Sarbédia : Prélude vers l'abysse

La Voie de l'Honneur

L'Honneur nous tue.

Ces mots ne cessent de revenir me hanter à chaque instant ou je pose les yeux sur ce qui reste de mes frères. Pour les simples mortels, cela n'est rien de plus qu'une simple constatation. Une observation subjective purement factuelle, mais pour moi, pour mes frères Storm Wardens, c'est un tabou, une vision inconcevable de la réalité. La voie de l'Honneur guide chacun de leurs pas, chaque action, chaque souffle expiré ne tend que vers cet unique but : l'Honneur.

J'ai écouté patiemment mes frères premier-nés me conter un millier d'histoires, de récit de batailles glorieuses, mais la seule conclusion que j'en tirais était que les morts l'étaient devenu pour l'Honneur, là où ils auraient pu survivre pour se battre un jour de plus.

L'Honneur du Chapitre, l'Honneur de la Première Compagnie endormie, pour Sacris, pour Lorgath Maclir.

Toutes ces raisons ne trouvaient pas d'écho en moi. Je ne vibrais pas à l'unisson de mes frères. Je ne comprenais pas. Pour eux, l'Honneur et la Gloire se trouvaient au fil de l'épée face aux plus puissants Champions ennemis. Si stratégiquement décapiter la tête pensante de l'opposant était viable, cela ne l'était pas en toute circonstance. Hier encore, alors que les Xenos Peaux-Vertes attaquaient pour la huitième fois en trois heures notre position retranchée, j'ai vu le frère Angus se ruer vers ce que je supposais être le leader de raid des Orks. Il prit cependant le temps de nous donner l'ordre de ne pas intervenir dans son combat sur le Vox d'escouade. Alors que je m'apprêtais à lui rétorquer que l'heure n'était pas aux exploits de force, je vis du coin de l'œil mes frères Premier-Nés acquiescer silencieusement et prendre position pour empêcher quiconque de s'interposer dans son duel.

Frère Angus expira trois minutes et quarante-trois secondes plus tard, sans qu'aucun de mes frères ne réagissent, laissant le Boss Ork victorieux devant le corps sans vie d'Angus.

Je fus le seul. Le seul à hurler le nom de mon frère lorsque sa tête quitta ses épaules sous l'assaut impitoyable du Xenos.

Je fus le seul à quitter ma position pour tenter de venger sa mort. Le seul qui chercha à récupérer son corps et son précieux matériel génétique. Et cela n'avait pas plu du tout au reste de mon escouade.

"Frère Dunn. Tu fais honte à Angus et son sacrifice. Il s'est battu avec honneur malgré sa défaite. Retourne dans les rangs !"

Les paroles incisives du frère-sergent Balgruff me font encore serrer les poings inconsciemment, comme si je pouvais broyer ma honte et mon incompréhension par ce simple geste. La mort du frère Angus était aisément évitable, mais je semblais être le seul à véritablement être dérangé par ce fait. Une fois la bataille terminée et les Xenos morts ou en fuite, le frère-sergent me saisit par l'épaule et me força à lui faire face.

"N'as-tu rien appris des vénérables anciens ?"

Je reste silencieux, acceptant le remontrance malgré ma confusion. Balgruff était un vétéran d'un millier de batailles et pourtant je le dépassais aisément d'une tête. Son visage buriné par des siècles de conflit devait se lever pour me fixer dans les yeux. Je pouvais deviner les regards réprobateurs de mes autres frères d'escouade rivés sur moi.

"Tu portes nos couleurs, mais tu restes un étranger, tu ne comprends rien de nos traditions, tu ne suis pas la Voie de l'Honneur."

Une fois de plus, mes poings se serrent. La Voie de l'Honneur. Un concept millénaire du chapitre qui ne suscite rien de plus que des interrogations pour moi.

"Les années que tu as passées dans les étoiles aux côtés des Fils Innombrables sont derrière toi. Tu as une nouvelle fraternité. Abandonne la logique froide des héritiers de Guilliman. Elle ne te servira à rien ici. Adapte toi, puisque c'est ce qui fait votre supériorité."

Nous y étions. Le masque tombait enfin. Ma réaction ne pouvait pas être irrationnelle, mon interprétation de ce qui venait de se passer avec Angus ne pouvait pas être anormale. Je sentais mes tempes battre violemment comme si mon sang s'enflammait sous l'impulsion de la colère qui brûlait mon corps tout entier. J'étais bien un intrus, un étranger pour eux. Mais cela était dû au fait que j'était un Primaris et non parce que mon incompréhension les dérangeait.