Chapitre 2 - partie 2

41 11 28
                                    

Sans un mot, j'obéis et me cale sur le siège passager. Pendant que je boucle ma ceinture, il m'observe du coin de l'œil, comme s'il s'attendait à me voir exploser d'une minute à l'autre. Oh, mon pauvre, si tu savais...

— Combien de fois devrais-je te rappeler que c'est pas prudent de courir le long de la grande route, comme ça ? demande-t-il enfin.

Question idiote. Nous nous connaissons depuis que nous sommes gamins : il sait que je me fiche bien de ce qui pourrait m'arriver. Combien de fois m'a-t-il sermonnée ? Rain, ne cours pas seule dans les bois. Rain, ne t'éloigne pas des axes principaux. Rain, fais attention aux types que tu rencontres... S'il avait quelques années de plus, on pourrait croire qu'il se prend pour mon père. Mais non, il a vingt-deux ans et pas une once de folie sous ces boucles blondes indisciplinées.

— Oui, Papa, me contenté-je de répondre.

— Si je dis ça...

— Ouais. Je sais.

Mon ton sec lui arrache une grimace et le contraint à abandonner. Parce qu'il est comme ça, Wayne. Doux. Généreux. Attentionné. Qu'il accepte ma vie étrange et mes sautes d'humeur, sans jamais se plaindre et ce, depuis l'instant où nos chemins se sont croisés, il y a de celà plus de quinze ans.

Il enclenche la marche avant et s'apprête à regagner la ville quand j'ai un sursaut de bonne conscience.

— Attends ! Me ramène pas tout de suite. On pourrait passer chez Regina et prendre deux cafés. Après tout, on est vendredi, non ? Je t'offre le petit déj' !

Mon chauffeur soupire en m'adressant un regard entendu :

— Rain...

— Je sais. Idée pourrie. Mais... C'est mon anniversaire après tout. Et c'est peut-être notre dernière escapade alors...

Très nul, Rain. Utiliser les sentiments de mon ami pour retarder l'inévitable, c'est bas. Or, ce n'est pas un mensonge. Une fois que Miroslav et son rejeton seront entrés dans ma vie, de manière officielle, qui sait quand je pourrais partager des moments simples avec Wayne, ou qui que ce soit ?

Face à mon air suppliant, mon ami capitule. Il met son clignotant et reprend la route, direction le diner. C'est notre rituel. D'aussi loin que je me souvienne, en vélo d'abord, en voiture maintenant, une fois par semaine, nous parcourons les quelques miles nous séparant du Last Chance et du plan d'eau pour aller savourer un petit déjeuner champêtre. Et en période de vacances, notre jour, c'est le vendredi. Chacun de nous règle son emploi du temps pour être disponible. Toutes les semaines. Sauf celle-ci. Nous n'en avons pas discuté. Pas besoin : Wayne connaissait cette date tout aussi bien que moi. La semaine dernière, il s'est contenté de me sourire tendrement en me ramenant chez moi. Pas d'au revoir, de larmes ou de crise. J'ai été assez claire sur le sujet : je refuse d'en parler.

Wayne est mon meilleur ami. Il a toujours été présent, dans les bons comme dans les mauvais moments. Il m'a vue au plus bas, désespérée, mais aussi heureuse et épanouie. Comme un frère, il se charge de me remettre sur le droit chemin lorsque je dérape, veille sur moi. Malinda a coutume de dire que nous pourrions être frère et sœur, tant nous sommes fusionnels. Elle n'a pas tort. Là, tout de suite, je sais qu'il est contrarié. Sa manière de serrer les dents et de mordiller l'intérieur de sa joue ou encore, son silence et son regard rivé sur la route...

— Tu m'en veux, soufflé-je.

Ce n'est pas une question, plutôt un constat. Refusant de lui laisser entrevoir mon trouble, je dénoue mes cheveux, y passe les doigts pour tenter de discipliner mes boucles, légèrement plus claires que celles de Wayne. Ce dernier soupire avant de rétorquer :

Wild Phenix [Sous Contrat d'édition]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt