Chapitre 24 : Le pouvoir des autres

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Les doigts d'Elwen lissaient sans fin le tissu du siège où elle assise. Elrond l'observait en silence mais elle n'osait pas lever les yeux vers lui, n'ayant pas la force d'affronter son regard. Quatre jours étaient passés depuis qu'Arwen avait empêché son exécution.

À la vue de la chambre où elle avait été couchée, Elwen avait cru qu'elle était désormais libre, que les cachots n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Ce n'était qu'une autre prison plus confortable. Quand elle avait voulu sortir rejoindre Legolas un matin, elle avait découvert que la poignée de la porte avait beau être actionnée, elle demeurait close.

Un sentiment amer avait empli sa gorge. On l'avait libérée pour l'enfermer dans une tour d'ivoire, mais le principe restait le même. Oui, les tortures et les cris n'étaient plus quotidiens. Oui, les yeux de Legolas ne portaient plus cette ombre qui avait terrifié Elwen. Pourtant, l'elfe demeurait autant apathique et sans vie que dans sa cellule ténébreuse.

« Ma fille a raison, commença soudain Elrond, faisant se crisper Elwen. Je n'ai pas le droit de vous tuer, pas avec ce que je sais. Mais je n'ai pas non plus le droit de vous libérer. »

Elwen leva lentement les yeux vers lui, grattant de l'ongle le tissu sous ses jambes. Lorsqu'un garde était venu la chercher ce soir-là, elle avait été prise d'une panique immense qu'elle avait essayé de cacher à tout prix. Pendant un instant, elle avait été persuadée qu'il la ramenait sous terre, que cette escapade paradisiaque ne dépasserait pas le stade de rêve irréel et inatteignable. Une interlude doucereuse auquel elle n'aurait pas dû avoir droit. Voilà le bonheur, à présent que tu sais que tu ne l'atteindras jamais, bon retour en enfer, avait murmuré chaque pierre de cette bâtisse alors qu'ils traversaient les innombrables couloirs qui menaient à l'étude d'Elrond.

« En réalité, j'ai une proposition à vous faire. Mes conseillers y sont contre, Arwen m'encourage à suivre cette décision, tout comme Legolas. Mais c'est de votre avis dont j'ai besoin, poursuivit lentement Elrond, étudiant attentivement l'elfe en face de lui.

- Je vous écoute, souffla-t-elle, tendue et prête à bondir au moindre guet-apens.

- Connaissez-vous l'existence des Rôdeurs ? »

Elwen sentit son coeur se figer. Elle dût blêmir car le seigneur d'Imladris se pencha vers elle et lui sourit faiblement d'un air rassurant. Il ne voulait pas l'alarmer et cette attention la toucha tout particulièrement.

« Je sais ce que vous allez me dire, ces hommes vous ont traquée à travers toute cette Terre, vous en êtes la proie ultime, poursuivie à l'infinie et jamais délaissée par leurs rangs. Mais certains sont sous mes ordres et me resteront fidèles quoiqu'il arrive, si je leur ordonne de ne pas vous massacrer, ils ne lèveront pas un doigt vers vous.

- Vous voudriez me faire entrer dans leurs rangs ? Bredouilla Elwen. Pourquoi ?

- Entrez à mon service et oubliez les tourments de votre passé, même vos antiques différents avec les elfes seront effacés. »

Elwen réfléchissait à toute vitesse. Pourquoi Legolas n'était-il pas là quand elle avait besoin de lui ? Un regard et il aurait su la conseiller.

« Vous n'avez pas le choix Ilestelwen ... soupira doucement Elrond alors qu'elle relevait les yeux vers lui. Vous me devez la vie, j'aurai pu vous l'ôter sans me poser de question. J'exige quelque chose en retour et quelques années de service pourraient vous apporter bien plus que vous ne l'imaginez. »

Etait-elle prête à s'enchaîner à nouveau à un royaume, à se mettre au service d'un autre ? Le rire de Norn apparut dans son esprit, lui glaçant le sang. Elle se souvenait des paroles de chaque homme qui lui avait déjà offert d'entrer à leur service en échange d'un nouveau départ, aucun d'eux n'avait tenu cette promesse. La plupart n'avait vu en elle qu'un nouvel instrument de violence. Ils connaissaient son passé et la cruauté des actes qui lui étaient attribués, lorsqu'ils l'engageaient, c'était pour lui refiler les plus horribles tâches, celles qu'aucun autre n'acceptait d'accomplir tant elles entachaient l'âme. Sa monstrueuse âme à elle, Ilestelwen, ne pouvait déjà plus être sauvée, pensaient-ils sans regret. Quelle aubaine.

La fille qui n'avait plus d'espoir | Tome 2 : Celle qui hanteDonde viven las historias. Descúbrelo ahora