Chapitre 1

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Le rayon vert vif fusa et toucha sa cible en plein cœur. La femme qui s'était opposée à lui et qui s'était sacrifiée en pensant sauver son enfant s'écroula sans un cri, ses cheveux d'un roux ardent s'étalant autour d'elle.

Bien qu'il ait déjà des centaines de victimes à son actif, le mage noir avança de quelques pas pour contempler le corps de la jeune femme.

En règle générale, ses futures victimes suppliaient pour leur propre vie. Ils étaient prêts à tout pour gagner un peu de temps, y compris à rediriger sa colère vers d'autres personnes. Ils tremblaient devant lui et perdaient tout courage.

Il avait vu des Aurors réputés braves pleurer et s'effondrer, trembler devant lui et se ridiculiser. Il avait vu des politiciens soi-disant incorruptibles, tendre le bras et jurer de le servir, tant qu'ils pouvaient rester en vie et garder leur pouvoir...

Pas cette femme cependant.

Elle l'avait affronté la tête haute, ses yeux verts emplis d'une détermination sauvage, faisant barrage de son corps pour protéger son fils.

Elle lui avait offert sa vie, en échange de celle de son garçon, sans hésiter un seul instant.

Il avait lancé l'Avada presque à regret lorsqu'elle avait esquissé le geste de se jeter vers lui, prête à l'attaquer à mains nues puisqu'elle était désarmée.

Juste avant de mourir, la seconde avant que le rayon vert ne la frappe, elle avait eu le temps de murmurer le prénom de son fils.

Dans sa longue vie, il n'avait jamais vu un tel courage et une telle volonté de protéger quelqu'un. Cette dévotion avait touché quelque chose en lui, alors qu'il était réputé pour être un mage noir sans cœur, dépourvu de la moindre émotion humaine.

Un bref instant, il s'était demandé si sa mère aurait pu se sacrifier de cette façon, si elle avait survécu à son accouchement... puis il s'était souvenu que cette sorcière de pacotille était probablement morte d'un cœur brisé, à cause du moldu ignoble qui l'avait abandonnée.

Cependant, Lily Evans avait ouvert une brèche dans son cœur gelé. Malgré lui, il admirait cette femme, cette ennemie.

Un léger reniflement le tira de la contemplation de la femme à ses pieds et il leva les yeux vers l'enfant.

Le bambin était assis dans son lit, sa petite main potelée agrippant une peluche. Il le fixait de ses grands yeux verts — les yeux de sa mère — sans bouger, sans faire le moindre bruit. Il pleurait en silence, comme s'il avait compris qu'il venait de perdre sa mère.

Le mage noir pencha la tête en l'observant, indécis.

— Ainsi, tu es celui qui est appelé à me détruire...

Le petit garçon continua de le fixer, mais il ne semblait pas avoir peur de lui. Voldemort fronça un instant les sourcils et il secoua la tête avec un grognement agacé.

L'enfant geignit brièvement en agrippant les barreaux de son petit lit et il se leva en vacillant, sans cesser de fixer l'homme qui venait d'assassiner ses parents. Puis, il tendit les bras vers le mage noir, sans la moindre hésitation.

Voldemort recula d'un pas, avec une grimace.

— Comment ai-je pu craindre un enfant qui porte encore des couches ?

Durant un instant, le mage noir se demanda s'il devrait faire preuve d'humanité et épargner l'enfant. Après tout, sa mère avait donné sa vie...

Il repoussa rapidement cette idée lorsque la prophétie lui revint en mémoire. Le nourrisson innocent devant lui allait grandir et un jour, ils se feraient face.

Cet enfant était amené à être puissant, peut-être même plus puissant que lui. À l'instant où Dumbledore poserait la main sur lui, il l'éduquerait pour le tuer...

Il haussa les épaules et marmonna, un peu mal à l'aise.

— N'y vois rien de personnel. Je ne peux pas te laisser ruiner mes projets d'avenir, même si tu n'es pas encore mon ennemi... Adieu Harry Potter.

Comme s'il avait compris le sens des mots de Voldemort, le petit garçon tendit la main vers le corps de sa mère en commençant à pleurer et balbutiant des « Ma... ma » déchirants.

Le mage noir leva sa baguette en fixant l'enfant, puis il lança le sort de mort, ignorant son instinct qui lui hurlait que c'était une erreur.

Il y eut une explosion incroyable, bien différente des effets du sort. Le bébé le fixait toujours, ses grands yeux pleins de larmes fixés sur lui, indemne, tandis que la maison s'effondrait autour d'eux.

Pour une raison inconnue, le sort de mort ricocha sur l'enfant, comme s'il était entouré d'un bouclier. Or, le mage noir était bien placé pour savoir qu'aucun bouclier connu de la magie ne pouvait stopper l'Avada... c'était la raison principale de son classement en impardonnable.

Voldemort eut le temps de se demander quelle magie était à l'œuvre pour tordre ainsi les principes même de la magie, puis la déflagration le frappa, lui coupant le souffle.

Durant un bref instant, alors qu'il fixait toujours l'enfant — l'instrument de sa perte — il crut qu'il allait s'en sortir.

Puis, il eut l'impression que son corps tombait en pièces, comme si les molécules qui le composaient cessaient d'être assemblées.

Il se délita, incapable de bouger, alors que ses vêtements tombaient au sol.

Face à lui, le garçonnet pleurait, probablement effrayé par cette scène, mais il tendait la main vers lui, comme s'il voulait l'aider. Le mage noir aurait probablement dû s'en émouvoir, que cet enfant innocent ne lui tienne pas rigueur de son attaque, mais ce geste déclencha une vague de haine qui le submergea, alors que les dernières particules de son corps s'évaporaient dans l'air.

Privé de toute substance, Voldemort n'était qu'un esprit.

Il resta dans la maison des Potter, près de l'enfant, mais en gardant ses distances, jusqu'à ce que les premières personnes viennent constater les dégâts. Il ne resta pas en entendant des bruits de pas, craignant d'être vu — et attaqué alors qu'il était en position de faiblesse.

Il regarda une dernière fois l'enfant, se jurant qu'ils se feraient face à nouveau un jour. Il nota distraitement la cicatrice sur le front de l'enfant et il se demanda si c'était la chute du toit qui l'avait blessé. Cependant, cette question fut rapidement repoussée.

Il décida que cette marque, infligée par ses actes, lui permettrait de retrouver le gamin lorsqu'il aurait grandi. Sur cette dernière pensée, il se concentra sur le dernier endroit où il s'était senti en sécurité et il se retrouva au plus profond d'une forêt en Albanie.

L'endroit où Helena Serdaigle avait un jour caché la couronne de sa mère Rowena, mue par une féroce jalousie...

A travers ses yeuxWhere stories live. Discover now