CHAP. TRENTE-NEUF

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MARÍA :





Mathieu, en face de moi. Dont j'arrive à peine à contempler le visage dans cette pénombre. Mais c'est lui, et lui comme moi, me regarde sans rien dire. Un silence, sans être un silence, car mon corps crie de l'intérieur.
On se regarde, sans expression apparente, mais on se regarde, on ne s'ignore pas, on ne peut plus s'ignorer.
On se regarde. Plusieurs minutes. En silence. Dans ce Paris plongé dans la nuit. Des bruits de voiture, de klaxon lointain, des musiques au loin des bars environnants, une brise légère.
Et nous. Nous deux. L'un regarde l'autre.

Une de mes larmes atterrit dans mon cou. Son regard se pose dessus. Il ne sourit pas, il n'a pas l'aire en colère non plus. Il a l'aire fatigué, blasé. Mon visage a froid de par les larmes qui ont coulé dessus. Je renifle très légèrement. Mais mes larmes, moins abondantes, continuent de couler quand même.
Il relève sa tête de mon cou et me regarde.

Mathieu : Tu as toujours ta chaîne...

Je touche instinctivement mon pendentif de naissance.  Ce médaillon qui est responsable de beaucoup de choses. Ce médaillon qu'il a gardé plusieurs mois avant que je ne revienne...

María : Je.... Ma voix est nouée. Je m'attendais pas à te trouver ici.

Mathieu : Et moi j'm'attendais pas à te voir ce soir.

Je le regarde un instant, mais je ne rajoute rien. Je m'assois sur les marches de l'entrée de métro, et me sors une clope. Mathieu ne bouge pas de sa place. Il suit juste mes mouvements du regard, tout en gardant ses mains dans ses poches. Il ne tourne que très légèrement le buste et la tête pour suivre mes intentions.
Il y a un silence, pendant un petit moment. Aucun de nous deux ne parle, mais aucun de nous deux n'a envie de partir.

Mathieu : T'auras pas de métro à cette heure-ci...

María : Ah putain, je murmure, alors que j'étais sur CityMapper en train de regarder les horaires.

Je range mon tel et frotte mon front de ma main. L'autre tenant ma clope.
Je vois toujours sa silhouette sur les marches. Je suis dos à lui. Mais je sens sa présence. Je ne sais pas ce qu'il faisait ici d'ailleurs. Mon désir le plus cher serait de me dire qu'il m'attendait, mais je pense plutôt que c'est une bête de coïncidence. Encore une fois...

María : Et toi.... T'attendais le métro aussi ?

Mathieu : Nan... il range son tel dans sa poche et s'assoit à côté de moi. J'ai appelé un Uber. J'l'attendais.

Comme moi il allume une clope. Nous sommes assis côte à côte, comme un couple qui a divorcé mais qui se connaît si bien.

María : Moi... moi non plus je m'attendais pas à te voir ici Mathieu. Paris est grand, on avait peu de chance de se voir. Mais c'est comme ça.

Je tourne ma tête vers lui, puis il me regarde. Comme il est beau. Je le trouve toujours aussi beau. J'arrive à discerner sa barbe de trois jours par la lumière du lampadaire à côté de nous. Je sens son souffle sur mon cou même s'il est à plusieurs centimètres de moi. Je sens son parfum. Un autre que celui que j'ai connu la dernière fois, mélangé à une odeur de tabac.
Moi, j'ai toujours le même parfum que la dernière fois, mon Kenzo World. Mais il ne doit plus sentir à cette heure ci. Et j'imagine que Polak n'a pas dû mémoriser l'odeur de mon parfum non plus...

ME ENCANTA- PLK Où les histoires vivent. Découvrez maintenant