Et puis un jour, tu t'envolas.

Chapitre 14 : « Je verrai toujours vos visages. »

Je n'y crois pas. Elle est là, assise tout près de moi. Sa main dans mes cheveux m'a fait un tel effet de bien-être. Je n'arrive pas à lui parler. Je la fixe mais aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche ridicule. Elle est magnifique et j'ai une envie irrépressible de la prendre dans mes bras. Là tout de suite. J'ai envie de la serrer et de ne plus relâcher mon étreinte. J'ai envie de lui dire que je suis désolée pour tout le mal que je lui ait fait en partant, que je l'aime de toute mes forces, et que de la voir aujourd'hui était la pire chose que j'avais imaginé et qu'en même temps c'est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis des années. 

Et puis je pense à Sophia. A l'histoire qui ne fait que commencer avec elle. Je ne peux pas la trahir ainsi. En quelques secondes. Et puis peut-être que Perline a refait sa vie, qu'elle est désormais plus heureuse qu'elle ne l'a jamais été avec moi. J'en suis d'ailleurs convaincue depuis des mois et des mois. Ce serait logique après tout. Elle était si parfaite. 

- Encore dans tes pensées ? Je ne m'attendais pas à ce que tu sois là. 

- Ah euh oui mais Juliette m'a prévenue et ça me tenait à coeur d'être là. Juste pour ... je ne sais pas. Etre là. 

Un blanc s'installa. On se contente de se fixer en essayant sûrement de deviner les pensées de l'autre.

- Tu vis encore à Paris ? Repris-je un peu maladroitement.

- Oui toujours. Pas loin de notre ancien appartement d'ailleurs. Je suis toujours à l'hôpital également. Et toi...? Je n'ai plus jamais eu de nouvelles et je ne sais même pas où tu vis actuellement.

- Oh ... J'habite au Portugal maintenant. 

- Au Portugal ? Ah oui. Tu as vraiment pris le tout à contre pied. Je pensais que tu n'irais que pour quelques temps... Pas pour y vivre. Tu t'y plais ? 

L'instant est assez bizarre. On dirait un rendez-vous Tinder où l'autre pose des questions au parfait inconnu qui se trouve en face d'elle. Ce qui finalement est sûrement un peu vrai. Je ne sais plus rien d'elle. 

- Oui oui ça va. 

Elle ne prit pas compte de ma réponse qui semble l'avoir déçue et enchaîne.

- Je suis contente que tu sois là. Mes parents le sont aussi. Ils t'ont aperçus également. Tu voudrais venir manger avec nous ? Juliette est la bienvenue aussi évidemment. Vous êtes ensemble non ? 

Son côté frontal m'avait manqué. Pourquoi me demande-t-elle ça ? Elle serait jalouse si la réponse était positive ? Elle n'est peut-être pas passée à autre chose ? Et moi ? Est-ce que je serai capable de lui mentir pour Sophia si vraiment elle me le demandait ? Je prends le parti de jouer la carte de la crédulité.

- Ensemble ? Aujourd'hui ? 

- Non... Enfin oui mais tu sais elle est partie dans le même temps que toi a priori donc... 

Elle est si belle lorsqu'elle est gênée. Je décide de la rassurer immédiatement.

- Non non pas du tout. Nous sommes restées en contact, c'est vrai. C'est devenue une amie proche mais ce n'est pas ... ma petite-amie. 

- Ah d'accord ! Désolée pour la question ... C'était juste comme ça. 

- Et toi ? Tu as quelqu'un ? 

Ces mots sortirent de ma bouche aussi vite qu'un coup de fusil. Et c'est à mon tour de paraître désormais gênée.

Elle souria, attendrit.

- C'est très récent, et ... enfin. Je ne sais pas. J'ai envie de te dire non. Et toi ? 

Comment on en est arrivé là ? A se demander si l'on partage notre vie avec quelqu'un d'autre, quand quelques années auparavant les nôtres étaient liées sans conditions.