chapitre deux

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L'herbe sauvage chatouillait doucement mes oreilles. Le vent faisait chanter les branches du saule pleureur, et emportait avec lui les quelques notes qui s'échappaient du frottements des cordes de ma guitare. Je fermais les yeux, inspirais et expirais longuement. Puis je souris.

L'Endroit se trouvait en haut de la vallée où se trouvait le village. Ce n'étaient que des plaines, là-haut, mais quelques arbres par-ci par-là avaient poussé avec le temps. J'avais trouvé un lieu magnifique en haut, il y avait une rivière, qui descendait au village, une rivière d'eau pure et claire. Je m'y baignais souvent, plus jeune. Cette rivière provenait d'un petit lac, personne n'y faisait vraiment attention.

Ce lac était comme moi, au fond.

Sur les rives de ce lac se trouvait un magnifique saule pleureur, ses branches tombant dans l'eau formaient comme une petite maison cachée sous ses feuillages. On y entrait et tout devenait magique. Le bruissement des feuilles au vent formait une douce mélodie, et accompagnée de ma guitare, je chantonnais et c'était à ce moment précis que je me sentais bien, que je me sentais vivante. L'Endroit. J'y restais des heures sans que personne ne le sache. Même Christian ne connaissait pas l'existence de l'Endroit.

Je m'y rendais lorsque j'étais triste, que j'avais besoin de réfléchir ou tout simplement par pur plaisir. En ce jour-là, je réfléchissais. À ce garçon, à ce que je ressentais pour lui. J'y avais beaucoup réfléchi après ma discussion avec Christian, et au midi, quand j'avais mangé seule chez moi, aussi.

Mes parents ne venaient manger que rarement à la maison. Ce qui était une aubaine pour moi, je n'avais pas tellement envie de leur parler ces derniers temps. C'était assez égoïste, mais il était comprenant que je n'allais pas les adorer, ils travaillaient pendant toutes les vacances d'été, me laissant toute seule.

Enfin, c'était sûrement pour m'inciter à commencer à traviller, moi aussi. J'avais dix-sept ans, l'âge d'avoir un job d'été. Ma mère l'avait sous-entendu plusieurs fois, mais je n'étais pas du genre à aimer rendre service aux travailleurs alors que je pouvais ne rien faire. Et j'aimais tellement ne rien faire, comme en cet instant précis, où la brise soulevait lentement mes cheveux du sol.

Je m'adossais au tronc de l'arbre, repris ma guitare et fermais les yeux. Je repensais à l'inconnu. Je devais bien me faire à cette idée, je ressentais sûrement quelque chose envers lui pour y penser tout le temps. Mais quoi ?

Ça ne pouvait pas être l'amour. Je ne pouvais pas être amoureuse de quelqu'un que je ne connaissais pas, impossible. De la sympathie peut-être ? Ou de l'envie. L'envie de jouer et de chanter aussi bien que lui. À chaque fois que je pensais au garçon, je le voyais jouer de la guitare, sur la place.

Oui, c'était sûrement ça. De la jalousie.

J'ouvris les yeux. J'étais toujours adossée au tronc du saule pleureur. J'étais toujours à l'Endroit, j'avais toujours ma guitare contre moi.

Mais il était là. Le garçon, l'inconnu, celui de la place, du café, face à moi. L'objet de mes pensées, celui qui me torturait l'esprit depuis une bonne demie-journée déjà. Il tenait une paire de branches dans sa main droite afin de pouvoir passer, la gauche tenant sa guitare.

Nous restions longtemps ainsi, à se dévisager, à se contempler de la tête aux pieds. Je n'aurais su dire à quoi il pensait en cet instant précis. Si j'avais l'air bête, là, assise par terre, ou simplement était-ce bizarre que je le regarde ainsi. Ou alors, tout simplement, il se demandait ce que je faisais là. Ce qui était le plus plausible, en tout cas.

Puis il me sourit. Un sourire magnifique. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Oh non, pas encore.

- Re-bonjour, me salua-t-il.

Ailes (inachevée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant