58| Maman

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Elisabeth

— Non ! hurlé-je de toutes mes forces, la terreur perçant ma voix. Non ! Je t'en supplie ! Je suis désolée, d'accord, je suis désolée. Je n'aurais pas dû !

Les larmes brouillent ma vision alors que je supplie les frères White de ne pas emporter Rania. Je suis prête à me faire tuer si j'ai la certitude qu'elle aura la vie sauve mais je n'ai aucun contrôle sur la situation.

— Tu l'as bien cherché ! s'exclame Charles un sourire cruel étirant ses lèvres.

— Eli ! Eli !

Les cris désespérés de Rania transpercent l'air alors qu'elle tente de se débattre pour me rejoindre. Mais Charles la soulève et, accompagné de son frère, ils disparaissent derrière la porte. Mes hurlements se mélangent à ceux de ma fille. La douleur dans ma gorge est vive, comme si chaque cri déchirait un peu plus mes cordes vocales. Je ne peux pas la laisser m'échapper une seconde fois. Avant même que je ne puisse me débattre, je suis violemment balancée à l'opposé de la porte. Ma tête heurte le sol dur, un voile noir obscurcit brièvement ma vision. Lorsque je réussi à reprendre mes esprits, la porte est déjà fermée, me plongeant dans l'obscurité suffocante. Malgré la douleur qui irradie dans chaque partie de mon corps, je me précipite vers elle, espérant l'ouvrir, en vain. Elle se verrouille sous mon poids, scellant mon sort aussi bien que celui de Rania.  

— Non ! Non je vous en supplie, pas ça ! Rania !

La voix de ma fille s'éloigne, emportant avec elle mes derniers espoirs. Les minutes continuent de s'écouler tandis que je continue de frapper contre la porte, ignorant la douleur qui lacère mes mains mais aucune douleur n'est aussi forte que celle que je ressens à l'intérieur.

J'ignore combien de temps s'écoule durant lesquels je continue de frapper contre la porte et de hurler le prénom de ma fille lorsque soudainement une fatigue m'envahit, clouant mon corps au sol. C'est comme si le poids de l'univers entier avait choisi cet instant pour s'abattre sur mes épaules.

Je comprends rapidement pourquoi lorsque je sens quelque chose couler le long de mon front. Portant une main tremblante à mon visage, je découvre du sang. Le choc, en plus de la fatigue, m'a gravement blessée. Tentant de me relever, je puise dans mes dernières réserves de force, mais je réussis seulement à atteindre le milieu de la pièce avant de m'effondrer.

C'est comme ça que je vais tout perdre ? C'est comme ça que tout ce pour quoi je me suis toujours battue va me glisser entre les doigts ?

J'ai toujours eu cette peur au ventre d'être l'échec de la famille, d'être celle que l'on pointerait du doigt au repas de famille lorsqu'on voudrait prendre pour exemple de la faillite. J'ai vécu les vingt-sept dernières années de ma vie à tenter d'être à la hauteur de toutes les attentes. Je gardais la tête hors de l'eau, essayant de rester à la surface, combattant contre le poids de mes secrets, mes mensonges, et mes culpabilités. Chaque matin, je me suis réveillée avec la certitude que le jour qui allait suivre serait un jour de plus de combat permanent.

Les souvenirs des cris de mes sœurs, marquées à jamais par les coups, les brulures, les cicatrices hantent encore mes nuits. Je me rappelle la première fois que j'ai entendu la voix de Damon, sa présence dans les moments les plus sombre, et les cris de Rania à sa naissance, qui avait semblé me redonner un nouveau souffle de vie. Je peux encore entendre les hurlements de ma fille, me suppliant de l'aider et de la sauver. Sa voix résonne en moi comme si elle faisait partie intégrante de moi.

Black AngelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant