CHAPITRE XLI : Réminiscences

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Flashback

Les bâtiments rectangulaires et pourvus de toitures plates, ressemblaient à un établissement pénitencier. La peinture d'un blanc délavé s'effritait sur une majorité de sa surface, les fenêtres, encastrées dans l'épaisseur des murs, présentaient un aspect lugubre et usé. Le sol de la cour était en bitume, un choix du directeur, qui avait vu de trop nombreuses fois la végétation être enflammée par des élèves en plein entrainements de magie élémentaire. Comble de la dévastation, le ciel gris lâchait des trombes de pluie sur ce tableau fané. À Seven Dragons, les lampes astrales flottantes étaient enfermées dans des boitiers transparents, eux-mêmes enfoncés dans les murs, afin de les préserver des vols. Brook profita d'une accalmie pour mettre le nez dehors. Elle longeait le gymnase, qui servait également de salle d'entrainement pour les cours de magie élémentaire, dans l'allée étriquée qui séparait le mur du grillage délimitant l'enceinte de l'établissement. À cette heure, les étudiants étaient soit en étude, soit avaient quitté les lieux. Emmitouflée dans sa doudoune, les yeux braqués sur un livre qu'elle lisait en marchant, elle allait rejoindre le portail en fer où devait l'attendre Raphaël et ses amis. Elle passa près du renfoncement où se trouvait le local poubelles et croisa un groupe d'étudiants, des garçons seulement, occupé à fumer des cigarettes en s'échangeant des talismans. Ils étaient cinq. L'un d'eux, un grand gaillard au teint cireux, l'interpella, mais elle l'ignora et continua sa route. Ce genre de type la mettait toujours mal à l'aise. Soudain, une poigne solide se referma sur son bras et la tira d'un coup.

— Tu nous ignores ? lui siffla le gars.

Elle s'agita pour se dégager, mais sans succès.

— Lâche-moi, gronda-t-elle, je suis pressée.

Le gars étendit un sourire cruel.

— T'es mignonne, tu ne veux pas rester un peu avec nous ?

— Non, sans façon.

Elle tira encore, il resserra sa prise. Les gars avec lui ricanaient sans la lâcher des yeux. Elle ne voyait que leurs silhouettes hilares et mal définies en arrière-plan. La peur secoua ses tripes et elle se débattit en grondant :

— Mais lâche-moi bordel de merde !

Tous les garçons explosèrent de rire. Brook s'énerva, concentra sa mana et tenta un sort de télékinésie pour envoyer valser son agresseur cependant, la puissance magique se contenta de heurter son visage à la façon d'une gifle. Il se figea. Puis se tourna lentement, une lueur menaçante dans le regard. La jeune femme déglutit, pétrifiée.

— T'as vraiment essayé ça ? souffla-t-il. C'était nul, il va falloir bosser ma jolie.

Son regard licencieux glissa sur sa doudoune, au niveau de sa poitrine, puis sur son jean et ses basquets. Sans crier gare, il jeta Brook contre une benne à ordures et la jeune femme s'écrasa lourdement dessus en envoyant valser son livre, avant de tomber sur le bitume. Son dos et tout le côté de sa jambe droite lui faisaient mal. Son jean qui avait rappé contre le sol était trempé de pluie et, autour d'elle, les ombres des garçons se refermaient comme un piège. Elle se sentit acculée.

Ils étaient des chasseurs, elle était un gibier.

Le type au visage cireux, ses cheveux ternes aplatis sur son front, s'avança et ramassa lentement le livre.

— « Le chevalier de Sa Reine » lut-il avec un sourire. De Kathleen F. Bronson.

Les jeunes hommes explosèrent de rire.

— « Une romance passionnée des plus intenses » ! s'étrangla-t-il, hilare.

— Et tu fais ta prude ? lui lança un garçon assez petit et trapu. Alors que tu lis ça ?

RivalitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant