Episode 57 : Au revoir ?

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Vandel

Que se passait-il dans cette belle petite tête blonde ? Avais-je mal interprété quelque chose ? Confus, je m'emmitouflai un peu plus dans sa chemise, soudain gêné par ma nudité (ce qui était plutôt étrange de ma part).

« Alors... » dit doucement Ridley en changeant de sujet, « La suite du plan serait de trouver un certain... » Il scruta la liste de noms et s'arrêta sur l'un d'entre eux : « James Andrews ».

Je ricanai. « Par tous les démons, encore un humain où l'on ne peut pas distinguer le nom du prénom. A quoi ça sert d'avoir deux prénoms côte à côte ? Autant avoir un nom de famille qu'on puisse facilement différencier. »

Malgré lui, Ridley eut un rictus amusé. « Ben voyons, ce n'est pas comme s'il avait pu choisir, le pauvre bougre... »

Croisant les bras, j'haussais les sourcils. « Je suppose que tu as raison. Et donc... Comment comptes-tu retrouver ce... » Je grimaçai en prononçant le nom : « James Andrews ? »

« Hé bien, nous connaissons déjà la ville où il habite » commença Ridley, enthousiaste. « Si nous allons là-bas, je suis certain que nous arriverons à trouver quelqu'un qui le connait. Ensuite, il faudra parvenir à le convaincre de témoigner contre Stefan, preuves à l'appui. Une lettre, un sceau... N'importe quoi qui pourrait l'incriminer. Alors, nous prouverons l'innocence d'Annette et condamnerons le véritable meurtrier. Une fois qu'elle sera reine, tu n'auras plus à t'inquiéter de cette promesse de mariage. »

« Toujours aussi optimiste, à ce que je vois... » fis-je remarquer sur un ton sarcastique. « Tu crois vraiment que ce malfrat acceptera gentiment de nous aider ? »

« Qui ne tente rien n'a rien... » conclut simplement Ridley.

Mon regard se perdit dans le firmament. « Il faut vraiment que je retourne au royaume démoniaque... Je suis parti depuis des jours, ça doit être le chaos là-bas. »

« Quand te reverrai-je ? » lâcha Ridley avant de réaliser avec embarras l'ambiguïté de sa question. « Je veux dire... Quand pouvons-nous nous lancer à la recherche de James ? »

Je réfléchis un moment. « J'ai besoin d'un peu de temps pour évaluer la situation politique au pays et limiter la casse, si nécessaire. De ton côté, assure-toi juste que Stefan profite tranquillement de sa nouvelle couronne... Tant qu'il baisse sa garde, ce sera bénéfique pour nous. Rendez-vous ici dans une semaine et direction le village de James Andrews. Ça te va ? »

Le chevalier acquiesça rapidement. Toutefois, son regard insistant me déstabilisa. « Un problème ? » demandai-je de manière désabusée.

Il tenta vainement de reprendre contenance, tournant la tête. « Je repensais juste... »

« À ce qu'il s'est passé avec Stefan ? » l'interrompis-je, confiant mais néanmoins agacé par le trémolo involontaire qui avait déformé ma voix.

À sa réaction, il ne faisait aucun doute que j'avais tapé dans le mille. Soupirant, je répondis : « Ecoute, je t'ai déjà tout dit. Je ne sais pas pourquoi il est si obsédé par moi mais... Je ne ressens rien pour lui. A part un profond dégoût... C'est clair ? Jouer la comédie était ma seule carte, même si elle était merdique. Je préférerais encore mourir que d'avoir à me marier avec lui. »

En fin de compte, je n'avais pas besoin de me justifier. Mais peut-être que voir l'expression de Ridley à ce moment précis m'avait poussé à le faire. Je ne voulais absolument pas qu'il s'imagine l'impensable : que j'aie des sentiments pour ce... Monstre déguisé en prince. Rien que l'idée me dégoûtait profondément.

« Vandel » me dit-il d'une voix si douce qu'elle m'arracha un frisson. « Je n'en ai jamais douté. A force, je finis par te connaître et je sais à quel point cette rencontre dans le bureau t'a bouleversé... Je suppose que je voulais juste... »

Il prit une grande inspiration. « ... Que tu saches que je ne suis pas comme lui. »

« Où veux-tu en venir ? » demandai-je, étonné.

Il rétorqua : « Stefan est un humain. Tu l'as sauvé, tu lui as fait confiance et il... Il t'a trahi. Je sais que, théoriquement, nous sommes encore ennemis mais... Tu vaux bien plus à mes yeux. J'ai eu des amis avant, Vandel... Ou du moins, je croyais qu'ils étaient mes amis... Et j'ai... J'ai toujours voulu aider, rendre service autant que possible... Jouer le rôle du parfait chevalier a sans cesse été ma priorité. Cependant, à présent... »

Fronçant les sourcils, il semblait avoir du mal à trouver les mots pour terminer sa phrase. Sa voix trembla quand il reprit : « Vandel, si jamais quelque chose tourne mal et qu'on m'ordonne de te tuer... Si je devais choisir entre mon royaume et toi... Je te choisirais toi. Tu es le seul pour qui je ferais une exception. Je voulais juste que tu le saches. Je ne te blesserai jamais comme il l'a fait. »

Inconsciemment, j'avais tendu la main vers la sienne, bien plus grande que la mienne. Sa chaleur était plutôt réconfortante. Taquin, je relevai les yeux vers lui, lui offrant un petit sourire. Je me demandais si cela suffisait à le distraire, ou s'il pouvait entendre mon cœur battant à tout rompre.

« Merci » dis-je enfin, « Mais je n'aurais jamais douté de toi, tu sais ? »

« Pourquoi ? » bredouilla Ridley, ému.

Je secouai la tête. « Rah, je n'en sais rien. Je suis peut-être plus stupide qu'il n'y parait, à refaire confiance à un humain après tout ce que j'ai vécu. A vrai dire, je te confierais même ma vie, à toi plus qu'à n'importe qui d'autre... Mais soit... Je suis stupide alors. »

Par tous les démons, nous étions trop proches. Nos lèvres se frôlaient presque. Paniqué, mon corps tout entier me hurlait de le prendre dans mes bras et de l'embrasser. Mais cet égarement ne devait pas entraver ma rationalité...

Je ne pouvais pas.

Je n'avais pas le droit de toucher une âme aussi pure que la sienne.

Je n'étais pas digne de lui et il ne méritait certainement pas une vie courte pleine de regrets à mes côtés. Je devais le laisser partir.

J'avais eu l'impression, l'espace d'un instant, d'avoir entrevu sa lumière rayonnante, de m'y être baigné et gorgé de chaleur, avant de finalement replonger, à contrecœur, dans les ténèbres abyssales de mon existence.

Pour son bien comme pour le mien, je devais m'éloigner de lui... De sa lumière. Ou sinon ma chute n'en serait que plus dure.

Je le repoussai d'un coup, le regard tourné vers le ciel. « Il se fait tard » murmurai-je, « Je ne peux pas me permettre de perdre plus de temps. »

Ridley acquiesça sèchement. « D'accord. »

Je retirai la chemise et la lui donna. « Mais... Merci... Pour la chemise et... Pour le reste. On se reverra bientôt. »

Sans tergiverser davantage, je me retransformai. Mes bras se changèrent en ailes et ma peau se couvrit de plumes.

Un bruissement et j'avais décollé.

Je volai haut vers la voûte céleste, me refusant le moindre regard en arrière. Je craignais de changer d'avis sinon.

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Le voyage touchait enfin à sa fin : j'apercevais les hautes tours de verre du château, dans toute leur splendeur. Je réalisai à quel point mon royaume m'avait manqué. Descendant vers ma fenêtre, je me demandais comment allait Tuttle. Il devait être mort d'inquiétude, à m'attendre avec une tasse de thé à la main. Si j'avais eu une bouche à la place d'un bec, on aurait pu me voir sourire bêtement.

J'atterris en me retransformant dans la foulée. A peine mes pieds avaient-ils touché le sol de la chambre que j'entendis une voix douce dans mon dos disant : « Bonsoir Vandel »

Affolé, je sus immédiatement de qui il s'agissait, tant ses mots me glacèrent d'effroi. Lentement, je me tournai vers la pire personne que j'aurais pu croiser à mon retour : ma mère.

La voir en dehors de ses quartiers était déjà déroutant en soi... Cependant, elle ne venait JAMAIS me rendre visite ici. Comment diable savait-elle que j'allais rentrer à cet instant précis ?!

« B...Bonsoir, Mère » bredouillai-je, ne sachant pas quel ton employer.

Croisant les bras, elle resta immobile un moment, impassible. « Vandel » dit-elle enfin sur un ton glacial, « une petite discussion s'impose... » 

Hero VS Villain (fr) [Yaoi/Boys'love]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora