Chapitre 8 Elio

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- Maman... Souffle-t-elle.

Héna ferme lourdement ses yeux dégoulinant de larmes et tombe dans mes bras mollement. Maman ? Mais sa mère est morte... Ce n'est pas possible. Mon regard se pose au loin sur une mère et une fillette mais Héna s'effondre brusquement sans que je n'ai le temps de comprendre. Je me précipite pour l'accompagner dans sa chute en m'assurant que rien ne peut la blesser.

Elle se roule automatiquement sur elle-même. Héna est sous le choc. A-t-elle vu sa mère au travers de ces deux personnes au loin ?

J'essaie de la réveiller mais ses yeux ne s'ouvrent pas, elle réagit avec des petits sursauts. Bon. Je décide d'appeler son père pour qu'il vienne nous chercher. Je lui explique brièvement ce qui s'est passé, mais il semble déjà savoir et me remercie d'être là avec elle.

Pendant tout le trajet je garde sa tête sur mes genoux, glissée entre mes mains. Son père ne dit rien mais je perçois bien l'inquiétude sur son visage qui se caractérise par un froncement de sourcil. Je croise parfois son regard dans le rétroviseur.

Héna remue sur moi et des larmes coulent sous ses paupières. Je...je ne sais pas quoi faire, elle semble si malheureuse dans son propre sommeil. Que se passe-t-il dans sa tête ?

On arrive enfin à la maison. J'ai proposé à son père de la porter jusqu'à sa chambre pour lui éviter de le faire. Il me suit de très près dans les escaliers, soucieux par le sommeil profond de sa fille. Je croise le regard de Jane dans le salon, elle semble tourmentée, elle me fait un hochement de tête pour me remercier, je suppose. Et soudain je me revois porter ma mère comme je le fais avec Héna, mi consciente plus de deux ans auparavant, avant qu'elle ne se casse.

J'entre pour la deuxième fois dans sa chambre. Je m'approche de son lit drapé de bleu. Je la pose délicatement, avant de retirer mes bras de dessous de son dos et de ses jambes. Puis je m'écarte pour la laisser à Charles qui s'assoit directement près de sa fille. Je me retire en silence mais reste non loin de la chambre, car cette inquiétude est ancrée en moi aussi. Comment peut-on être inquiet pour une personne qu'on ne connaît pas ?

Soudainement le silence se brise par le souffle d'Héna qui s'accélère. Puis viennent des sanglots. Ma poitrine se serre, d'habitude je ne ressens pas grand-chose quand il ne s'agit pas de ma petite sœur ou de ma meilleure amie. Ce sont les seules personnes qui comble ma vie. Mais cette fois c'est différent et ça me perturbe tout autant que ses secousses émotionnelles. Son père tente de la réveiller en lui secouant le bras. De l'autre côté, il tient fermement la main de sa fille dans la sienne. Il est présent pour elle.

Encore une fois où je ne devrais pas être là. Mais je n'arrive pas à sortir de cette pièce. Ce ne sont pas des larmes d'une souffrance physique. Non c'est une douleur ancrée au plus profond d'elle, que personne ne peut voir si elle n'a pas décidé elle-même sur ce serait le cas. Et d'un seul coup elle revient parmi nous. Elle se relève brusquement, les traits tirés de peur. Son père la serre immédiatement contre lui et je l'entend pleurer contre son épaule.

- Maman... Dit-elle sa voix pleine de désespoir.

Son père lui caresse les cheveux et lui murmure toujours avec son air soucieux :

- Je sais chérie... Calme toi ma puce.

Et elle pleure, les yeux clos. Je me sens vraiment de trop.

La réalité est parfois trop violente.

Je décide de quitter la pièce, en attendant son père. Je me pose directement contre le mur et souffle un grand coup. Là j'ai vraiment besoin de savoir ce qui se passe dans cette famille de dingues.

Après quelques minutes qui se rapprochent pratiquement d'une heure d'attente, son père sort enfin de la chambre en refermant délicatement derrière lui.

- Elle dort... Affirme-t-il en baissant les yeux avant d'ajouter :

- Je pense que tu dois te poser des questions.

Je ne dis rien je me contente juste de hocher la tête et de rajouter un détail qui m'échappe réellement :

- Sa mère...Elle est morte, non ? Et pourtant elle semble l'avoir vu au loin ?

J'ai l'impression d'envahir un espace qui n'est pas le mien en posant cette question, surtout que Charles croise ses bras sur sa poitrine et fronce les sourcils :

- Héna t'en a parlé ?

- Euh... C'est un peu plus compliqué que ça. Dis-je l'air gêné.

Il me tape l'épaule avant de me proposer :

- Viens, on va grignoter quelque chose. Et après je te parlerais de certains trucs concernant Héna.

On grignote un sandwich que Jane nous a préparé avant d'aller au lit.

- Bon. Je vais t'expliquer. Dit-il en s'essuyant la bouche.

J'écoute attentivement, le père semble encore touché par ce qui s'est passé.

- Pendant certains deuil... Il est possible d'avoir des hallucinations concernant la personne disparue, c'est le cerveau qui aide à supporter le deuil. Enfin d'après les psy. Mais chez Héna ça ne l'aide pas et ça la met dans tous ces états. Le problème c'est que ça paraît si vrai qu'elle pense revoir sa mère à chaque fois.

Son père à le regard embrumé de chagrin

- Et depuis combien de temps ça dure son deuil ? Demande-je conscient de ce que peut ressentir ce père.

Mais si Héna apprend que je sais, je pense que j'en verrais de toutes les couleurs. Je ne suis pas de nature fouineur, d'habitude je respecte l'intimité des gens mais cette fille m'intrigue au plus au point.

- Douze ans. Dit-il le regard baissé.

- Elle n'a jamais fait son deuil alors ?

- C'est ça.

Je plonge mon regard dans le sien. Douze ans et aucun deuil ? Maintenant je comprends pourquoi elle est si fermée sur ce sujet.

- Mon grand ?

Mon grand. Ce surnom me pince le cœur. Trop de souvenirs me passent sous le nez. Je suis pertubé alors que je m'apprêtais à me lever pour monter me coucher.

- Euh... Oui ?

- Demain on travaille Jane et moi, tu pourrais rester avec elle ? C'est le lendemain le plus dur. Je ne voudrais pas qu'elle reste seule.

Je lui lâche un sourire en guise de "bien sûr" je me sens tout bizarre après tout ce que je viens d'apprendre. Et surtout vis-à-vis d'Héna, elle qui ne veut absolument rien me dire, je doute que cela lui fasse plaisir de savoir ce que je sais. Mais demain, je veillerai sur elle, même si je devais voir Juliette...

Nous deux à travers la véritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant