Chapitre 3 - partie 2

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Cela fait bientôt vingt minutes que nous poireautons et je commence à perdre patience. Quand le vigile a voulu contrôler nos identités, je n'ai rien dit. Lorsque l'employée au guichet a pris un air pincé pour nous demander par deux fois si nous ne nous étions pas trompés de banque, j'ai ravalé mes paroles acerbes. Mais là, face au sous-directeur qui est juste incapable de nous donner ce que nous demandons, je sens que je vais partir en vrille. Et vite. J'ignore si Brain ressent ma fébrilité ou s'il s'impatiente à son tour. Toujours est-il qu'il se penche en avant, calant ses coudes sur ses genoux et, de sa voix de stentor, interpelle le bureaucrate :

— Dites donc, ça va durer encore longtemps, votre mascarade ? Notre temps ici est compté. Nous avons un rendez-vous à ne pas manquer d'ici moins d'une demi-heure. Et nous ne pouvons pas repartir sans ce fichu dossier. Nous serions désolés d'avoir à insister, monsieur... Barnes, conclut-il en effleurant de l'index la plaque posée sur le bureau.

Il n'élève pas la voix, reste courtois. Il se fend même d'un sourire en coin. Pourtant, le petit homme bedonnant face à nous n'est pas dupe. Sous son apparente politesse se cache une menace à peine voilée et le banquier l'a très bien compris. Le type rajuste ses lunettes, s'éponge le front avant de bafouiller :

— C'est juste que... C'est un tout petit peu plus compliqué qu'il n'y paraît.
— On est trop cons pour comprendre, c'est ça ? marmonne Lash.

Le dos calé contre le mur à côté de la porte, notre ami bout en silence. Si j'ai du mal à contenir mon tempérament, Lash, lui, est une vraie bombe à retardement. Et le banquier en a tout autant conscience que nous.

— Non ! s'empresse-t-il de corriger. Mais... il y a des complications.

Sans détacher mon regard de mes phalanges tatouées, je demande avec une voix qui se veut posée :

— Une complication administrative ou russe ?

Cette fois, le hoquet de stupeur de l'homme ne laisse aucune place au doute. J'ai visé juste. Je ne sais pas s'il a perçu la colère dans mes paroles ou relevé la rage dans le ton de ma voix, mais il pianote encore plus vite sur son clavier et tente de se justifier.

— Je.. Euh... En fait, ce coffre n'a pas été ouvert depuis bientôt dix ans et...
— Et ? T'as perdu la clé, Einstein ? s'énerve Lash.
— Ecoutez, tempère Brain. On ne veut pas d'histoire. Porter Coleman ici présent vous a fourni toutes les pièces justificatives, non ? Ce que contient ce coffre, on s'en fiche, nous. On doit juste récupérer un dossier. Alors, soit vous nous le donnez, sans faire d'histoire, soit mon copain-là, ajoute-t-il en désignant Lash du pouce, il va avoir beaucoup de mal à retenir monsieur Coleman.

— Toutes mes excuses, vraiment. Mais vous savez, les joies de l'informatique... Je vais voir ce que je peux faire. Puis-je vous proposer une boisson chaude pour patienter ?

Je secoue la tête, fais craquer les articulations de mes doigts avant de répondre :

— Contente-toi de faire ton job, ça suffira.

L'homme ne demande pas son reste. Il bondit de son siège, contourne son bureau en évitant soigneusement de s'approcher trop près de moi et se dirige vers la porte. Il se fige un instant en passant près de Lash. Au moment où il sort, le frangin, un rictus mauvais au coin étirant ses lèvres, lui souffle d'un ton menaçant :

— Un conseil : magne-toi.

Le type s'empresse de suivre les consignes et claque la porte derrière lui, nous laissant seuls. Brain se tourne vers moi, la mine renfrognée :

— C'est quoi ce bordel ? Dino avait dit que ce serait une promenade de santé. Mon cul, ouais ! C'est quoi, le problème avec les Russes ?

J'inspire profondément, hésite à répondre. Si notre président n'a pas jugé bon de leur donner plus de détails sur la merde sans nom qui régit cette ville, je ne suis pas certain d'être le plus légitime pour vendre la mèche. Or, si nous avons tant de difficultés avec un simple employé de banque, qu'est-ce que cela va être face à un avocat sans doute véreux ? Jouant avec mon labret, je fronce du nez et me lance dans un résumé de la situation.

Wild Phenix [Sous Contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant