On va les retrouver

6 1 0
                                    

Alex s'est rendormi et je quitte discrètement la chambre. Il est plus de midi, je dois prendre une douche, avertir Amalia que je ne viendrais pas durant deux ou trois jours. Je dois aussi m'acquitter d'une mission plus délicate. Qui me tord le ventre, même. Je dois appeler Romain.

Je décroche le téléphone mais impossible de composer son numéro. Au cours de mon existence, j'ai tellement été blessé que frapper à mon tour m'est cruel.

—Allo, Pauline ?

Je n'ai pas pu, pas tout de suite. Alors, je raconte à mon amie tout ce qui s'est passé, depuis la veille au soir.

—Whaou ! Il ne t'a rien dit ? elle demande, perplexe.

— Cela semble plus grave qu'une amourette ou une crise existentielle. On parle vraiment d'un choc, là. Je ne sais plus comment faire pour le soulager....

Puis, je lui parle de Romain :

—Tu as fait ton choix ? elle m'interroge sérieusement. Tu es sûr de ne pas vouloir prendre un peu de temps pour réfléchir ? Rien ne t'empêche d'attendre que vous ayez vraiment parlé.

—Je suis sûr de moi, je la coupe. Il m'a demandé de le garder. D'être là.

A l'autre bout du fil, la voix de Pauline se fait désolée :

—Tu dis toi-même qu'il est sous le choc... Est-ce qu'il est vraiment lui-même ? Est-ce qu'il sera encore décidé à rester une fois remis ?

Ces questions, je me les suis déjà posées. Alex a toujours été du genre... à pratiquer la volte-face.

—Je suis décidé, Pauline. Alex et moi, c'est ....

Ma voix s'étiole, je perds mes mots.

—Alex et moi, c'est une évidence, je termine. Je ne peux pas mentir à Romain. Ni à moi-même.

Un peu lâchement, j'ai laissé un long message sur le répondeur de Romain. Je ne me vois pas embrasser Alex, le laisser dormir dans mon lit sans avoir au préalable rompu avec celui qui était jusqu'alors mon compagnon. Tant pis si ce n'est pas tout à fait dans les formes.

« Je me déteste de te dire ça, Romain. Tu es celui qui m'a permis d'avancer à une époque où j'allais vraiment mal, il y a six ans, et je ne t'ai jamais remercié. Tu es celui qui, encore une fois, depuis trois mois, m'a permis d'être en paix et de reprendre goût à la vie. Tu es un être humain exceptionnel. Et je sais que ... »

L'émotion avait envahi ma voix. J'avais parlé vite, trop vite, j'avais déversé les mots dans un combiné, sans plus rien maîtriser. Et là, le bip impersonnel du répondeur m'avait trahi. Mon message était trop long.

J'ai raccroché, en larmes. C'est dur, de quitter un être qu'on a aimé, qu'on aime encore. C'est dur, d'avoir la sensation de faire le mal autour de soi. Je laisse tomber le combiné, et je m'affale sur le canapé pour expulser mon chagrin.

Je sens une main sur mon épaule.

—Qu'est-ce qui se passe ? demande Alex, derrière moi.

Il porte toujours le tee-shirt que je lui ai prêté pour dormir et son visage est dévoré par une barbe de trois jours.

Je n'ai pas le cœur à beaucoup parler, ce soir. Alors, je me contente de l'attirer à moi.

—Viens....

—Qu'est-ce qui t'est arrivé, à toi ?

Flashback Alex – trois jours plus tôt

Un coup de pied dans la fourmilièreWhere stories live. Discover now