Chapitre 46 - D'où vient la haine

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Après l'annonce du pro-Jäger, nous nous étions retrouvés dans la ville haute quelques minutes plus tard. Autour de nous, les habitants avaient tous observé les calèches qui nous transportaient comme si celles-ci venaient d'ailleurs. Je n'avais pas hésité à me cacher le plus que je le pouvais, m'enfonçant dans le siège matelassé de la petite voiture. La route, d'abord sinueuse et caillouteuse, devint peu à peu plus lisse et large. De là, j'étais consciente que nous étions très proches du plein centre, autrement dit, proches de l'endroit où nous étions sensés parler, et où les journalistes devaient déjà nous attendre, stylo et calepin à la main, prêts à gratter avidement dessus à la moindre information un tantinet intéressante.

"Il n'y a pas à vous inquiéter, tout va bien se passer, nous assura Historia. Vous voudrez vous reposer avant ? Vous avez fait un long voyage."

"Personnellement, je sens que plus je vais faire durer l'attente, plus je vais perdre patience." avoua Conny.

"C'est vrai que plus vite ce sera fait, mieux on se portera."

Lorsque nous nous arrêtâmes, la reine nous regarda tour à tour.

"Allez-y. Nous y sommes."

Conny m'intima de sortir la première. Hésitante, je posai un pied hors de la calèche et observai autour de moi. Déjà quelques habitants curieux nous fixaient, certains sans expressions vraiment apparentes, d'autres avec méfiance, et rares d'entre eux avec un certain dédain qui se faisait bien ressentir au travers de leurs yeux. Je baissai immédiatement la tête, et aidai Peak à descendre à son tour, pour ne pas me retrouver seule à affronter les regards de la population. Seulement, lorsque des pas se dirigèrent dans notre direction, je ne pus faire autrement que relever les yeux. À mon grand soulagement, c'étaient seulement Armin, Jean, Annie et Reiner qui nous rejoignaient, et au vu des expressions que leurs visages affichaient, je pus facilement deviner qu'ils n'étaient pas très sereins, eux non plus.

"Allez, les gars... C'est chez nous ici, non ?" lança Conny avec un faux entrain, histoire de motiver la troupe.

Il avait raison, après tout. J'avais une vraie raison de me sentir peu à l'aise et étrangère au décor. Mais pourquoi eux, l'étaient-ils ? Pourquoi le devaient-ils ?

Reiner me lança un regard peiné, comme s'il avait déjà compris l'état de détresse dans lequel j'étais à l'idée de me présenter au peuple. Lui, contrairement à Annie, avait décidé de s'exprimer en tant que porte-parole des eldiens de Revelio, après avoir jugé que le blond était le meilleur orateur d'entre eux deux. Armin, à l'évidence, allait être celui qui parlerait pour les eldiens du Paradis.

Et il restait moi.

Je ne faisais pas directement partie des deux catégories, parce que je n'avais grandi avec ni les uns, ni les autres. J'étais considérée comme une mahr par mon pays, et même malgré les incidents d'il y avait deux ans déjà, j'en étais toujours une. De plus, le fait d'avoir intégré le bataillon d'exploration en fin de guerre ne m'avait pas apporté grand chose, à part un grade justifié.

Parfois, lorsque je voyais mes amis du bataillon qui faisaient de leur mieux pour s'intégrer au peuple de mes terres natales, je me sentais perdue. Je ne savais plus vraiment si je devais les accueillir à bras ouverts, ou si je devais essayer de me faire accepter, moi aussi. Et même si aujourd'hui, tout était un peu plus clair, me retrouver face à un autre peuple, qui pensait différemment, qui avait vécu les évènements de deux ans auparavant différemment, c'était une épreuve qui me semblait difficile à surmonter.

"Tu n'es pas obligée, tu sais..."

Je levai la tête en entendant que Reiner tentait de me rassurer. Ce dernier continua.

Deux mondes {ErenxOc}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant