NICK - Au cas où je lui manquerais

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Ça y est, le fameux samedi est arrivé. Alex s'en va et moi, je tourne en rond dans mon appart, le nez rivé sur mon téléphone. Au cas où il aurait besoin de moi.... Ou je lui manquerais....

—Calme-toi, me lance Pauline, assise à la table du salon, le nez plongé dans ses copies. Tu me donnes le tournis.

Je me laisse tomber sur le canapé, en soupirant.

— Il faut que je m'occupe, je murmure. Tu veux un film ? Tes copies peuvent bien attendre....

Pendant que Pauline se laisse doucement tenter, j'attrape le programme télé. Cet été, la France est envahie par les documentaires sur la Seconde Guerre mondiale. Après les soixante ans du Débarquement, début juin, où nous avions eu le droit à Patricia Kaas chantant "La vie en rose" devant les Chefs d'État Européens, voici les commémorations de la Libération de Paris qui s'annoncent.

—Un film sur les Résistants ? je propose, un peu ironique. Pas sûr que les récits de gamins morts fusillés à 20 ans m'aident à me sentir mieux, mais bon ...

—Nan, merci, éructe Pauline. Entre les infos et ce que je dois en dire à mes élèves, j'ai la nausée. Moi je veux un film de Noël.

Je farfouille dans les nouveaux DVD.

—J'aimerais tellement être avec lui, si tu savais ! je soupire.

Mais nous avons décidé d'un commun accord, Alex et moi, que je ne participe pas au déménagement. Sa famille au grand complet sera là, et il a besoin de temps pour leur parler de notre relation. Je comprends son malaise, et je ne veux surtout pas lui causer la moindre gêne.

Pauline relève la tête.

—Je sais que vous avez décidé ensemble que tu resterais à l'écart, fait-elle avec douceur. On peut comprendre qu'Alex ait besoin de temps avant que ses parents ne soient prêts à te rencontrer. Mais pour toi, c'est un coup dur, n'est-ce pas ? Tu peux le dire, ça te fera du bien.

Je pousse un profond soupir. Elle a raison. J'ai beau tenter de bien le prendre, je suis éprouvé.

—Depuis que tu es avec Alex, il y a beaucoup de points en suspens entre vous, non ? fait-elle avec précaution. Des points auxquels tu évites de penser ?

C'est à peine une question, et je me renfrogne. Pauline me connaît bien. Elle sait que malgré mes propres épanchements, Alex ne m'a rien promis. Nous sommes ensemble par amour, mais la raison proclame que les problèmes sont encore devant nous.

—Tu devrais te méfier, conseille-t-elle. Ça fait des années que tu n'es pas tombé amoureux, et tu es vulnérable.

Me méfier d'Alex ? Mécontent qu'elle puisse juger ma relation, j'attrape un magazine tout en m'affalant sur le canapé. Si je pouvais, je ferais bien une scène, en claquant la porte avec fracas. Mais l'appartement n'est pas si grand, ça ferait désordre et je n'aurais plus qu'à passer la soirée dans la salle de bains (ou presque). Et puis, je dois bien le reconnaître, si je suis si vexé, c'est qu'elle n'a pas tout à fait tort.

—C'est ça, je maugrée. Et toi, tu vas regarder toute seule ton film de Noël en juillet.

ALEX

Je découvre Strasbourg sous un ciel nuageux et pluvieux, qui ne rend pas justice à la ville. La pierre est sombre et l'architecture me paraît dépassée. Non, je ne suis pas certain d'aimer l'Alsace, je grimace en observant mon nouveau quartier de la camionnette louée par Nick et qui vient de nous emmener depuis Paris.

L'immeuble est moderne, en pierre d'une drôle de couleur marron. Mon appartement est pourtant heureusement situé dans un quartier agréable du centre-ville, face à la cathédrale.

Un coup de pied dans la fourmilièreWhere stories live. Discover now