aux activités en relation avec la gestion des biens qu'elle a reçu en héritage, ainsi qu'au sessions parlementaires à travers ses hommes de confiance. Sans parler de son grand projet : l'Institut Eugénia Stratton.

Carver-Hill sait que l'établissement médical pour les femmes est en passe d'ouvrir. Jane attendra sans doute la fin de sa période de deuil pour l'inaugurer. Elle a réussi le tour de force d'obtenir le soutien de nombreux médecins. Elle a aussi celui de nombre de ces femmes qui assistent leurs congénères, notamment lors des accouchements. Sage-femmes officielles ou non. Jane veut appuyer l'institut à une sorte d'école pour former des femmes aux bonnes pratiques sous la houlette de médecins, bien sûr. Elle s'inspire des travaux d'une certaine Nightingale. Une américaine.

Marcus trouve le projet si spectaculaire qu'il ne peut s'empêcher d'être fier de Jane. Il en a le cœur prêt à exploser. Il l'aime. Il le sait. Il le sait depuis le début. Il s'étonne lui-même d'avoir mis autant de temps pour l'admettre. Il s'étonne de sa stupidité qui a failli lui coûter la vie et lui a laissé quelques marques indélébiles sur le corps.


— Mon frère ?

— Camilla ? Que fais-tu là ? Ne devrais-tu pas être en train de finir de te préparer ?

— Je suis prête, dit-elle en entrant dans sa robe aussi simple que ravissante.

La jeune fille n'a pas voulu d'une robe spectaculaire et précieuse. Elle a préféré la simplicité et la beauté. Elle a eu raison. Elle est magnifique. Évanescente. Une princesse ? Non. Une fée. Une fée qu'il va mener jusqu'à l'autel avec beaucoup de plaisir.

— Sais-tu où est Grisham ? demande-t-elle avec un ton préoccupé.

— Oui. Bien sûr. Il se prépare, comme toi.

— Mère m'a dit qu'il ne viendrait pas. Qu'il avait pris le premier bateau ce matin.

— Pardon ? Mais... Bon sang ! Qu'est-ce qui lui prend de te raconter ça !?

— Ça n'est pas vrai ? demande Camilla avec amertume.

— Non, ma fée, répond Marcus en embrassant le front soucieux de sa sœur. Il ne te ferait jamais pareille chose. Pas après avoir attendu aussi longtemps de devenir tien. Il t'aime. N'en doute pas. Tu es son « impétueuse ». À jamais. Souviens-t-en et n'écoute pas mère. Je vais m'en occuper. Je regrette qu'elle cherche encore à te blesser. Je ne la comprends pas.

— Moi non plus. Mais j'aurai ma revanche.

— Ah ?

— Le jour où elle apprendra ce que tu as l'intention de faire.

— Camilla... Tu n'as rien dit, j'espère ?

— Bien sûr que non ! Ce sera tellement plus amusant quand tout le monde l'apprendra.

— Disparais, petite folle... Je dois aller chercher le plus stupide des hommes.

— Qui ?

— Ton futur époux, bien sûr ! Il ne faut pas être sain d'esprit pour épouser une fillette de 16 ans à peine et attendre le bonheur !

Un coussin l'atteint au torse alors qu'un rire tintinnabule dans le couloir. Camilla a disparu. Marcus remet le coussin à sa place et sort en souriant. Le bonheur de sa sœur lui fait du bien. Son bonheur et le fait de savoir que Jane sera là. Toute proche.

L'éducation de Jane ShawWhere stories live. Discover now