Le village d'Archelène n'est qu'un patelin parmi tant d'autres. Un lieu de traditions paysannes, une communauté conviviale et rustique à échelle humaine. Son plus grand mystère réside dans le sang étranger d'une jeune femme, Leta. Adoptée par la cha...
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Quelques heures plus tôt
Durant une grande partie de la nuit, Leta avait rejoué sa discussion avec Marie-Rose. Ces quelques mots prononcés semblaient emplir toute sa tête et ne plus pouvoir en sortir. Elle les répéta, encore et encore, jusqu'à ne plus être en mesure d'en comprendre le sens ni même d'être certaine de s'en souvenir. Tout se brouillait dans son esprit, mais ces paroles échangées s'emparèrent de son cœur et à chaque battement déferlait un torrent d'émotions.
Dans un premier temps, Leta douta de la véracité de cet étrange discours. Elle ne remettait pas en question la sincérité de Marie-Rose, la jeune fille avait entièrement confiance en sa mère adoptive, mais tout cela n'avait aucun sens. Pourquoi personne n'était venu pour elle ? Pourquoi repartir sans elle ? Elle avait pourtant dû compter pour quelqu'un : un parent, un ami... Sa poitrine se serra, comprimant ses poumons. Cette douleur amère la brûlait de l'intérieur. N'avait-elle aucun proche qui l'attendait ? Était-elle orpheline ? Non, son cœur lui dictait autre chose. Il lui criait de se souvenir. Soudain, un visage traversa son esprit. Elle ne put le saisir. Peut-être n'était-il qu'un mirage... Néanmoins, cette absence n'était pas la seule chose insensée. Que pouvait être une tempête sans pluie et sans tonnerre, mais avec des éclairs de lumière et des bruits métalliques ? C'était une véritable énigme. Certaines pièces du puzzle manquaient pour éclaircir le récit de Marie-Rose et Leta fut certaine que le maire les détenait. Qui d'autre que Georges de la Boisière pouvait connaître les secrets d'Archelène ?
Dans un deuxième temps, Leta éprouva le besoin irrépressible de hurler contre la terre entière. Pourquoi les choses devaient-elles être aussi compliquées ? Pourquoi avait-elle pris la fuite, se réfugiant sur le palier des Gaudreault ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle s'éloigne du groupe ? Qu'elle quitte cette maudite forêt ? D'ailleurs, d'où venait-elle ? Pourquoi avait-elle été abandonnée ? Qui étaient ses parents biologiques ? Et que s'était-il passé dans ces bois ? Leta fit le constat terrifiant qu'elle ignorait tout de sa propre existence.
Ainsi vint la troisième phase durant laquelle la jeune fille se sentit terriblement impuissante. Son destin s'écoulait tel un fleuve affranchi de toute entrave, incoercible, glissant entre ses doigts. Elle chercha maintes solutions pour le saisir et reprendre le contrôle de son existence, en vain. Leta confronta avec ténacité sa mémoire afin d'en retirer une image, un nom, une information quelconque, mais celle-ci restait opiniâtrement fermée. Elle imagina interroger davantage Marie-Rose. Pourtant, cela serait inutile. Sa mère adoptive lui avait déjà dit tout ce dont elle se souvenait. Alors Leta s'abandonna à la noirceur. Durant toutes ses années, elle avait secrètement espéré entendre ses parents biologiques frapper à la porte, mais cela n'arriverait jamais. Personne ne l'attendait dehors. Personne ne la recherchait. Personne ne viendrait pour elle. Jamais. Son cœur se serra jusqu'à diminuer de moitié et se métamorphoser en une pierre froide. Elle était seule.
