✯ CHAPITRE XXIII ✯

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« Vis comme si tu devais mourir demain, apprends comme si tu devais vivre toujours. »

Parce que Gandhi a, une fois encore, tout compris.

Parce que rien n'a plus de valeur que la vie.

Parce la restreindre à ce que le temps désire bien nous laisser serait une insulte.

Parce que la vie est belle, c'est le temps qui essaye de nous faire croire le contraire.

Parce qu'elle veut le coup et ne devrait être soumise à aucun courroux.

Parce que c'est encore une leçon que j'ai apprise d'Ava.

Parce qu'elle, elle a tenté d'apprendre comme si il lui restait une éternité à vivre.

Parce que c'est le temps qui la coupée dans son élan.

Parce que je sais que le vie lui aurait souris et qu'elle aurait tout appris.

✯ ✯ ☼ ✯ ✯

— Salut ! je lance à Maël quand son visage apparaît sur mon écran.

— Attends, je rêve ou tu as changer de décor ?

— Surprise ! m'écrié-je, ne contenant plus mon sourire. Je suis de retour chez moi.

— Tu vois, je t'avais dis que ta sortie approchait à grand pas ! T'étais motivée alors ce n'était plus qu'une question de temps ! Je suis hyper content pour toi, t'as vraiment l'air heureuse.

— Je me sens bien, oui, acquiescé-je. Je t'appelais pour te dire autre chose en fait, je poursuis en mettant une pointe de suspense dans ma voix. Si la proposition de m'accueillir chez toi tiens toujours, j'ai l'accord de Madame Chauvet et de mes parents. Ça ne va juste pas être possible cette année, je dois garder un suivi psychologique régulier et comme je pars en Grèce début juillet, ça ferait une coupure bien trop longue.

— T'es sérieuse ! Évidemment que ça tient toujours, on en parlait justement hier avec ma mère. Elle va être contente de savoir que tu vas bien. Tu viendrais quand ? m'interroge-t-il.

— J'ai des examens à passer au mois d'août pour pouvoir reprendre le cours dans le bon niveau alors ce n'est vraiment pas possible cet été, par contre, on aura peut-être des vacances en commun au cours de l'année, et sinon, il faudra attendre les prochaines vacances d'été.

— On reverra ça alors, ça ne presse pas ! On a peut-être été un peu trop ambitieux mais n'empêche que j'avais raison, tu ne fêteras pas un deuxième anniversaire au centre.

— Et c'est en partie grâce à toi, je réponds, reconnaissante.

— Non, c'est toi qui as tout fait ! affirme-t-il, bien plus convaincu que moi. Et sinon, pourquoi t'as de la peinture sur le visage ? C'est un style particulier, me taquine-t-il.

— Bouge pas, je te montre.

Je sors du cadre le temps de trouver mes dernières œuvres. Et réapparaît les bras chargés de toiles à la peinture pas tout à fait sèche.

— Quand je suis partie, Madame Chauvet m'a demandé si j'acceptais de lui faire des toiles qu'elle puisse afficher dans son bureau mais je crois que je me suis un peu emballée, je déclare en faisant défiler les différents tableaux devant l'écran.

— J'adore celui-là, me coupe Maël, approche un peu j'arrive pas lire ce qu'il y a écrit dessus. "L'automne doit laisser sa place à l'hiver pour que le printemps puisse enfin pointer le bout de son nez", lit-il. Je suis sûre que cette phrase est de toi. Il faudra que tu m'expliques ce que tu leur trouves de si intéressant aux saisons.

— C'est une théorie d'Ava au départ. Selon elle, les êtres humains peuvent tous être triés par saison, j'explique, me retenant de rire face à son regard sceptique. Ça te parait peut-être bizarre mais je te jure que si tu y réfléchis un moment tu comprendras l'idée, j'ajoute en reprenant les mots qu'Ava à elle même prononcé quand elle a tenté de m'expliquer son idée. Elle disait que les gens évoluent, comme les saisons. L'automne est morose et triste mais se transforme en hiver qui est plus chaleureux, bien que ce soit assez paradoxal. Puis l'hiver devient le printemps qui est synonyme de nouveauté, et enfin surgit l'été, l'été c'est comme l'accomplissement de tout ce qu'il s'est passé avant tu vois ?

— Je ne suis pas sûr de tout comprendre mais j'aime bien l'idée. Fais moi voir le reste de tes dessins.

Je continue de faire défiler mes œuvres, certaines colorées d'autres plus sombres mais toutes remplies d'émotions. Les réactions de Maël à propos de chacune d'entre elles me font chaud au cœur et m'incitent à lui expliquer à chaque fois ce que j'ai voulu représenter. Vient finalement le moment de lui parler des deux derniers dessins qui ne forment en fait qu'un.

— Ici, je commence en montrant la première partie que j'ai intitulée "Liberté", j'ai représenté Andromede s'envolant vers les étoiles sur le dos de Pégase. Andromede c'est le deuxième prénom d'Ava et j'aime me dire que l'endroit où elle est allée est tout ce dont elle a toujours rêvé. Le deuxième dessin s'appelle "retrouvée", c'est en fait la suite de liberté. Les deux constellations que j'ai représentées sont celles d'Andromède et de Pégase. Pour moi, elles sont symboles de protection, elles veillent l'une sur l'autre. Je les ai représentées comme si elles étaient entraînées dans une danse étoilée et il n'y a pas vraiment de raison à ça, je me suis juste dit que cette idée plairait à Ava.

— C'est très beau, encore plus quand on sait ce que ça représente pour toi. Mais alors, tu voudrais que ça représente quoi pour les patients ? demande-t-il avec un intérêt sincère.

— Je ne sais pas trop. L'interprétation est propre à chacun mais j'aimerais que des gens regardent mes peintures et se disent que la vie vaut encore le coup, que la bataille s'arrêtera quand le moment viendra mais qu'il ne faut laisser tomber sous aucun prétexte. J'aimerais faire comprendre que le meilleur est encore à venir.

La discussion se fait ensuite plus légère. Il me raconte comment ça se passe pour lui maintenant qu'il a entamé une nouvelle vie. Il m'explique à quel point sa mère s'en veut et qu'il a vite réussi à lui pardonner. Il m'assure qu'il n'oubliera pas, parce que ce serait oublier un bout de l'histoire de ses petites sœurs par la même occasion mais que la rancœur ne lui apporte rien de bon. Il a l'air vraiment heureux. Son nouveau lycée lui plaît, il est surexcité à l'idée que bientôt, il parlera anglais couramment, enfin bref, il s'épanouit et ça me donne envie de suivre son exemple. Il prononce une dernière phrase qui retient mon attention un peu plus longtemps que les autres : « Je me sens vivant, comme avant. »

C'est la première partie qui me fait tiquer, vivant. Ce mot fait écho en moi et fait remonter le souvenir d'une discussion que j'ai eu avec Ava il y a plusieurs années. Elle avait dit que son sentiment préféré était celui de se sentir vivante. Comme si sa seule mission était de vivre. Puis elle avait ajouté qu'elle avait fait des recherches sur la signification de son prénom et qu'il voulait simplement dire «Vie». Je me souviens avoir été marquée par cette discussion pendant un moment parce que je n'avais jamais réfléchi au fait que vivre pouvait se ressentir.

— Maël, tu viens de me donner l'idée d'un dernier dessin, je lance en lui racontant le souvenir qui vient de me traverser l'esprit. Il faut que je dessine un arbre de vie. Parce que tout le monde devrait se sentir vivant, et aimer ce sentiment.

On discute encore quelques instants avant de raccrocher et qu'il m'ai fait promettre de lui montrer le résultat de cette dernière toile. Pour réaliser cet ultime dessin, je sors la plus grande toile que j'ai. Il mérite d'être le plus imposant. Je réfléchis ensuite pendant plusieurs minutes de ce que je veux vraiment puis une idée me paraît être une évidence. Le prénom d'Ava symbolise la vie, en Grec, le mien est un olivier, symbole de paix et de longévité. Quant aux origines basques de mon prénom, elles se traduisent par le mot "hirondelle". Je me lance alors dans la confection d'un olivier aux branches alourdies par une nuée de petits oiseaux délaissant leur danse pour faire vivre cet arbre centenaire. Munie d'un tube de colle et de feuilles d'or, je cache les lettres du mot «Vie» dans l'écorce de l'arbre et sur le dos d'une des nombreuses hirondelles. Au-dessus de ma signature, j'appose un petit soleil doré qui composait celle d'Ava. Je ne ressens pas le besoin de nommer ce dessin, parce qu'il parle de lui-même. Il est ma représentation de la Vie. 

𝐏𝐚𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐍𝐮𝐢𝐭 𝐝'𝐀𝐮𝐭𝐨𝐦𝐧𝐞Where stories live. Discover now