Chapitre III : Arthur

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Tristan et moi, nous avons décidé d'un commun accord de ne pas retourner au centre équestre ce soir-là. Nous sommes trop vénères pour ça. Et puis, si c'est pour encore s'entendre raconter des mensonges, cela ne sert à rien. Autant rentrer demain quand tout le monde aura pris du recul.

Dormir à la belle étoile ne nous effraie pas. Ce n'est pas la première fois. Hector et Marc nous ont amenés bon nombre de fois avec Kay pour des échappées belles entre hommes.

J'en viens à me demander d'ailleurs, si ces sorties étaient vraiment si innocentes que ça...

Bref.

Ne pense pas à ça Arthur, où tu vas encore péter un câble.

Bon, Tristan et moi, nous crevons la dalle. J'avoue, un McDo, là tout de suite, n'aurait pas été de refus. Mais nous avons jugé sur le moment que jeûner était préférable. Même si aujourd'hui, on ne graille pas, ce n'est pas ça qui va nous tuer. Ni le froid d'ailleurs. En plein mois d'août, les soirées sont plutôt chaudes.

J'ignore combien de temps s'est écoulé entre notre fuite et maintenant. Un paquet d'heures sûrement. La lune s'est levée et quelques étoiles scintillent dans le ciel. L'ombre des arbres de la forêt a démesurément grandi, au fur et à mesure que le soleil est descendu sur l'horizon, jusqu'à se confondre avec la sombre lumière du crépuscule. La fatigue et l'énervement ont eu raison de nous. Nous avons fini par nous assoupir à même le sol.

Je me réveille en sursaut, alerté par les palpitations inhabituelles de mon cœur.

Pour parler brut : j'ai les poils.

Comme si nous étions en danger. Je scrute la nuit à la recherche de ce qui a éveillé mon instinct. Je remarque Tristan couché en chien de fusil au pied d'une des roches. Walhalla broute juste à côté de son oreille.

— Tristan. Oh, Tristan ! Bouge-toi, mec, murmuré-je, en lui jetant une brindille de bois à la tête.

Il remue un peu en grognant. Il tâtonne de sa main le vide. Dans son demi-sommeil, il trouve la mâchoire baveuse de Walhalla et lui enfonce sans le vouloir son index dans une narine. Sa jument renâcle de protestation, ce qui le réveille complètement.

— Qu'est-ce que... ? Merde ! Walhalla c'est dégueulasse, s'écrie-t-il en s'essuyant les doigts sur l'herbe.

Je me serais bien foutu de sa tronche ouvertement, si mon sentiment pressant de devoir fuir n'était pas aussi présent. Je me relève et siffle Sleipnir à quelques mètres de nous. Mon cheval, obéissant, trotte jusqu'à moi.

— Il faut qu'on se barre, mec, lui annoncé-je. J'ai un mauvais pressentiment...

Tout en parlant, je flatte l'encolure de Slei. Comme Tristan ne réagit pas à mon injonction, je me retourne.

Tristan, toujours à genoux, est livide. Il fixe des yeux un point au-dessus de moi.

J'ai un réflexe épidermique à sa posture. Je pivote lentement sur moi-même et lève la tête.

Heu...

Mon esprit peine à appréhender ce qu'il voit.

Là, posée sur le mégalithe, une créature hideuse nous toise. D'apparence humaine, la chose possède une chevelure hirsute qui flotte autour de son visage. Ce dernier est blême, fripé et ridé dans le plus beau genre « tôle ondulée et papier mâché ». Le contour de ses yeux est rouge et gonflé. Est-ce que je vous parle du long haillon gris foncé avec lequel elle est habillée ? Non, hein...

Le plus choquant ? Cette façon qu'elle a de nous scruter, Tristan et moi. Comme un oiseau de proie qui tourne et penche légèrement la tête, fasciné par sa future victime.

Les mondes perdus de Brocéliande (Terminée, en cours de réécriture )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant