2005

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ALEX

24 décembre 2004.

Le sapin clignote de mille feux, six chaussettes sont suspendues à la cheminée.... Ma mère a inondé la pièce de cadeaux que nous avons interdiction formelle d'ouvrir avant demain matin. Il est 20h, et j'imagine que Noël est officiellement lancé.

Mon stage à Strasbourg vient de se terminer. J'ai rendu mon appartement il y a deux jours et dès le mois de janvier, je compte réintégrer Paris. En attendant, j'ai fait un détour par le Sud où il fait moins froid que partout ailleurs.

Emma a les joues roses, excitée par la perspective de son mariage l'an prochain. Elle discute vivement, un verre à la main, agitant l'autre.

L'esprit embrumé et rendu mélancolique par un verre de vin, gêné aussi par le bruit des autres conversations, je ne saisis qu'imparfaitement ses paroles.

Nick me manque. Je l'ai perdu à cause d'une soirée stupide. Cécile m'a manipulé pour satisfaire ses désirs et apaiser sa solitude, et moi je me suis laissé faire, comme un pantin. Trop jeune, trop inexpérimenté, trop bête.

Si seulement j'avais eu l'occasion de faire mes propres expériences en temps et en heure, je n'aurais pas été si fasciné par l'idée d'une sortie en discothèque....

Le lendemain.

La France émerge tôt, avec la nouvelle d'une catastrophe.

—Tu as entendu ? demande ma mère, encore en robe de chambre, alors qu'on se croise dans le couloir. Pas l'intention de me lever, je suis torse nu, j'ai juste une envie pressante.

— Entendu quoi ? je marmonne, la main posée sur la porte des toilettes.

—Le tsunami ! Il y a eu un tsunami en Thaïlande ! A Pukhet, elle prononce difficilement. Je viens de l'entendre à la radio. Il y aurait beaucoup de morts et pas mal de Français....

Elle semble perturbée et inquiète.

—Mince...

Je me gratte le crâne. C'est moche, bien sûr. Je ne souhaite de mal à personne. Mais j'avoue ne pas me sentir plus concerné que ça.

—Retourne te coucher, Maman, je conseille. Il est encore tôt.

Toute la journée, la télévision diffuse en boucle des images d'enfants se débattant au milieu de torrents de boue, de survivants éplorés et de listes de disparus. La plupart français, effectivement.

Malgré ma carapace, je commence à me sentir troublé. Ces surfeurs, ces vacanciers, ils pourraient être mes amis, mes frères et sœurs.... Ou moi.

NICK

28 décembre 2004.

Noël, je ne l'ai pas vu passer.... Puisque ma famille ne m'attend pas, de toute façon, j'ai continué à vivre comme si de rien n'était. Le Cabinet, jusque tard le soir. Pendant les vacances judiciaires, j'en ai profité pour rattraper mon retard de classement.

Etienne m'adore. Il me considère avec un brin de circonspection mais ma nouvelle assiduité, y compris les dimanches, le fait jubiler. Surtout qu'il ne paie pas les heures supplémentaires....

J'ignore superbement Cécile et de son côté, elle fait profil bas. En me voyant débarquer au milieu de la nuit, je ne sais pas ce qu'elle a compris de mes relations réelles avec Alex, et je ne veux pas le savoir. Je veux juste me perdre dans le travail et ne plus jamais entendre parler d'elle.

—Puisque tu es devenu si travailleur, toi qui en avais facilement assez de tout, me fait remarquer judicieusement Pauline, tu devrais fonder ton Cabinet... Histoire d'éviter de te faire exploiter professionnellement à défaut de te faire exploiter sentimentalement .....

Un coup de pied dans la fourmilièreWhere stories live. Discover now