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[Moi aussi, Loïs.]

La foule se resserre de plus en plus autour de nous et les lumières s'éteignent de nouveau. Un frisson d'excitation prend naissance au niveau de ma nuque avant de s'intensifier pour se propager dans tout mon corps. Le public exprime son empressement, un rugissement sur la gauche, un cri strident plus à droite, des bruits de bottes qui claquent sur le parquet, des rafales de sifflements et bien sûr des applaudissements impatients.

Le groupe entre sur scène et je ne peux que sourire. La foule s'avance brusquement, s'entassant toujours plus vers l'avant. Alex en profite pour se placer derrière moi. Sa main chaude qui enferme la mienne se resserre brièvement. Je ferme les yeux et la musique commence, nous plongeant tous dans une sorte d'euphorie collective.

Au milieu d'un millier d'êtres humains, j'ai pourtant l'impression de n'être qu'avec eux. Nous dansons. Nous chantons. Nous rions. Alex m'embrasse parfois. Renaud tente de me porter sur ses épaules, sans y parvenir et sans me prévenir. José me bouscule et initie nos propres pogos.

D'ailleurs, lorsqu'un mouvement de foule m'emporte plus en avant, Alex me rattrape par la main et se place à côté de moi. Il me tient toujours la main, d'une telle façon que je sais qu'il ne me lâchera pas. Pas tout de suite, pas quand il me caresse le poignet comme ça, pas quand je lui lance des regards brûlant d'envie.

Finalement, la chanson entêtante Sun commence. Une chanson mythique, une chanson entrainante, une chanson qui fédère. Toute la foule devient hystérique, c'est une pure folie. Les paroles sont chantées en cœur dans toute la salle. Les yeux clos, je me laisse porter par ce morceau et l'émotion qui prend vie au plus profond de moi, grandissant au fur et à mesure que la mélodie s'envole, me coupe le souffle.

J'ouvre les yeux et je ne suis même pas surprise de tomber tout de suite sur ceux d'Alex.

« Over and over many setting suns, I have run. » (1)

Je m'arrête de sauter au milieu de la foule.

« I have waited for the rain to come, when through that mist, I see the shape of you ». (2)

Il s'arrête à son tour, se plaçant devant moi.

Dans son regard, je peux lire de l'envie, de l'étonnement, de la joie, du respect, de la passion. Le temps semble se figer, nous sommes là, immobiles, perdus dans les yeux l'un de l'autre, alors que c'est un pur déluge tout autour de nous.

« And I know, and I know that I'm in love with you. » (3)

Je l'embrasse.

Je l'embrasse comme si ma vie en dépendait, me laissant envahir par toutes mes émotions. Je l'embrasse jusqu'à ce que la musique s'arrête et que la salle s'allume. C'est si brutal que je me sens exposée. Mes lèvres, avec prudence, se détachent des siennes. C'est quand je plonge mes yeux dans les siens, c'est à ce moment précis, que je panique.

Je recule, je tente de m'éloigner, mais la voie est bloquée par les centaines d'inconnus qui m'entourent. Je me faufile à travers un monde brumeux entassé dans une fosse étouffante. Je pousse maladroitement les gens face à moi, je les écarte, essayant coute que coute de me frayer un chemin. La sortie m'apparait enfin, après ce qui m'a semblé être une épreuve harassante. Plus rien ne compte à part ça, si bien que je ne suis plus prudente. Non, je fonce et j'envoie valser tout ce qui se trouve devant moi.

Les portes claquent dans mon dos et le froid me saisit. C'est si mordant, mais franchement insuffisant pour me freiner, alors je dévale l'escalier, j'avale les marches jusqu'à atteindre le quai. L'eau scintillante devant moi, d'une couleur assombrie par la nuit, elle seule, a apparemment le pouvoir de m'arrêter. Le silence, bien qu'imparfait, s'invite tout autour de moi, contrastant avec le brouhaha contenu dans la salle, apaisant les murmures toujours présents dans ma tête. Et puis enfin, je le sens, lui, sa main autour de la mienne. Alex ne m'a jamais lâché.

Folie toujoursWhere stories live. Discover now