Révélateur ?

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Ophélia observait avec inquiétude sa maîtresse avachie sur le divan de son petit salon.

Cela faisait plus de trois semaines que la jeune femme avait survécu à l'empoisonnement et son mariage approchait à grande vitesse. Dans trois jours, elle aurait la bague au doigt ou plutôt le manteau sur le dos et cette simple pensée suffisait à l'enfermer dans une profonde réflexion.

Monsieur de Vionette, son couturier officiel, lui faisait essayer une nouvelle robe d'un bleu profond faisait ressortir ses grands yeux clairs. La nouveauté de cette robe n'était pas le décolleté plongeant, mais la crinoline plus large et beaucoup plus légère que les autres. Celle-ci avait la particularité d'être faite avec des fils robustes et souples qui s'affaissaient à un contact ce qui avait permis à la jeune femme de s'allonger sans être trop gênée.

Ophélia ne savait pas comment lui remonter le moral. Rien n'avait réussi à lui arracher un sourire. Pas même lors des essayages lorsque le couturier était tombé de tout son long sur le plateau du goûter. Elle avait simplement détourné la tête pour regarder l'horizon.

Sir Edouard et Sir Alexis n'étaient pas revenus compte tenu des circonstances et ils étaient partis pour le Nord chercher la famille de la jeune femme. Elle n'était pas sortie de sa chambre malgré les invitations qu'elles recevaient par dizaine pour l'inviter à des goûters. Toutes les aristocrates la voulaient à sa table pour devenir amie avec la prochaine reine. Elle n'avait pas daigné leur répondre, pas plus qu'au comte de Maliu qui réclamait un entretient.

On toqua à la porte. Ophélia se leva pour ouvrir sous le regard maussade de la jeune femme.

Une tornade ouvrit la porte avant que la servante n'ait eu le temps de l'atteindre.

- Ma colombe !

- Tante Anaïs !

Voilà qui était la mystérieuse Anaïs à qui son amie envoyait chaque semaine au moins une lettre.

Sortie de sa léthargie Anna se précipita vers la nouvelle venue. Sa tante à n'en point douter. Celle-ci aussi grande que sa nièce l'accueilli à bras ouverts. Elle portait une robe légère d'été avec un large décolleté qui mettait en avant sa forte poitrine. Elle avait les plus beaux cheveux qu'Ophélia n'avait jamais vus sans compter ceux de sa maîtresse. Ceux de sa tante tombaient dans une tresse épaisse jusqu'à sa taille maintenue par un ruban de soie bleue.

- Trois mois sans te voir ma Colombe ! Le sud t'a donné de jolies couleurs !

Elle lâcha la jeune femme qui était devenue rouge par manque d'air.

- Je vois que tu n'as pas grossi, nota-t-elle sévèrement. Ils ne te donnent pas assez à manger ?

Anna cacha machinalement ses mains amaigries dans son dos.

Elle avait eu de nombreuses remarques sur son physique notamment lors d'un repas organisé par la reine. Impossible de se soustraire, elle y était allée la mort dans l'âme. La reine qui s'était résignée à l'avoir pour belle fille l'avait invité à sa table avec ses plus proches confidentes pour lui donner quelques conseils. La duchesse de Rodia, la meilleure amie de sa majesté, l'avait vivement encouragée à se resservir remarquant avec malice devant l'assemblée "vous avez un appétit d'oiseau, ce n'est pas avec un corps aussi fin que vous pourrez porter des enfants en pleine santé". Anna, qui s'était montrée discrète, avait vu noir : " il est certain que vous n'êtes pas fâchée avec le buffet, vos enfants ne seront jamais malades", avait-elle répondu cinglante. La duchesse était devenue bien silencieuse.

- La nourriture est très bonne, mais ces dernières semaines ont été éprouvantes.

Le regard scrutateur de sa tante s'arrêta sur une bouteille laissée à l'abandon.

Le destin d'AnnaWhere stories live. Discover now