Chapitre 16

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Quirrell dut se rendre à plusieurs reprises dans la forêt interdite pour y chasser des licornes. Il se faisait aussi discret que possible, puisque le demi-géant de Dumbledore veillait au grain. Cependant, la faim qu'il avait du sang des créatures magiques était de plus en plus dévorante.

Les festivités de Noël passèrent à toute vitesse, puis l'hiver laissa timidement la place au printemps. Quirell enseignait, se délectant de cette douce ironie. Il avait le poste pour lequel il avait postulé, tant d'années plus tôt, lorsqu'il pensait encore qu'il pourrait faire évoluer le monde magique en formant les enfants à penser autrement. Dumbledore l'avait renvoyé comme un malpropre, lui reprochant sa trop grande affinité avec la magie noire et craignant ses intentions.

Et pourtant... c'était Dumbledore qui avait nommé Quirrell comme professeur de défense contre les forces du mal, sans se douter que le pathétique homme n'était qu'un hôte pour son ennemi en personne.

Quirrell s'intéressait de très près à Harry Potter, mais il cachait soigneusement son intérêt. Il l'observait avec attention, évaluait chacune de ses réactions, sans pour autant ne jamais l'approcher.

Il avait noté que dès qu'il se trouvait trop près, l'enfant semblait souffrir de sa cicatrice et il refusait de voir l'attention de Dumbledore attirée par un détail aussi trivial.

Il fit de nombreuses recherches, mais il ne savait pas vraiment ce qu'il devait trouver. Personne n'avait encore jamais survécu à un Avada et il n'y avait donc pas le moindre précédent.

Il pressentait vaguement qu'il y avait désormais un lien entre lui et l'enfant, mais il ne parvenait pas à définir si c'était une bonne chose, ou au contraire un danger pour lui.

Malgré sa prudence, sa consommation de sang de licorne avait fini par attirer l'attention de Hagrid — et donc de Dumbledore. Le directeur paraissait légèrement inquiet, mais il ne fit rien pour renforcer les protections du château.

Quirrell surprit cependant de nombreux conciliabules du directeur avec Rogue, comme s'ils s'attendaient à voir apparaître un jour Voldemort à la porte de Poudlard...

Même si Rogue le regardait d'un air méprisant, il ne semblait pas le soupçonner le moins du monde. Ils mangeaient côte à côte, à la même table, échangeaient parfois de brefs commentaires au sujet des élèves — pour une raison qui lui échappait, son bégaiement semblait mettre le maître des potions hors de lui et il ne se gênait pas pour l'accentuer à son contact — et pourtant le directeur de Serpentard ne pourrait jamais imaginer ce qu'il cachait sous son turban...

Plus l'année avançait, moins Voldemort se montrait discret lorsqu'il s'en prenait aux licornes. Leur sang lui donnait un peu de force supplémentaire, mais ce n'était jamais assez. Hagrid et Dumbledore savaient déjà qu'il y avait quelque chose qui chassait les licornes dans la forêt interdite, mais ils n'avaient pas la moindre indication de ce qu'il était.

L'esprit de Quirrell avait cessé de lutter contre ses désirs depuis un moment, comme s'il se résignait finalement à lui obéir en tout.

Alors qu'il errait au cœur de la forêt interdite, par une douce nuit du mois de mai, Voldemort reconnut qu'il aurait dû prendre en compte les mises en garde de son hôte.

Il venait à peine de commencer à chasser qu'il avait entendu la voix de Hagrid et les aboiements de son énorme chien. Visiblement, le garde-chasse avait prévu de parcourir la forêt pour le surprendre pendant son méfait.

Il hésita brièvement avant de se jeter sur la licorne éloignée de son troupeau qu'il avait repérée. Après tout, le demi-géant ne pourrait pas grand-chose contre lui. L'homme stupide n'était pas censé faire de magie puisque sa baguette avait été brisée lorsqu'il avait été exclu de Poudlard, tant d'années plus tôt. Même s'il utilisait encore la magie, sans la moindre discrétion, il n'avait pas la moindre compétence en duel.

Hagrid avait été un Griffondor idiot à Poudlard. Sa seule compétence résidait dans son talent à s'occuper des créatures monstrueuses qu'il ramassait çà et là.

Le chien qui l'accompagnait partout aurait pu être un problème, mais Voldemort avait entendu de la bouche même du demi-géant que l'animal était terriblement peureux malgré son apparence impressionnante.

Il suffisait d'une partie de cartes et d'un tonneau de whisky pur feu pour délier la langue de Hagrid et l'entendre déblatérer sans fin au sujet de ses monstres de compagnie... et surtout comment les amadouer et les rendre aussi dociles que des chatons...

La tête plongée dans la gorge de la licorne, il s'abreuvait avec enthousiasme, lorsqu'il fut dérangé par un hurlement de pure terreur.

Il leva la tête pour se rendre compte de la présence de deux enfants face à lui. Le jeune Malefoy, qui semblait terrorisé, et Harry Potter, qui le fixait, les yeux ronds.

Le Serpentard détala en hurlant une fois encore sans hésitation, rapidement suivi par le chien de Hagrid, laissant son camarade seul derrière lui.

Le Gryffondor était figé et leurs regards se croisèrent.

Voldemort hésitait encore sur la conduite à tenir, lorsque l'enfant baissa les yeux vers le corps de la licorne et il eut une grimace. Cette simple expression de dégoût mit en rage le mage noir — ou plutôt ce qu'il en restait. C'était de la faute de Harry Potter s'il en était réduit à jouer les vampires sur les licornes, c'était de sa faute s'il avait perdu son enveloppe corporelle et s'il devait se contenter d'être un parasite...

Il se redressa comme il le put, exposant toute sa monstruosité. Il n'y avait plus rien d'humain chez lui, dans ce simulacre de créature. Puis, il montra les dents comme un animal, en émettant un feulement de rage, et il se précipita sur l'enfant.

Après tout, il pourrait peut-être se servir du gosse comme d'un hôte. Il serait à la fois le sauveur du monde magique et le mage noir que tous craignaient...

C'était peut-être le destin qui avait amené Harry Potter en personne face à lui, à ce moment précis...

L'enfant écarquilla les yeux, mais il ne bougea pas. Cependant, Voldemort n'atteignit jamais sa cible.

Un centaure arriva au galop et se cabra devant lui, le poussant à fuir avec un cri de rage.

Il se doutait que les centaures avaient senti sa présence, mais ces créatures ne se mêlaient jamais du monde des hommes.

Pourquoi la présence de Harry Potter modifiait-elle systématiquement les règles du monde magique ?

A travers ses yeuxWhere stories live. Discover now