La révélation

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Le jour de notre rendez-vous ne tarde pas. Pendant la route, je me rends compte que je me sens comme un petit garçon surexcité qui va retourner dans son magasin préféré afin de s'y faire offrir de nouveaux jouets. Je tente de me raisonner, je vais lui proposer du travail, elle sera face à moi pour une mission rémunérée pas pour un rendez-vous galant. Mets-toi ça bien en tête, mon vieux ! Je me retrouve devant un immeuble des années soixante-dix. J'ai anticipé en vérifiant l'itinéraire la veille de mon départ. On peut dire que j'ai le sens de l'orientation ce qui m'a sorti plusieurs fois de galères. La pluie me surprend, je mets ma capuche et je sonne à l'interphone « Détective Labay ». La porte cochère signale son ouverture par un léger clic. Je la pousse et je me retrouve dans une petite cour pavée qui s'étend à mes pieds. Mon regard se pose sur une porte bleue, j'avance. Oui, c'est bien la sienne. Je m'apprête à saisir le heurtoir, une tête de lion dorée, gueule entrouverte qui mord un anneau. Mais voilà que la porte s'ouvre. Elle se tient devant moi, très droite, ses petites lèvres charnues sont peintes de brun, elles brillent. Je suis sous le charme. Elle me tend une main manucurée de vernis rouge et m'invite à entrer en souriant.

_ Bonjour Monsieur Malter.

_ Bonjour. (Je remarque un fauteuil noir, certainement en cuir, il a l'air confortable lorsqu'elle s'y assoit). Vous êtes très bien installée, lui dis-je.

_ J'ai tout refait, ce n'était pas dans le même état quand je suis arrivée cet été.

Il me faut un effort surhumain pour rester concentré sur la teneur de ses propos en évitant d'être emporté par la sensualité de sa voix. Je m'entends lui répondre :

_ Vous avez fait du beau travail, c'est impeccable et accueillant.

_ Merci. M'avez-vous apporté les photos en question ?

_ Oui, j'ai également pensé à la boîte. La photo de moi était dans le fond sous ce tissu de velours, voyez. (Je lui montre la boîte ouverte). Et puis bien en vue, il y avait ce portrait.

Elle sort une loupe d'un tiroir et me tend la main. J'y dépose mon double et moi. Elle nous scrute en tous sens.

_ Je pense que ce garçon a quasiment le même âge que moi, c'est fou comme nous nous ressemblons, vous ne trouvez pas ?

_ C'est vous sur celui-ci, je présume ?

Ai-je changé à ce point ? J'ai envie de lui poser la question, mais ma timidité me retient. Un peu d'humour pourrait lui ramener ce magnifique sourire qu'elle avait à mon arrivée peut-être... Au lieu de cela, je réponds d'un ton neutre :

_ C'est moi, oui.

Elle regarde à nouveau mon portrait puis celui du garçon inconnu.

_ J'ai interrogé plusieurs personnes notamment dans l'entourage de mes parents et de mes grands-parents. J'ai demandé à la gouvernante aussi, après tout, elle a connu longtemps mes grands-parents. Ils sont décédés ensemble dans leur sommeil il y a à peine un mois. Ils n'ont pas souffert, c'était une mort naturelle. C'est eux qui m'ont élevé après l'accident de mes parents.

_ Je suis sincèrement désolée ! Que s'est-il passé ?

_ C'était il y a longtemps, j'avais un an. Mes parents étaient dans un hydravion en direction d'Oïapoque au Brésil. Le pilote a perdu le contrôle d'un seul coup. Les experts n'ont pas pu déterminer la cause de l'accident. Il n'y a pas eu de survivant. En revanche, ma mère et un autre passager ont disparus. Les recherches n'ont rien données. Ils se sont littéralement envolés.

_ Cela a dû être très dur pour vous et votre famille. J'ai noté quelques informations qui me paraissent importantes et je compte bien retrouver ce garçon, vous pouvez avoir confiance en mon analyse et ma ténacité.

MON ARBREWhere stories live. Discover now