Chapitre 42 : Les murmures du disparu

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« Je ne serai pas votre maman

- Et nous ne serons pas tes enfants. » continuèrent lascivement cinq voix à moitié endormies.

Elwen sourit tendrement en leur jetant un dernier regard avant de souffler la chandelle entre leurs lits. Dans l'obscurité, elle écouta leurs respirations apaisées ralentir doucement dans la chaleur des bras de Morphée. Ses yeux parvenaient encore à distinguer les cinq formes allongées sous les couvertures. Quatre toisons blondes et une noire qui se fondait presque dans les ténèbres du sommeil.

« Que les Valar veillent sur ses enfants, que le monde guide leurs pas et que l'émerveillement illumine à chaque instant leurs coeurs. » susurra Elwen en regagnant son propre lit avant d'étouffer un bâillement.

Les dernières mois avaient été exténuants, l'elfe accueillait chaque soir comme une bénédiction, une minuscule victoire quotidienne. C'était un pari au jour le jour, à chaque aube son ventre se tordait inexplicablement, comme si une part d'elle tremblait de ne pas être capable de rendre à la nuit autant d'enfants que l'aurore lui avait donné. Les voir s'endormir un jour de plus était un cadeau qui relâchait un instant la tension de son être.

« Qu'ils ne connaissent jamais le désespoir, que chaque jour soit une joie et que la nuit se tienne loin d'eux. » ânonna une voix dans le noir de la chambre.

Elwen se figea. La main qui était en train de rabattre la couverture se suspendit dans l'air. Elle récitait cette prière elfique depuis quatre mois après leur coucher, sans même savoir pourquoi. C'était plus un rituel machinal que vraiment sacré, mais seule elle connaissait ces mots, les répétant encore et encore dès que les enfants s'endormaient. Qu'espérait-elle par ces paroles ? Les protéger des malédictions qu'elle portait encore en elle ou de la cruauté de ce monde qui ne tarderait pas à les rattraper ? Elle ne savait pas.

« Laya ? Souffla Elwen, interloquée.

- Je t'entends chaque soir, lorsque tu crois que nous sommes endormis, répondit la petite fille à la question muette de l'elfe. J'aime le son que forment ces mots.

- Tu comprends l'elfique ?

- J'aime bien, ça chante. » répondit la petite fille après un long silence

Elwen sourit dans le noir. Laya était sûrement la plus touchante d'entre eux. Elle semblait s'émerveiller de chaque chose à chaque instant, écarquillant toujours plus ses immenses yeux turquoises. Muirgen était plus réservée, elle parlait peu, contrairement aux garçons qui passaient leur temps à se chamailler. Mais Laya, Laya semblait répondre toujours indirectement aux questions, comme si son esprit était coincé dans une dimension toujours plus poétique et belle que le monde qui avait d'elle une énième orpheline.

« Qu'ils ne connaissent jamais le désespoir, que chaque jour soit une joie et que la nuit se tienne loin d'eux. » répéta la voix, rythmant la prière d'une mélodie qui acheva de faire grandir le sourire de l'elfe.

Ces derniers mois avaient été éreintants, mais Elwen ne regrettait rien. Les cinq enfants étaient des rayons de soleil, la relève dans son monde qui commençait dangereusement à s'assombrir. L'elfe posa la tête sur son oreiller, ferma les yeux et commença à fredonner doucement une mélodie que son esprit venait de faire ressurgir sans raison.

Le souffle de Laya se ralentit, elle sombra à son tour dans un sommeil lourd et paisible. Elwen écouta longtemps ces cinq respirations qui formaient la plus belle des musiques. Elle fredonna encore quelques minutes cette chanson étrange et s'endormit à son tour. Dans son sommeil, la comptine se poursuivit et lorsque Elwen se retrouva au pays des rêves, elle la chantait encore, incapable de se souvenir des paroles qui étaient pourtant la partie la plus terrible de cette histoire.

La fille qui n'avait plus d'espoir | Tome 2 : Celle qui hanteDonde viven las historias. Descúbrelo ahora