Chapitre 5

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Pour la toute première fois de sa vie, Voldemort fut déstabilisé. Il examina la femme face à lui qui offrait librement sa vie, surpris. Elle ne semblait plus avoir peur, elle le fixait juste avec détermination, protégeant son enfant, prête à s'offrir en sacrifice pour sauver le garçon.

Le mage noir haussa les épaules.

— Il est l'enfant de la prophétie. Je ne peux pas l'épargner. Écarte-toi et je te laisse la vie sauve.

La jeune femme n'hésita pas un seul instant. Ses yeux s'obscurcirent et elle grogna presque, furieuse.

— Jamais ! Vous devrez me tuer pour toucher mon fils.

Voldemort serra les poings et son regard dériva vers l'enfant caché derrière sa mère. Il était debout dans son petit lit, les mains accrochées aux barreaux, les joues pleines de larmes. Cependant, ses yeux verts étaient écarquillés alors qu'il le fixait, attentif, comme s'il comprenait qu'il se passait un évènement inhabituel.

Il renifla, moqueur, sans savoir pourquoi il laissait une chance de plus à cette femme qui se dressait sur son chemin.

— Tu pourras avoir d'autres enfants, je m'en moque. Pourquoi te sacrifier pour ce garçon ?

Une larme roula sur la joue de Lily Potter et elle chuchota, sans la moindre hésitation.

— C'est mon fils. Je donnerai ma vie pour lui. Il est ce que j'ai de plus précieux au monde.

Presque peiné, Voldemort soupira. La femme allait mourir d'ici quelques secondes alors il osa pour la toute première fois de sa vie évoquer son passé.

— Des enfants comme lui, il y en a des centaines, abandonnés dans les orphelinats du pays. Je l'ai vu de mes propres yeux, alors que nous attendions tous que quelqu'un vienne nous chercher...

Le visage de Lily s'adoucit et elle le fixa avec quelque chose de différent dans le regard. Quelque chose qui ressemblait à de la compassion.

— Je suis désolée. Aucun enfant ne devrait être abandonné et laissé dans ces endroits terribles. Je ne laisserai pas mon fils, même si vous me promettiez tout ce que vous possédez...

Personne n'avait jamais encore osé lui parler de cette façon. Les femmes de l'orphelinat étaient bien trop occupées pour plaindre les pauvres enfants abandonnés. Ensuite, à Poudlard, il avait caché avec soin son statut d'orphelin, et il avait cessé de penser à cette partie de son passé.

Cette soudaine compassion, alors qu'il venait de tuer son mari et qu'il s'apprêtait à tuer son enfant — et à la tuer, elle aussi — le gênait, provoquait une sensation désagréable, presque physique, comme si des insectes rampaient sur sa peau.

Il la fixa avec une grimace de rage et la compassion dans le regard de la jeune femme se mua en résignation. Elle savait qu'elle allait mourir, mais elle ne bougea pas.

Elle tendit juste la main en arrière, effleurant du bout des doigts la joue potelée de son fils, et elle lui chuchota qu'elle l'aimait, comme si elle voulait que l'enfant s'en souvienne.

Elle n'eut pas le moindre mouvement de recul, elle ne chercha pas à fermer les yeux ou à se détourner alors qu'il levait sa baguette. Elle resta droite et fière, le regardant en attendant la mort.

Voldemort repoussa le léger sentiment de malaise qui l'envahissait. Il n'avait jamais été sentimental auparavant et pourtant son instinct semblait lui hurler de ne pas lancer le sort de mort.

Il raffermit sa prise sur sa baguette et il lança l'Avada, regardant le rayon vert frapper la femme.

Elle s'écroula sans un cri et sa crinière de feu s'étala autour d'elle, formant une couronne ardente.

À chaque fois que l'esprit sans corps de Voldemort se souvenait de cette nuit-là, c'était cette image qui lui revenait en mémoire. Cette femme inerte, qui lui avait tenu tête et qui s'était sacrifiée sans la moindre hésitation.

Parfois, il se perdait dans ses pensées si profondément que lorsqu'il en émergeait, il ne savait jamais combien de temps... heures, jours, mois, années... étaient passés. Il revivait chaque instant, chaque détail en essayant de comprendre pour quelle raison son sort s'était retourné contre lui. Malgré toutes ses connaissances, il n'avait jamais entendu parler d'un tel phénomène. Il ne savait même pas que ça pouvait être possible avant de le vivre...

Parfois, ça le rendait fou de rage. Il s'attaquait alors à tout ce qu'il y avait de vivant à sa portée, déchirant les pauvres animaux qui s'aventuraient dans ce coin sombre de la forêt.

Son esprit se jetait contre les créatures de chair et de sang, provoquant leur mort, comme si leur corps était trop fragile pour le contenir.

C'était de cette façon qu'il avait découvert qu'il pouvait prendre possession de l'animal face à lui.

Il s'était attaqué à un renard et l'animal n'était pas mort immédiatement. Il était probablement plus résistant que les oiseaux et les petits rongeurs qu'il avait l'habitude de viser.

Sa colère s'était envolée à l'instant où il s'était rendu compte qu'il pouvait contrôler l'esprit de son hôte.

Cette première fois, il s'était promené en parasitant le renard jusqu'à l'épuisement de son hôte. Cependant, ça n'avait pas la moindre importance. Il aurait d'autres occasions de s'entraîner, il lui suffirait d'être patient.

Il devinait que plus son hôte serait grand et puissant, plus il aurait de temps.

Il frissonna en imaginant croiser un humain, qu'il soit moldu ou sorcier. Il pourrait... envisager de reprendre sa vie d'autrefois.

Avec une patience rare, il visa autant de proies que possible pour tenter de les contrôler. Il devait maîtriser chaque mécanisme de cette nouvelle capacité pour être prêt... L'idée qu'il puisse retourner en Angleterre et reprendre son combat le rendait presque euphorique. Il avait un avantage majeur : Dumbledore vieillissait. Lui n'avait plus d'enveloppe corporelle et il n'était pas concerné par tous les inconvénients de l'âge.

C'était peut-être ça, finalement, l'immortalité qu'il avait cherchée toute sa vie.

Quelque temps auparavant, il aurait repoussé cette idée grotesque, puisqu'il était persuadé de vivre une véritable malédiction. Il errait seul, sous une forme d'esprit, sans pouvoir agir sur son environnement. Il était faible, terriblement faible.

Cependant, s'il pouvait passer d'hôte en hôte... il retrouverait sa puissance d'antan. Il aurait un avantage certain sur le reste des sorciers et il pourrait enfin dominer le monde magique et s'en prendre librement aux moldus qu'il haïssait.

Désormais, il avait un nouveau but.

A travers ses yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant