Victoire - La commande

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— Oh.... C'est ignoble, ce qu'ils disent ! souffle ma cousine.

J'abaisse mon écran d'ordinateur pour la jauger et la sermonner :

— Stéph', arrête donc de lire cela et concentre-toi donc sur ta lettre de motivation...

Elle m'adresse de gros yeux, débordants de reproches. Depuis hier soir et mon bref résumé de la soirée, elle fait une fixette sur ce Gabin. Ce qui fait que je ne peux pas manger mes tartines ou travailler en paix. Pourtant, il le faudrait : le timing est serré pour boucler à la fois la collection complète et la bague de fiançailles de Monsieur Gautier.

— Je suis atterrée par ton manque de curiosité, Vicky !

— Le combler par des sources aussi peu fiables, c'est malsain, pour moi. Et je n'en ressens pas le besoin.

Non pas que je critique la rédaction de Titounettexoxo dans son blog de gossip, mais j'ai du mal avec les analyses bancales de personnes souvent mineures, et encore plus avec les lecteurs crédules qui prennent ces infos comme évangile.

— Mais attends ! Dans leurs textes, vous êtes un vrai couple en devenir et toi tu ne veux même pas savoir qui est ton nouveau fiancé attitré ?

Je pouffe. Il est primordial de rétablir la vérité :

— De un, je connais ce qu'il y a à savoir sur lui, et n'ai pas envie d'en apprendre davantage, de deux ce n'est et ce ne sera jamais mon fiancé.

— Ne jamais dire jamais !

— Anh, Stéph', je t'en supplie. Je croirais entendre mamie Blanche.

— Paix à son âme...

Son décès est encore frais pour nous... Ce drame a beau dater de trois ans, il a fait basculer la famille entière. Depuis cet instant, plus personne n'a tempéré les colères de notre grand-père... L'aigreur a rendu ce dernier encore plus autoritaire, égoïste et manipulateur. C'est là qu'Anne-Sophie, la mère de Stéphanie, a réellement sombré dans l'alcool. C'est là que ma propre mère a déménagé dans une autre région, et que leur cadette, Anne-Laure, a sauté sur l'occasion de la mutation de son mari. J'ai été la seule à rester, à évoluer dans l'entreprise. Et elle m'appartiendrait déjà si je m'étais mariée, c'était sa promesse. Sauf qu'entêtée comme je suis, je persiste à vouloir faire mes preuves sans homme à mon bras.

Ton nom est dans plusieurs articles ! insiste Stéphanie.

Je lève les yeux au ciel, semi amusée, et replonge dans mon dossier 3D. J'espère juste que mon association à Gabin de Montarby ne me sera pas néfaste.

Dans le jardin, des aboiements répétés se font entendre. D'une voix commune, Stéph' et moi clamons :

— Pigeon !

Puis ma cousine s'égosille pour rappeler Poppy. La spitz arrive au quart de tour, sous la surprise générale.

— Les leçons avec l'éducateur canin paient ! note Eugène, apportant une théière fumante.

Poppy est connue pour être une vraie furie. L'appel à un professionnel, depuis quelques mois, a réellement aidé à canaliser la petite spitz... ainsi que ma cousine, qui est fascinée par l'ancien militaire qui vient lui donner cours...

Eugène nous sert une tasse de thé vert à chacune et le calme revient. Stéphanie, prenant Poppy sur les cuisses, met un terme au répit :

— Écoute ce qu'ils disent...

— Mais Stéph' ! râlé-je.

— N'as-tu donc aucune empathie pour lui ?

— Bien sûr que si... autant que pour n'importe quelle personne victime de ce torchon ! Par pitié, pose ça et n'en parlons plus. De toute manière, je ne le reverrai pas.

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