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[J'abandonne.]

Une main chaude se pose sur mon épaule, une main amicale, une main que je connais bien.

— Loïs, est-ce que je peux te parler ?

Essoufflée au milieu de la piste de danse, je lui souris et je le laisse m'entrainer à sa suite. En passant devant le comptoir, j'attrape un verre d'eau et quelques secondes plus tard, je respire mieux. Le rideau en velours épais se referme derrière nous étouffant aussitôt la musique du café. Je n'entends plus que les basses qui semblent en dissonance avec les battements de mon cœur.

— Où est Alex ?

Les battements de mon cœur ne me préoccupent plus. Ni même la musique, parce qu'à cet instant, je suis sur mes gardes.

— Il est sorti prendre l'air.

— Merde, lâche-t-il.

— Quoi ?

— Je..., euh..., écoute, c'est difficile à dire. Je crois qu'il vaut mieux que je t'envoie la photo, tu verras par toi-même...

C'est avec méfiance que je récupère mon téléphone. En quelques touchers, une image apparait et je ne respire plus. De façon tout à fait aléatoire, mon cerveau capte les éléments qu'il la compose. Un pantalon sur les chevilles, l'obscurité, une femme à genoux, une rue étroite, une chevelure rousse, un homme torse nu, une robe rouge, une main sur l'épaule, des cheveux bruns, des tatouages, Alex. Je dois certainement manquer d'oxygène parce que ce n'est pas possible, l'information qu'élabore mon esprit est forcément erronée.

— Qu'est-ce que c'est, Tom ?

Ma voix semble appartenir à une autre, elle est neutre et posée.

— Je suis désolé, Loïs, c'est ma faute, je n'aurais pas dû l'inviter. Je ne savais pas que c'était son ex, je te jure...

Tom se saisit de mes mains, les serrant dans les siennes, m'implorant de lui pardonner une chose, mais quoi ?

— Tom, de quoi tu parles ?

— Alex et Mélanie. Elle m'a dit qu'elle sortait prendre l'air, elle aussi, mais comme j'avais besoin d'elle, je suis parti la chercher derrière le café et... merde. Je les ai surpris ensemble.

— Alex ? dis-je en regardant la photo sans y croire.

— Oh, je suis tellement désolé. Viens là, dit-il en m'entourant de ses bras.

Blottie contre son torse chaud et réconfortant, je réalise enfin ce qu'il vient de se passer. Comme une évidence. Et je m'effondre dans ses bras.

C'est comme si plus rien n'était consistant sous mes pieds, l'impression de chuter. C'est aussi à m'en retourner le bide, à vouloir vomir à en crever de douleur. Et à étouffer.

Je manque de tellement de choses à cet instant, de courage sans doute, mais surtout d'air. Alors, je prends la fuite.

Plus rien ne s'imprime dans ma tête, un bourdonnement épais obscurcit mes pensées et un bruit sourd et presque lourd martèle mes tempes. De vagues silhouettes agitées me parviennent, mais je les écarte de mon chemin pour m'échapper dans la rue. Une autre forme plus grande, plus sombre et plus lointaine, apparait devant moi et me pousse à fuir dans l'opposé. Me voilà, parfaitement seule. Seule avec ma douleur, seule avec mon brouhaha, seule avec l'écho de pas.

Mes pas qui se pressent de plus en plus, s'élancent et s'envolent. Je cours comme je n'ai sans doute jamais couru. À toute allure, comme si ma vie en dépendait. Je cours presque à l'aveugle et la sensation de brûlure que je ressens dans mes poumons et dans mon ventre est maintenant parfaitement réelle. Mais c'est insuffisant pour m'arrêter.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant