Chapitre II : Arthur

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La matinée se déroule comme je l'ai prédit.

Morgane vient chercher Anna. Elle me toise d'un regard dur et chargé de mépris. Je le lui rends avec les intérêts. Si elle croit m'impressionner deux minutes, elle en est pour ses frais.

Tant mieux.

Je contemple, la rage au ventre, la voiture qui s'éloigne. Lorsque le dernier crissement de pneus s'évanouit, je traverse le centre équestre en courant. Les gens se poussent à mon passage. Un cheval se cabre de peur. Son cavalier m'insulte. Je m'en fous. J'ai besoin d'évacuer ma haine. Je file directement au box de Sleipnir. J'ouvre la barrière en grand avant de l'enfourcher à cru, et nous partons au galop sur les chemins de Paimpont.

Le ciel est menaçant et gris. Il ressemble à mon humeur du moment.

S'étendant sur un peu plus de sept mille hectares, Paimpont est riche de chênes, de hêtres et de résineux. J'adore m'y promener ou m'y perdre dans ses profondeurs comme aujourd'hui. La lumière y est particulière. Les odeurs, incomparables.

Je connais par cœur mon coin de forêt et tous les mythes qui le concernent bien sûr. Souvent, j'ai cru apercevoir des choses fantastiques. Mais je préfère continuer de me persuader que ce ne sont que des mirages. Je ne veux pas être fou. Ni dérangé du bocal. Je souhaite juste être normal. Et surtout avoir une sœur qui me laisse une chance.

Je talonne Sleipnir. Il répond à ma demande et accélère.

Le ciel s'assombrit un peu plus. Il va y avoir un orage. C'est pour ça que la forêt est différente aujourd'hui, je le sens.

Paimpont semble palpiter tel le battement d'un cœur en pleine course. Le silence règne et ce n'est pas normal. Même dans ces circonstances. La chaleur étouffante de cette fin d'été brûle comme ma rage. J'essaie d'oublier ma colère et toutes ces émotions qui me polluent l'esprit.

Merde à la fin! J'y suis pour rien, moi, si notre mère s'est remariée et est morte à ma naissance!

Je suis ulcéré. Au bord de la rupture. Je suis peut-être le plus jeune, mais il faut quand même bien admettre que Morgane se comporte vraiment comme la dernière des gamines. Comme si on lui avait retiré son jouet préféré. Dans un monde utopique, c'est Morgane qui aurait dû s'occuper de moi. Pas Anna. C'est Morgane qui aurait dû veiller à ce que je n'oublie jamais maman. Elle enfin, à qui revenait le devoir de m'expliquer qui elle était. Mais non, au lieu de ça, elle reste bloquée dans sa rancœur et me bazarde de sa vie comme un vulgaire déchet.

Face aux autres, je fais celui que ça n'atteint pas. Mais au fond de moi, ça me gave. Je suis en PLS. J'ai besoin de connaître mes origines. Besoin d'être accepté aussi. Alors d'accord, Hector et Flavila ont toujours pris soin de moi et je n'ai jamais manqué de rien. Mais ils ne remplaceront jamais mon père et ma mère. Morgane devrait pouvoir le comprendre mieux que personne. Eh ben non ! J'ai ma dose avec elle. Et je crois bien maintenant que rien ne pourra effacer ces quatorze années d'ostracisme et de mépris. Même si je lui pardonnais.

Ce qui n'est pas près d'arriver.

Pourquoi ?

Cette éternelle question tourne sans relâche dans mon cerveau. Plus je pense à Morgane, et plus, je me rends compte que je serai toujours marqué par son rejet. Traumatisé. Et ça me soûle. Je suis en colère contre moi-même de lui accorder autant d'importance. Elle, pour qui, limite, je ne suis qu'un cafard bon à écraser sous ses chaussures.

Pourquoi, je ne parviens pas à dépasser tout ça ? Pourquoi ?

Ah, elle peut bien se donner bonne conscience et faire des études de médecine, je sais qui elle est au fond, moi. En plus, à cause d'elle, on place Anna dans une situation impossible. Et je déteste ça. Anna n'a pas mérité ça.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang