Chapitre 25 : Les détenus fantômes (époque : 2022) (3/3)

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Détentions secrètes, lieu masqué, USA, 13 heures.

Au milieu d'un espace naturel se tient une porte métallique entourée de murs de béton. Si l'espace semble ouvert, nul doute qu'un enclos existe, il doit seulement être éloigné des regards.

« Nous avons beaucoup roulé » se commente J. Stevens.

A l'arrière du bâtiment se tiennent des montagnes, des forêts, des nuages, mais aucun bruit d'animaux... et toujours la pluie et le vent.

« Insupportable » se dit-il en remontant son manteau sur la nuque et le cou jusqu'aux oreilles.

« Ça sanglote là-haut... pourquoi pleut-il tout le temps qu'importe où que j'aille ? »

De froid, il plonge ses mains dans les poches en maintenant sa cigarette entre les lèvres.

« Ah non, dans ma course après Jim Sullivan il neigeait. » Il sourit. « D'une certaine manière, le ciel se réchauffe... Mais j'aimerais qu'il arrête de me pleurer dessus. »

En marchant jusqu'à l'entrée, ses pas écrasent les branches éparpillées sur le sol et lui rappellent le bruit des os qui craquent. Il regarde ses chaussures masquées par la fumée de ses expirations et la brume maintenue par l'humidité et la température.

- Cet endroit respire la mort.

- Allons Docteur, ne soyez pas si positif. Vous n'aimez donc pas la nature ?

- La nature ? Froide, brutale, amorale...

- Vous n'aimez donc pas la nature. Pourquoi ne suis-je pas étonné ?

- Au contraire, j'aime son authenticité. Nul besoin d'abîme ici, tout y est clair.

- Dans ce cas, vous vous y plairez. Bienvenue dans votre lieu de travail pour une vingtaine de jours !

- Si jamais j'ai besoin de plus ?

- Vous ne tiendrez pas plus Docteur, je vous l'assure. Fin avril, début mai, tout sera terminé.

Il s'agit d'une ancienne détention administrative dont le sous-sol est habité d'un bunker spécifique des années de la guerre froide. La guerre n'est jamais loin de la paix. Hélas, l'inverse n'est pas si simple.

A l'accueil, parmi les gardes et les agents administratifs se présente l'agent Théodore Lewis qui les conduit vers les bureaux des espaces sécurisés intérieurs. Son mètre soixante-seize au milieu des deux hommes ne le grandit pas, les faisant passer pour des géants, ou lui pour un adolescent. 

Les mèches de ses cheveux blonds sont parfaitement taillées et plaquées des deux côtés de son visage anguleux que ses yeux verts illuminent.

L'officier présente au criminologue son badge d'accès, seulement pour les bureaux ici présents évidemment.

- Agent... « Truman » ? Vous êtes sérieux ?

- C'était le badge de mon responsable de la CIA.

- J'ai un badge de la CIA ? demande-t-il à J. Whedon.

- Cela vous pose-t-il un problème ?

J. Stevens ne répond pas, il se contente d'observer les lieux, les nombreux gardes même en ces lieux de bureau et d'archives.

- Vous avez un badge sans votre nom. C'est mieux ainsi, croyez-moi, précise l'homme en noir.

- Je ne suis pas croyant.

- Fiez-vous à moi alors.

- Je ne me fie à personne, répond à voix basse J. Stevens.

Lewis regarde les deux hommes en tendant au clinicien d'autres éléments qui accompagnent le badge. Pendant qu'il trie des dossiers, il commente simplement :

« L'ambiance de travail s'annonce chaleureuse. »

Il les dirige vers les couloirs d'entretien en s'enfonçant dans les intestins du bunker. L'air y est sec, froid, mêlant odeurs de terre, de javel et d'adipocire.

Pendant cet énième trajet, J. Stevens parcourt nonchalamment les pièces des dossiers. Constatant leur nombre, il referme les documents et s'aperçoit de la présentation de la pochette : groupe recherche / code projet « E.L.I. ».

« Est-ce la seule raison ? » s'interroge-t-il. « Un simple tatouage détermine-t-il à ce point toute la direction d'une enquête ? ou bien est-ce l'arbre qui cache la forêt ? » J. Stevens rit intérieurement. « Amor Fati, j'espère que dans cette foutue forêt-ci il ne pleut plus. »

Pendant la marche J. Whedon demeure taiseux, autant que le Docteur. Seul l'agent Lewis cherche l'interaction.

- Docteur, cette histoire du poseur de bombes que vous auriez identifié juste avec des lettres qu'il envoyait est-elle vraie ?

Le visage de J. Stevens se déride, puis il se frotte nerveusement le visage.

- Oui ? Vous avez donc vraiment identifié le criminel jusqu'à ses habits lors de son interpellation. Je n'aurais jamais pensé.

- Comment cela ?

- Simplement, je vois comment vous êtes habillé...

- Qu'y voyez-vous ?

- Vraiment ? Bien, disons des vêtements sobres, abimés, avec une chemise froissée. Aussi je n'aurais pas cru que vous portiez un intérêt à la manière dont les personnes s'habillent, dont les criminels.

- C'est une bonne observation. Pourquoi me poser la question alors ?

- Pour faire la part entre la vérité et la légende, assure-t-il en lui servant un café.

- Les deux sont bien souvent confondues, comme l'eau chaude aux grains de café. Comment séparer les éléments une fois ceux-ci entremêlés ?

- Vous voyez Docteur, coupe James Whedon en acceptant aussi sa boisson. Je vous avais demandé de vous changer. Cela nous aurait épargné cette conversation.

- Ce n'étaient que des histoires alors ? reprend T. Lewis. Je suis un peu déçu je l'avoue. Nous voyons certaines de interventions du « Docteur » en formation.

J. Stevens se sert immédiatement une seconde tasse en plus de la première, en répliquant sans attente aux deux hommes.

- Je vous avais répondu, en direction du conseiller tout d'abord.

- Tout n'est qu'histoire agent Lewis, indique-t-il ensuite. Vous vous en rendrez vite compte.

- Pour une fois, il semblerait que je sois d'accord avec le Dr Stevens, approuve J. Whedon sans prêter attention à la précédente remarque.

- Ne le soyez pas si vite, interrompt le criminologue. J'attends toujours de connaître votre histoire.

- Ça ne vous sera pas difficile, ou peut-être que si finalement, puisqu'elle n'est pas différente de la vôtre.

Les deux hommes se considèrent de nouveau.

- Je confirme... l'ambiance se montre chaleureuse, indique Théodore Lewis en vidant sa tasse.


Aparté VII : Ces fantômes qui nous hantent

B.T., Criminologue. Investigation des infractions contre les personnes. Bureau de l'aide aux victimes et à l'enquête. Police fédérale américaine.

(77e-78e ère de la famille d'Eli).

Dr J. Stevens FACE aux GARDIENS [ShortList Watty22... ss Edition] (Partie 2)Where stories live. Discover now