Chapitre 52 Héna

74 2 0
                                    


Je reste un peu distraite le temps du repas. Elio, lui, est distant, j'ignore pourquoi car nous avons fait part de nos inquiétudes l'un à l'autre. Je sens cette boule au fond de ma gorge, comme signe d'un mauvais présage. Et s'il ne m'avait pas tout confié ? Je regarde mon père, puis Jane et au final j'ai l'impression que personne n'est vraiment présent autour de la table. Les paroles de Juliette raisonnent de plus en plus, et je me perds dans le fond de mon assiette. Toutes mes pensées ruminent autour de moi, mais je n'entends que les plus sombres et elles résonnent sans fin. Savent-ils vraiment ce qu'il a dans ma tête ? J'ai surtout l'impression que je suis un peu égarée. Mon cœur s'accélère, je sens ma gorge se serrer. Je suis prise de panique à l'idée que personne ne soit capable de préserver un lien créé sur les bases de la confiance. Mon regard parcourt ceux qui sont autour de la table : Mon père a divorcé avec ma mère puis l'a perdue en tant qu'amie, c'est elle qui a brisé le lien. Puis Jane n'a plus de sœur psychologiquement stable et mon père est le premier homme qui ne la prend pas pour une idiote. Je sens des larmes qui menacent de couler. Elio est seul, car ses propres parents n'ont pas assumé leurs rôles. Juliette ne se doute de rien, mais son frère lui a créé une illusion de bonheur, mais quand elle découvrira la vérité, elle se sentira aussi seule que lui, à cause de la réalité des choses. Et moi je ne vois que par ma souffrance, un peu moins en ce moment mais seulement parce qu' Elio est là. Comment serais-je si il n'avait jamais existé, aurais-je fini comme ma mère ? Aussi vide qu'une coquille, au point de ne plus vouloir vivre et de sombrer dans l'égoïsme.

Mes esprits reviennent à eux même quand mon corps sent la main d'Elio se poser sur ma cuisse. Elle se resserre autour de mon genou et ne me lâche plus. Je ravale mes larmes et me ressaisis en me concentrant sur les choses positives comme on me l'a si souvent répété. Il reste stoïque face à mon père qui n'est au courant de rien alors que sa main se balade sur ma cuisse. Puis je me rends compte que c'est la distance qu'il avait mis entre nous qui m'a fait remettre toute ma vie en question. Ridicule. La Héna d'il y a un ou deux mois m'aurait giflé. N'empêche il vient de faire taire toutes ces petites voix en un claquement de doigts. Je sais qu'il veut m'aider à aller de l'avant, mais ce qui m'effraie encore plus c'est que désormais mon humeur dépend de lui.

Je reprends le fil de la conversation qui tourne autour de la petite Juliette, Jane à l'air heureuse de voir sa nièce. Je me concentre de nouveau pour sentir la main d'Elio afin de faire taire une bonne fois pour toute mes angoisses. Puis je rejoins sa main avec la mienne et la serre deux fois pour le remercier de ce geste à mon égard. Il la laisse glisser discrètement vers lui et rompt le contact.

L'air frais caresse mes joues alors que je raccompagne Elio et Juliette dans la cour. Je resserre mes bras autour de mon corps pour empêcher la fraîcheur de passer dans mes vêtements. Mes parents sont restés à l'intérieur rangés la table. Elio s'occupe de glisser sa sœur à l'arrière, je m'appuie sur la voiture en l'attendant.

La porte arrière se referme enfin, et Elio s'approche de moi, je jette un coup d'œil vers l'entrée de la maison pour vérifier qu'il a bien personne. Nos lèvres s'effleurent presque alors qu'il fait glisser ses mains sur la peau de mes bras dans un geste lent, je ne peux m'empêcher de sourire en me demandant ce qu'il a derrière la tête. Puis il les fait passer derrière son dos et me serre contre son torse. Je me colle à lui, et ferme les yeux. Ses bras deviennent comme un bouclier, laissant rebondir les inquiétudes derrière moi. Ce sont les seuls moment où je n'entends plus que le silence de mon cœur. Plus aucunes mauvaises pensées.

- Je ne voulais pas te blesser toute à l'heure, pardonne-moi, souffle-t-il dans mes cheveux.

Je souris contre son torse, car c'était la première fois qu'on me demandait pardon pour une question de ressentis. Il a raison, ça m'a blessé puis cela trottait dans ma tête durant tout le repas. Mais il l'avait remarqué, il a compris, et me demande pardon. Je laisse monter et descendre ma main dans son dos, et lui répond :

Nous deux à travers la véritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant