Chapitre 4 Elio

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 - Pourquoi je ne peux pas venir dormir avec toi ? Tu m'avais promis qu'on serait tous les deux.

Julliette me regarde avec sa petite bouille, ses yeux bleus sont tristes, je la prends alors sur mes genoux pour la rassurer et pose mon menton sur sa petite tête blonde.

- Les grands ont des secrets, et parfois ils vivent mal avec...

Elle pose ses petites mains rondes sur les miennes qui l'entourent. Et trace du bout de ses petits doigts le chemin de mes veines remontant jusqu'à mes avant bras :

- Tu parles de toi ou de Héna ?

Je n'ai pas pu empêcher de sourire, car je n'ai pas pu cacher la présence d'Héna dans mon esprit à ma petite sœur de trois ans, qui comprend drôlement vite les gens qui l'entourent. Je ne répond pas à Julliette alors elle poursuit :

- J'aimerais bien la voir. Et je serais avec toi comme ça...

Je ne peux pas dire à ma petite sœur, qu'elle c'est tout le contraire. Héna n'a pas vraiment envie de penser aux problèmes des autres, à part peut-être hier soir...

- T'inquiète pas ma puce, quand elle sera prête tu la verras.

- Et toi tu l'aime bien ? Demande-t-elle de son air innocent.

Je sais que derrière sa question ce n'est rien d'autre que de la curiosité infantile, mais je me raidis tout de même.

- Elle a du caractère et j'aime bien ça. C'est un signe d'une grande force. Lui dis-je avec un sourire.

Et c'est ce que je pense sincèrement.

Mais la petite tête blonde décidément curieuse de tout, se retourne sur mes genoux pour me faire face et jouer avec mes cheveux qui tombent sur mon front :

- Ah bon ? Pourquoi maman dit souvent que les gens avec du caractère sont... tu sais des enmer-hum hum ?

Oui cette phrase m'est souvent dédiée le peu de fois au Juliette nous a vu réunis. Cela tourne souvent à la dispute...Difficile de l'éviter aussi.

- Les gens avec du caractère sont soit comme ça depuis tout petit, soit ils cachent des bobos que leurs coeurs ont récoltés au fil des années...

- Hum, Héna elle a des bobos au coeur ? Mais ça part après ?

L'innocence de ma petite sœur me fait sourire, car elle récoltera des blessures aussi quand elle comprendra ce qui se passe vraiment dans notre famille. Mais j'espère qu'elle pourra compter sur moi...

Trop difficile cette discussion alors j'essaie de changer l'air triste de ma petite sœur en un sourire joyeux avant qu'elle retrouve Naëlle, sinon je m'en voudrais de la laisser triste.

- Il faut juste trouver des personnes avec de beaux petits pansements rose, vert, bleu avec tu sais ces machins là... Les hippopotames, les éléphants...Que tu colles dessus.

Et je la chatouille un bon coup avant de lui annoncer que je vais devoir la laisser avec Naëlle. Cela va être compliqué vu la phrase qu'elle m'a lâché toute à l'heure " Tu m'avais promis qu'on ne se séparerait plus"

Je roule les mâchoires serrées, j'ai horreur de laisser ma petite sœur dans cet état. J'ai l'impression de faire les mêmes erreurs que ma mère. Le plus dur est de devoir m'éloigner d'elle alors que je l'aperçois sur le balcon en train de me faire coucou, une mine triste figée sur son visage d'ange. Je suis souvent dans l'obligation de détourner le regard du rétroviseur tellement ça me fait mal. Mais je ne suis pas ma mère, je ne me suis pas barré à quatre mille kilomètres de chez nous. Et je suis là pour elle, pour toujours.

Je passe la porte, personne n'est là, pourtant c'est ouvert. En même temps avec tous les portillons, les codes secrets... Ils risquent rien. J'en profite pour monter mais une fois en haut de l'escalier la porte d'Héna est ouverte. Une idée ni bonne ni mauvaise me traverse l'esprit. Je ne sais pas à quoi ressemble son espace et cela m'intrigue même si cela ne le devrait pas... C'est un jeu dangereux que je m'apprête à faire pourtant le fait de savoir ne m'empêche pas de m'exécuter. Ma curiosité me tuera un jour. Je passe le seuil de la porte.

Je m'attendais soit à du rose, soit à du mauve voir du noir pour se là jouer ado rebelle, mais j'y trouve un vert menthe très clair sur ses murs ce qui me surprend. Quelques photos d'elle et de ce jeune homme de la plage s'éparpillent un peu partout, elle sourit. Sa chambre sent drôlement bon, enfin je crois que ça sent elle.

La déco est plutôt sympa mais reste assez sombre pour quelqu'un qui a des parents assez riches. Il y a des petites guirlandes un peu partout, des livres aussi et je comprends mieux leurs provenances quand je tombe nez à nez avec une grande colonne pleine à craquer de roman. J'y parcours vite fait mon regard en lisant quelques titres : Tout le bleu du ciel, L'autre côté de la rive, Se perdre... Hum... Pas très joyeux tout ça.

Son lit se trouve dans un angle de sa pièce, en face se trouve un grand bureau, où il y a quelques visages gribouillés par ci par là. Principalement des visages d'un garçon, on dirait presque une seule personne, à la fois représentée à plusieurs périodes de sa vie. Obsession pour quelqu'un ? Je balade mon regard vers ma droite et y trouve un carnet fermé, je vois tout de même les pages utilisées gondoler. Je passe le bout des doigts sur la couverture en cuire de petit carnet qui à l'air de cacher toute une vie. Je sais que je n'aimerais pas qu'on découvre le sens de mes peintures, je me sentirais nus et faible. Mais j'ai besoin de savoir ce qui s'est passé dans sa vie. Une boule au ventre, conscient que je m'invite dans sa vie, j'ouvre le carnet à la dernière page ou l'encre la recouvre. A la date de mon arrivée et y lis la gorge serrée, le ventre contracté :

Je me souviens, maman. Ton ventre était bien rond c'était bientôt l'été, la naissance de mon petit-frère approché. J'étais toute excité car tu m'avais dit qu'on ferait de la peinture sur ton ventre pour faire venir plutôt Nylon. J'étais persuadé que ça marcherait pourtant il est né avec deux semaines de retard. J'avais pressé ma paume recouverte de peinture contre ton ventre. Et lorsque tu l'as pressé un peu plus j'ai senti une sorte de vague se presser sous ma paume. J'ai alors ouvert grand la bouche et tu m'as dit "ton petit frère te dit bonjour, apparemment il aime la peinture". Et on avait ri.

Je remonte les pages pour y voir plus clair, jusqu'à ce que je tombe sur cette page. La page qui ne fallait pas que je lise. Mais qui allait m'apporter des réponses. Mes yeux trouvent lettre par lettre, et mot par mot sans que je n'ai le temps d'y réfléchir à deux fois avant de comprendre ce qu'elle avait écrit :

Maman, Nylon, c'est dur de vivre sans vous deux. Cette date 2011 me hante et me hantera pour toujours. Ton enterrement, maman. et ta disparition, Nylon. Tout ça le même jour alors que je n'avais que huit ans. Je ne veux pas oublier, j'ai peur de passer à autre chose, j'ai peur de confondre réalité et désir. Alors j'écris sur mon corps et dans ce carnet pour ne pas vous oublier.

Je n'ai pas le temps de réaliser que je viens de franchir une limite impardonnable que les escaliers grince. Je suis foutus il faut que je passe par la salle de bain pour rejoindre ma chambre. Mais pris de panique je ne sais plus comme je l'ai trouvé. Punaise si elle me trouve entrain de sortir de sa chambre je suis foutu. Je me dépêche de replacer le journal à sa place. Je me tourne rapidement en direction de la porte mais j'y trouve déjà Héna les yeux brûlant de larmes et les bras prêt du corps, elle lâche le sac plastique qu'elle a dans les mains. Elle m'a vu lire, elle m'a vu le ranger. Merde ! Elle bredouille quelque chose mais mon cerveau est au ralentit : j'ai merdé. Et bien comme il faut.

Nous deux à travers la véritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant