Chapitre 5

9 2 0
                                    

Lundi 13  Janvier – 06 : 41 ; New York ; Allen Street : quelques kilomètres plus loin de la Sixth Avenue

Calme, se décrivait la circulation dans la rue d’East Village. La longue route était presque inoccupée de véhicules ainsi que de berlines. L’une des rares présentes sur le bitume n’avait pas ses phares allumés afin de passer inaperçue. Pas totalement réussie, bien qu’elle soit petite.

Elle roulait vite, cette voiture. Par deux fois, elle avait fait le plein d’essence dans une station depuis son démarrage. L’envie de liberté se dégageait rien qu’au regard de la couleur jaune foncée de la moquette de la voiture. Originale pour les admiratifs, mais qu’à cet instant la conductrice et la passagère négligeait.

Deborah n’avait prononcé aucune phrase après des heures de route. L’état de choc prolongé dans lequel elle se trouvait la privait d’exprimer inexorablement ses pensées. Ce dont elle était sure, c’est qu’elle aurait mérité un prix pour avoir autant gardé le silence et essayé de faire le vide dans sa tête, d’habitude incroyablement chamboulée. Le hasard savait bien faire les choses, car elle serait probablement devenue une véritable boule de nerf si elle n’était pas aussi placide.

Toutefois, ses pensées et ses convictions se livraient la troisième guerre mondiale tout en elle. Ses yeux s’affaiblissaient comme une lumière en perte d’intensité. Elle n’avait ni faim, l’appétit semblait la fuir comme la peste. Plus exaspérant encore qui l’empêchait un moment de quiétude simulé : les ronflements de la passagère.

Un regard posé sur elle comprendrait qu’elle était bien couchée, comme un nouveau-né. Avec tranquillité. A yeux et poings fermés, la tête reposée contre la vitre. Un moment, Deborah la scruta. Elle était si belle blonde aux cheveux tachés de bruns que l’on pourrait la croire digne d’un film Hollywoodien. Son visage semblerait si parfait, si seulement de nombreux céruléens et marques que l’on remarquait en s’approchant n’avaient décidés d’y loger. Toutefois, sa simple silhouette semblait faire effacer ce désastre, elle portait un pull à manches grises, un NIKE d’été. Deborah vu qu’elle avait un gout prononcé pour l’habillement. Son jean était en mode « destroy » et se chaussures fermées se mariaient bien avec ses vêtements. Mannequin ? Se demanda Deborah.

Elle se mit à penser à elle. Elle et sa vie. Le choix qu’elle venait de faire. Ni le naturel, ni la gentillesse, ni la compassion ne pouvaient expliquer cet acte. Rien d’autre qu’un devoir obligatoire. Elle se sentait obligée d’avoir obéit. Obligée d’avoir pris sa Jaguar noire d’occasion afin de conduire hors de la ville, cette femme, qu’elle ne connaissait ni d’Adam, ni d’Eve.

Ce n’était qu’une partie de la vérité. Elle n’aurait jamais pensé qu’un meurtre pouvait ouvrir des opportunités. Si il y a quelques heures, elle pensait que la journée qui se levait marquait un nouveau départ pour elle, elle ne crut pas si bien le dire. Plutôt que d’une démission et d’un nouveau travail, c’était des congés qu’elle s’offrait. Paradoxal.

- On est où ?

Elle sursauta. La femme était réveillée. Quand Deborah la fixa de ses yeux, elle crut plonger dans un océan. Un océan terrestre. Liquide. Perçant. Elle en eut des frissons qu’elle détourna précipitamment le regard et répondit d’une voix mal assurée :

- Allen Street, à quelques minutes de Broadway.

- Tu vas à Brooklyn, c’est ça ?

Deborah acquiesça. En plus d’être une femme vraiment bizarre, elle avait une voix cassée surprenante. Le genre de femme que les hommes rêveraient d’avoir, dans cette époque où les clichés se retrouvent partout. Différente. Particulière.

ESPRIT CHASSEURWhere stories live. Discover now