IV - Demain, dès l'aube

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« Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. » [1]

Victor Hugo

Victor Hugo

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Utopia

   Ses talonnettes claquaient contre le sol pavé, tout comme sa canne frappait la pierre froide d'un geste sec qui résonnait dans toutes les rues d'Utopia. Son ombre s'étendait sur les murs, ses bras et ses jambes s'allongeaient à l'instar de son chapeau, bien ancré sur sa tête, qui se dilatait pour atteindre les sommets. D'un œil faussement distant, il se délecta de sa silhouette dominante et l'étira davantage en s'éloignant de la lumière vacillante des lampadaires. La nuit tombait de plus en plus tôt, les journées s'écourtaient tout comme sa tolérance envers le maire d'Archelène s'amoindrissait. Personne n'avait auparavant osé résister à son autorité. Il était le Magister, Manfred Cornelius Grindlight, descendant des fondateurs et du tout premier dirigeant que cette académie avait pu connaître. Il avait été l'élève le plus brillant de sa génération, triomphant de chaque épreuve intellectuelle sans être pour autant démuni d'habilité et de savoir-faire dans les diverses disciplines martiales. Il avait acquis et mérité un respect universel. Pourtant, le maire d'Archelène ignorait son statut et lui tenait tête, toujours un peu plus. Était-ce par vanité ? Ou était-il véritablement incompétent à la tâche ? Leur rendez-vous mensuel s'était conclu, une énième fois, sur un échec. Cela ne se reproduirait plus. Manfred lui avait accordé à contrecœur une ultime chance, mais c'était bel et bien la dernière. Georges ne se jouerait plus de lui.


— Papa ! Ne garde pas tes chaussures, Aliette vient tout juste de laver le sol !

   Ses lèvres s'étirèrent en un léger sourire. Manfred retira son long manteau, puis son chapeau haut de forme qu'il déposa avec soin sur l'étagère dédiée à cet effet. Enfin, il se baissa, appuyé sur sa canne, pour desserrer les lacets de ses bottes et ranger ces dernières dans le vestibule. Désormais, il lui était difficile de se déchausser, son genou de métal tout comme celui d'os peinaient à se plier, mais jamais il ne l'avouerait. Après avoir glissé ses pieds dans une paire de chaussons convenable, il s'aventura dans les couloirs du manoir jusqu'à atteindre son bureau.

   La pièce était froide et mal éclairée. L'air, empli d'humidité, soulevait une légère odeur de moisissure. Dans la cheminée en pierre dansait un feu, peu vaillant. Manfred attisa les flammes avec un soufflet avant de se laisser choir sur le fauteuil de son père. Autrefois, le tissu qui le recouvrait était d'un jaune canari chatoyant, désormais il était terne, éteint. Le bois sculpté des repose-bras et du dossier était si poli que l'on ne pouvait plus discerner les motifs. Néanmoins, lorsqu'il faisait glisser sa main sur le fauteuil, il pouvait toujours percevoir les ornements floraux. Ce simple contact apaisa sa colère, l'espace d'un instant. Le souvenir de son père se répandit dans son cœur telle une douce chaleur nostalgique ; mais il fut très vite chassé par l'image amère du maire d'Archelène, assis, le dos courbé, le visage ruisselant de sueur, les yeux brillants de malice et un rictus malhonnête déformant sa bouche.

Les Mécanismes du cœur - L'ÉtrangèreNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ