III - Stupéfaction

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Quand Adrien revint chez lui, après avoir couru une heure, il n'allait pas beaucoup mieux. Malgré l'effort soutenu et la musique qui lui hurlait dans les oreilles, ses pensées, pas plus que la sourde douleur qui étreignait son cœur, ne l'avaient laissé en paix. Il était lourdement déçu. Il savait que son père faisait passer son travail avant tout, que Nathalie n'était qu'une employée et que Ladybug avait la lourde responsabilité de la sécurité de Paris. Tant leur caractère que leurs obligations ne les prédisposaient pas à le prendre en compte. Il pouvait se dire que ce n'était pas dirigé contre lui.

Pour Marinette, néanmoins, c'était différent. Elle était naturellement empathique et tendre. Il était son ami depuis des années et elle avait initié leur rapprochement. Rien ne justifiait qu'elle refuse de l'écouter. Elle s'était détournée de lui et il ne voyait aucune excuse ou explication qui pourrait adoucir le coup qu'elle lui avait porté. Il était humilié, bien sûr, mais il sentait que c'était plus profond. Il avait été imprudent. Suite à sa discussion avec Nino, il s'était permis d'imaginer ce que serait une relation amoureuse avec Marinette, et il avait pensé que ce serait vraiment bien. Il avait senti qu'il en fallait peu pour que son affection pour elle devienne un lien plus fort, plus intense. Il appréciait tout chez elle : son ouverture aux autres, son impétuosité, sa créativité, sa joie de vivre, sa douceur. Même les moments gênants où elle semblait incapable de s'exprimer clairement ne le dérangeaient pas. Lui, qui n'avait jamais eu le droit à l'erreur, observait avec bienveillance ces moments de perte de contrôle. Une partie de lui l'enviait de pouvoir se le permettre.

Il l'avait rarement vue vindicative. Elle réservait son mépris et ses rares moments de méchanceté à ceux qui le méritaient. Pourquoi lui opposait-elle ainsi son dédain alors qu'il était en train de lui ouvrir son cœur ? Avait-elle réalisé à quel point son départ précipité était blessant ? Était-ce là sa conception de l'amitié qu'elle évoquait si souvent ? Ne se rendait-elle pas compte qu'on ne traitait pas un ami ainsi ? Mais, qui lui disait qu'elle le considérait comme tel ? Il n'avait pas de réponse à cette question quand il parvint à son étage.

Il se sentit désemparé quand il découvrit Marinette, assise sur son paillasson. Il ne se sentait pas prêt à la revoir si vite. Il hésita, ne sachant quelle attitude adopter. Elle lui adressa un regard désolé :

— Pardon. Je n'aurais pas dû agir ainsi.

La déception qui obscurcissait les pensées d'Adrien s'allégea un peu. Marinette était consciente de ce qu'elle avait fait. Elle regrettait, elle s'excusait. Elle n'était pas si insensible à ce qu'il ressentait.

Il tomba à genoux devant elle, avant de réprimer l'impulsion de la prendre dans ses bras. Ils restèrent une seconde, incertains de la marche à suivre, avant qu'elle ne pose son front contre son épaule. Il se permit alors de l'étreindre. Ils restèrent un moment ainsi, tentant de contrôler leurs émotions. Finalement, il dit :

— Je suis heureux d'avoir choisi un paillasson trois étoiles, ultra-moelleux.

Il la sentit rire. Elle se redressa, le regarda et lui confia :

— Je suis pathétique.

Il ne répondit pas. Ce n'est pas l'adjectif qu'il aurait employé pour qualifier l'attitude qu'elle avait eue. Elle sembla le comprendre, car elle précisa :

— Je suis partie parce que j'ai paniqué. Ce n'est pas toi qui es en cause. C'est moi et uniquement moi. Je ne peux pas t'expliquer pourquoi j'ai réagi ainsi, mais je veux que tu saches que tu n'y es pour rien.

— On en parle à l'intérieur ? proposa-t-il, rassuré de la trouver dans ces dispositions.

Elle se pencha pour l'embrasser sur la joue, puis elle accepta sa main pour se relever. Une fois dans l'appartement, il contempla son vêtement de sport humide de sueur et dit :

Pour le meilleur et pour le pireWhere stories live. Discover now