Epilogue

675 70 146
                                    

L'hôpital de Kremlin-Bicêtre. Quand mon détective m'a dit qu'il avait informé Lamine et qu'il allait agir cette semaine, je n'en attendais pas moins de lui. De chez moi, c'est 30 minutes en vélo. Donc je prends un Velib et je m'y rends en écoutant de la musique comme quand je vais chercher mon pain le matin avant de me rendre au travail. Je croise des camions poubelles en chemin et je me rends compte que j'ai oublié de sortir les miennes. Mon frère va me taper dessus. J'augmente le volume dans mes écouteurs. C'est pas le moment de penser à ça. A l'accueil, je demande pour Sultan Yared. Dès qu'on me donne sa chambre, j'y cours presque. J'ouvre la porte sans toquer, sa tête se tourne vers moi. Je m'arrête devant la porte.

─ Tu fais super peur. Lamine t'a pas loupé.

Il essaye de se redresser mais gémit de douleur et s'allonge à nouveau. Je m'approche, on le reconnaît à peine. Amaliah l'aurait reconnu facilement, bien sûr, mais pas moi.

─ Tu te souviens de moi ?

Je le vois plisser les yeux.

─ Vite fait. T'es la petite de Terko. Tu veux quoi ?

─ J'ai tout vu.

Il fronce les sourcils, l'air grave.

─ C'est toi qui a appelé l'hôpital ?

Il comprend rien du tout. J'ai un peu mal aux jambes après avoir pédalé une demi-heure donc je pense à m'asseoir par terre pour discuter un peu avec lui mais c'est plus intéressant de le regarder de haut. Tout comme je le faisais ce soir-là, tout comme je l'ai toujours fait.

─ Si c'était moi qui t'avais croisé mort-vivant dans la ruelle, je t'aurais caché pour que personne te trouve et appelle qui que ce soit, encore moins l'hôpital. T'as eu de la chance.

─ C'est quoi ton problème ?

Je souris et appuie sur une plaie visible sur son ventre tout en plaquant mon autre main sur sa bouche pour ne pas l'entendre crier. Il essaye de se libérer mais ses bras lui font tout aussi mal.

─ Maintenant que j'y pense, les coups que tu as mis à Inès, c'est finalement Lamine qui te les a rendus.

J'appuie un peu plus fort. Je l'avais déjà vu la frapper mais ils étaient toujours dehors et j'avais jamais eu l'occasion d'intervenir. On coupe la langue de ceux qui parlent. J'avais beaucoup trop peur qu'ils me voient et que j'ai des problèmes.

─ Et la gifle que tu as mise à Inès ce soir-là, Lamine a mis la même à Amaliah.

C'est décevant. Très décevant. Moi qui étais si fan de leur couple quand j'habitais encore là-bas, je me retrouve à lui faire du mal. Je ne sais plus qui a filmé ce jour-là. Mais mon frère a eu la vidéo. Donc je l'ai eu. Et je l'ai partagé anonymement. Je préfère garder cette information pour moi aujourd'hui.

─ C'est marrant, non ? Puis t'as coupé les cheveux de Lamine et Amaliah a coupé ses cheveux après que vous ayez rompu. Attends, c'était Amaliah, non ? Bon, on s'en fout.

Je retire mes mains et il se met à haleter.

─ Choquée. J'avais même pas vu que je t'empêchais de respirer.

─ Nique ta mère, renchérit-il.

─ Eh, c'est pas gentil. Surtout que tu sais très bien que je ne peux pas te retourner l'insulte. Pas besoin de me regarder comme ça, tu ne feras rien dans ton état. Tiens, je t'ai ramené un cadeau.

Je sors trois photos de mon sac à main. Le détective s'est vraiment appliqué, ils auraient pu les poster sur Instagram si ils n'avaient pas dû cacher leur voyage. Et si Amaliah aimaient les réseaux sociaux.

─ Elles sont un peu abimées mais ça te fera un souvenir de Londres. Tu sais, ça m'a fait mal de devoir les montrer aux parents d'Amaliah mais même si on a jamais été amies, j'étais un peu attachée à elle.

─ Pourquoi tu me raconte tout ça ? Je m'en bats les couilles.

─ Je peux en parler à personne d'autre et maintenant que mon objectif est atteint, j'ai besoin de vider mon sac. Ma psychologue m'internerait à Kure si je lui disais tout.

─ Quel objectif ?

─ Te séparer d'Amaliah. J'ai vu ce que t'as fait à Inès et quand elle t'a pardonné, j'ai eu peur pour elle alors j'ai fait de mon mieux pour y mettre fin.

Il rigole et je me demande ce qui est marrant. J'ai clairement atteint mon but. C'est marrant parce que quand j'étais encore au lycée , la dernière fois que je les ai regardé par la fenêtre, mon rêve était d'être invitée à leur mariage. C'est fou comment les choses peuvent prendre une tournure différente en peu de temps.

─ Elle et moi ce sera jamais fini.

Je glousse.

─ Ca doit être ça. Inès lui a montré tout ce que tu lui avais fait.

Ses yeux sont tellement écarquillés que pendant deux secondes je suis certaine qu'ils vont sortir de son visage. Il me fixe quelques instants, comme s'il attendait que je dise « sike ».

─ Ah, c'est vrai. J'ai un dernier cadeau.

Je sors la photo de Lilia de ma poche pour lui la tendre, j'ai écrit « elle te ressemble, non ? » en rose, puis la refourre. Sultan serait abattu de savoir qu'il a un enfant avec une autre femme qu'Amaliah mais Inès ne mérite pas qu'il revienne. Sait-on jamais, il pourrait demander un test de paternité et tout compliquer dans sa vie avec Ali.

─ Oublie.

Je quitte sa chambre et reprends un Velib. Je crois apercevoir la Mégane d'Ibrahima sur le parking et en effet, il en sort avec Fanta et courent jusqu'à l'hôpital. La soirée au fight park est déjà terminée. Je reconnais la voiture de mon frère sur le parking. Super. Je peux m'attendre à une leçon de moral. Je le croise en montant les escaliers.

─ Oh Noûr ? Je t'avais dit quoi pour la poubelle ?

UdaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant