Chapitre 10 : « Et soudain, tout le monde me manque »

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Pour Perline, c'est le deuxième enterrement auquel elle doit aller en l'espace de six mois. Elle tente d'être forte et de ne pas montrer qu'elle risque de s'effondrer à tout moment. Il le faut. Ce n'est pas une option.

L'église est pleine. Elle est assise au premier rang, scrutant le cercueil orné d'une cinquantaine de bouquets de fleurs, prouvant tout l'amour porté au défunt. Elle posa alors les yeux sur les mains encore bandées de Max et y posa la sienne délicatement. Elle lui glissa un « ça va aller... », même si elle savait que sa compagne n'arrivait plus à sourire depuis plusieurs mois.

Max la regarda, et Perline ne put s'empêcher de caresser la cicatrice encore à vif sous son œil gauche. Elle avait le regard triste, tellement triste. Elle avait du mal à s'y habituer d'ailleurs. Depuis six mois, son visage était comme figé. Elle ne pouvait pas s'imaginer ce qu'elle avait vécu, ni même ce que Joseph avait pu vivre également. Mais ses yeux reflétaient cette souffrance, et la mort de son père il y a trois jours ne faisait qu'amplifier son âme en perdition.

La mère et la sœur de Max étaient assises à sa gauche, mouchoirs à la main. Elles accusaient le coup également. Elles savaient que ce jour arriverait. Mais pas si tôt après le drame.

Le prêtre commença la cérémonie. Tout le monde se redressa sur les petits bancs en bois, pour se préparer à écouter avec respect les paroles pleines de sagesse qu'il allait prononcer. Sans même connaître l'homme admirable que le père de Max était, il réussissait à lui rendre un hommage parfait.

Perline se tournait régulièrement vers son amie. Cette dernière ne pleurait pas. Pas une seule larme. Elle fixait simplement le sol, et elle la surpris même à sortir son téléphone pour répondre à un message de soutien de l'un de leurs amis.

Le prêtre invita tout le monde à s'avancer vers le cercueil afin d'y déposer des fleurs, ou dire un dernier mot. Tout le monde se leva et se mit en rang. Sauf Max, qui regarda Perline, cette fois-ci les yeux humides, fit un signe de « non » de la tête et sortit de l'église. Perline s'apprêtait à la rattraper mais Annabelle lui saisit le bras.

- Laisse-là un peu seule Perline... Laisse lui quelques minutes et rejoins là... Elle m'inquiète tu sais.

Sur ces mots, Annabelle repartit au côté de sa mère, pour un dernier au revoir.


*****************


- Tu vas bien ?

Elle rejoignit Max, qui s'était mise contre la voiture de Perline, essayant vainement d'allumer une cigarette.

- Attends, je vais le faire. On pourra bientôt te retirer ces bandages, ne t'en fais pas.

- Merci.

Elle tira une grande bouffée et l'expira lentement.

- Je n'ai pas pu y aller... C'était trop dur. J'espère qu'Anna et maman ne m'en voudront pas... Mais je ne sais pas. Je n'ai pas pu.

- Ce n'est pas grave mon ange. Allez viens là ...

Elle l'a pris dans ses bras et lui chuchota des mots doux à l'oreille, en lui caressant les cheveux. Elle savourait encore plus ces instants depuis l'accident. Elle pensait ne plus jamais pouvoir le faire, ne plus pouvoir l'embrasser, lui parler, la toucher. Chaque instant à ses côtés, même dans ces moments difficiles, étaient une vraie bénédiction.

- Je veux rentrer. Tu veux bien ?

- Et ta sœur ? Et ta mère ? Tu ne veux pas les rejoindre plutôt ?

- S'il te plait. J'ai juste envie de rentrer à la maison.

Perline n'insista pas, sortit les clés de sa voiture, ouvrit la portière et regarda Max s'engouffrer côté passager. Elles habitaient toutes deux chez Max désormais. C'était bien trop dur pour Perline de rester dans l'appartement dans lequel elle vivait avec son frère.

- Tu veux qu'on aille se chercher quelque chose à manger ? Un bon burger ça te dit ? Une pizza?

- Je n'ai pas trop faim tu sais.

Le silence s'installa dans la voiture jusqu'à leur arrivée. Max jeta son sac et sa veste sur le canapé et se déshabilla entièrement, laissant apparaître ses brûlures sur plusieurs parties de son corps.

- Mais qu'est-ce que tu fais ?

Elle ne répondit pas et s'approcha de Perline et l'embrassa tendrement, tout en lui ôtant ses habits également. Elle l'a pris par la main pour l'entraîner dans la chambre et l'allongea sur le lit.

Elle continua à l'embrasser et la serra tout à coup contre elle. Perline sentit des larmes couler sur dans son cou. Elle comprit rapidement que Max était en train de pleurer, et elle accentua alors son étreinte.

Elles restèrent comme cela un moment. Il y avait une éternité que Max ne s'était pas mise nue tant physiquement que psychologiquement.

Elle laissa Perline caresser tendrement les parties de son corps meurtri par les flammes. Puis, Max lui chuchota à l'oreille un « Merci » poignant. Perline se dégagea alors de ses bras pour la regarder. Max posa ensuite sa tête sur le ventre de sa petite-amie, et exténuée, s'endormie quelques minutes après, paisiblement.

Pour la première fois depuis des mois, elle arrivait à dormir plus de 3 heures d'affilée, sans que Perline n'ait à la consoler d'un cauchemar dont elle ne parlait jamais.

Et puis un jour, tu t'envolas.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant