✯ CHAPITRE XI ✯

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« Ce n'est rien de mourir, c'est affreux de ne pas vivre »

Parce que j'aimerais tellement entendre Ava prononcer ces mots.

Parce que je ne pense pas un jour pouvoir croire Victor Hugo.

Parce que je ne vois pas comment la mort peut n'être rien.

Mais parce qu'il y a un point ou je sais qu'il dit vrai, se contenter de n'être qu'un témoin de sa propre vie ne vaut pas le coup.

Parce que cette année sans Ava m'a détruite mais aussi appris.

Parce que c'est affreux de ne plus vivre.

Parce que je compte bien le faire de nouveau.

✯ ✯ ☼ ✯ ✯

Le temps passe, la vie reprend son cours. Je vois l'automne laisser progressivement sa place à l'hiver, qui dans quelques jours, s'évaporera lorsque le printemps fera son apparition. Le 24 janvier dernier m'a complètement chamboulée. Après avoir passé des jours à pleurer, j'ai rapidement pris conscience qu'Ava s'en voudrait terriblement que je saute le pas. Et j'ai décidé que la meilleure façon de montrer que je l'aimais de tout mon cœur et que jamais je ne l'oublierai, ce n'est certainement pas de continuer à la pleurer sans arrêt alors qu'elle avait horreur des larmes. La meilleure façon d'honorer ma meilleure amie est que je vive, pour nous deux. Pas comme si elle était encore là, parce que ce n'est malheureusement plus le cas, mais comme si elle était quelque part, et qu'elle me regardait vivre pour deux, fière que je me sois relevée.

J'ai eu un mal fou à prendre conscience de tout ça. Il était inconcevable pour moi de me remettre à vivre normalement alors qu'elle n'est plus là, j'avais l'impression que chaque sourire, chaque rire, chaque petit bonheur, n'était qu'une horrible façon de trahir Ava. Puis j'ai revu Madame Chauvet à un rythme de plus en plus soutenu, et elle n'a pas arrêté de répéter que le «normalement» que j'associe à ma vie d'avant n'est plus le même maintenant. Alors j'ai essayé d'avancer, au début c'était compliqué, mais au moins, j'ai compris. Et petit à petit, même si je pense à Ava tous les jours, je recommence à vivre. Et mine de rien, ça fait du bien.

✵✵✵

Je me lève ce matin la boule au ventre. Mes parents m'ont annoncé il y a quelques semaines que Simon, Luc et Jade n'avaient cessé de prendre de mes nouvelles. Alors que je les ai envoyés bouler de la manière la plus pathétique qui soit, mes amis ont continué de s'inquiéter pour moi. Encore. Alors que c'est tout ce que je voulais éviter. Après l'incident de janvier dernier, ils ont directement repris contact avec moi. Dès qu'ils ont eu le feu vert de mes parents, le groupe que l'on utilisait pour échanger toutes sortes de banalités du temps où Ava était encore là, a immédiatement repris du service.

Ils ont envoyé un premier message depuis le compte de Luc, qui était sûrement le seul à avoir le courage nécessaire pour appuyer sur la touche «envoyer». Le 2 mars, à 14h33, j'ai reçu cette notification que j'ai cru avoir imaginée pendant plusieurs heures puis je me suis résignée à ouvrir le message.

J'ai tout de suite sû que Jade et Simon n'avaient pas participer à sa rédaction, ou que Luc avait dû les stopper. Le message est bien trop léger pour que deux personnes comme eux aient réussi à l'écrire. Il dit seulement :

«Coucou Elaïa, tu nous manques beaucoup. Dis nous si tu aurais un moment pour qu'on passe un peu de temps ensemble. On t'embrasse.

Simon le plus beau, Luc et Jade»

Il est clair que si Simon et Jade s'étaient chargés de l'écriture, j'aurais été bombardée de questions. Et j'aurais été incapable de dire quoi que ce soit. Alors j'ai remercié Luc intérieurement pendant plusieurs heures avant de leur répondre un message se voulant le plus léger et détaché possible : «Vous me manquez aussi. Vous êtes libres jeudi en fin de matinée ? On peut manger ensemble après si vous voulez.» Cette fois—ci, c'est Jade qui a répondu d'un simple «Parfait !», et nous y voilà. Jeudi, fin de matinée.

𝐏𝐚𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐍𝐮𝐢𝐭 𝐝'𝐀𝐮𝐭𝐨𝐦𝐧𝐞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant