I - L'Étrangère

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De nos jours

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De nos jours

Les cheveux flottant au vent, la jeune fille regardait défiler les paysages champêtres à travers la vitre ouverte du train comme les héroïnes de roman le faisaient lorsqu'elles songeaient à leur misérable vie ou à leur avenir glorieux. Au fond du wagon un enfant pleurait, accroché aux bras de sa mère qui s'évertuait, sans pour le moins y parvenir, à l'apaiser sous le regard agacé des autres passagers. Pourtant la jeune fille, assise à quelques sièges de l'enfant, ne l'entendait pas. Plongée dans ses sinistres pensées, elle ne remarqua pas non plus qu'un petit garçon s'était installé en face d'elle.

- B'jour manz'elle, vous vous app'lez comment ? demanda-t-il impudemment avec un accent campagnard presque caricatural.

La jeune fille sursauta. Sortie brusquement de ses réflexions, elle ne parvint qu'à bégayer ces quelques mots :

- Leta... je m'appelle Leta.

- C'n'est pas courant comme prénom... moi c'est Simon !

Elle ne prêta pas plus d'attention au garçon qui mâchouillait bruyamment une confiserie dont l'odeur venait chatouiller ses narines et lui rappeler sa propre enfance. Elle percevait à présent les pleurs du bébé ainsi que les bavardages des autres passagers. S'appuyant contre la vitre, elle essaya de retrouver le fil de ses pensées. L'air frais effleura son avant-bras nu d'une légère caresse qui la fit frissonner. Elle s'efforça avec difficulté de ne pas regarder cette petite tâche d'eau de pluie sur la fenêtre. Ses yeux ne voyaient que cette imperfection, cette petite tâche insignifiante et ennuyante qui remplissait son champ de vision.

Après quelques minutes, la jeune fille divaguait à nouveau. Dans son imaginaire, elle était assise en salle de cours. Sur le tableau noir, une ligne lumineuse venait barrer la date du jour. L'horloge accrochée en haut de la porte indiquait cinq heures de l'après-midi. Elle discutait avec plusieurs camarades de classe échangeant des sourires et des rires complices. Lorsque le professeur entra dans la pièce, elle se tut. Elle intervint de nombreuses fois dans le cours afin de répondre aux diverses questions et chaque fois, elle brillait par son intelligence et sa culture. Mais Leta n'eut que le temps de poser le cadre de ses divagations utopiques, car sa tête heurta violemment la vitre. Dégrisée par la force des choses, elle rouvrit les yeux. L'univers lui rappelait avec brutalité que cela n'était pas son destin. D'ailleurs, elle ne retournerait jamais dans cette salle de classe.

Toujours assis en face d'elle, le petit garçon la fixait avec insistance. Il lui sourit, dévoilant une dentition imparfaite. Il semblait heureux de retrouver une partenaire de discussion et ne tarda pas à reprendre leur conversation :

- C'est quoi vot'e nom de famille manz'elle ? demanda-t-il avec cet accent qui commençait à lui devenir insupportable. Moi c'est Chevalier, Simon Chevalier.

Il marqua une courte pause, mais comme elle ne lui répondit pas car elle préférait passer le trajet dans le silence à rêver d'une vie qu'elle n'aurait jamais, il insista :

Les Mécanismes du cœur - L'ÉtrangèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant