J'ai fait une promesse. [LOTR]

I.

۵

Le soleil était haut dans le ciel, ses rayons caressaient sa peau endoloris. Elle était blanche, non pas comme la neige, mais plutôt comme un mort à qui la vie n'était pas restée amie. Pâle de faiblesse, pâle à cause de quelques carences. Ses yeux bleus étaient éblouis par la clarté du ciel, la lumière l'éblouissait tant qu'il avait fini par laisser tomber sa tête contre le sol encore poussiéreux pour fermer ses paupières, les doigts blessés d'égratignures accrochés à quelques cailloux.

Il pouvait respirer l'air frais, cela lui faisait d'ailleurs autant de mal que de bien, de pouvoir prendre de grandes bouffées d'oxygène de la sorte. Ses lèvres gercées étaient recouvertes d'une légère toile de poussière, lorsqu'il releva faiblement la tête, ses yeux se posèrent immédiatement sur un petit coin d'eau. Il était persuadé qu'il n'avait jamais fait attention à cet endroit lorsqu'il était venu ici pour la première fois avec Sam et Gollum. A cette pensée, son cœur se pinça dans le creux de sa poitrine et il s'asseya, de sorte à pouvoir regarder les grands escaliers de Cirith Ungol. A cette vue, une larme se fraya un chemin le long de sa joue creuse.

- Sam, mon cher Sam...

Il regrettait amèrement d'avoir posé entre les mains de Gollum toute sa confiance. Il avait rejeté Sam avec tant de colère et de mépris que la honte lui rongeait le ventre déjà meurtri par la faim. Il ignorait s'il était en vie, il savait simplement qu'il avait réussi à détruire l'Anneau de Pouvoir, mais voilà donc que la montagne s'était brutalement brisée, laissant jaillir une marée de lave détruisant les Terres du Mordor. Contrairement à Sam, Frodon n'avait pas été pris au piège dans la lave. Il était resté à Cirith Ungol, le sol avait commencé à se fissurer de part et d'autres, les créatures sous la crainte avaient commencé à fuir où elles le pouvaient sans ne plus prêter attention au jeune hobbit toujours allongé sur le sol froid, les mains liées entre elles ainsi que les chevilles. Lorsqu'il avait réussi à se détacher, que l'Anneau fut introuvable mais que ses yeux se posèrent sur la montagne du destin complètement déchirée par les explosions et les flammes ; il comprit. Il comprit alors que Sam était revenu, avait tenté de le sauver mais l'ayant cru mort, avait récupéré son fardeau pour terminer cette terrible quête à sa place.

Il étouffa un sanglot et se traîna jusqu'à cette petite source d'eau, remplissant le creux de ses mains de ce nectar qu'il but à plusieurs reprises jusqu'à essuyer ses lèvres gercées avec le dos de sa main. Il se posa là, sur une roche, et ne bougea plus durant les heures qui ont suivi. C'était irréaliste, il avait l'impression de pouvoir entendre le chant des oiseaux au loin. De nombreuses heures s'étaient déjà écoulées depuis la destruction de l'Anneau et son passage dans la grotte pour fuir, et tout semblait déjà désertique ici, comme si le mal s'était évaporé en un claquement de doigt.

Les yeux toujours baignés dans quelques larmes qui, malgré tout, ne coulaient pas le long de ses joues, Frodon se laissa emporter dans un sommeil profond, sa tête penchée sur le côté et ses lèvres entrouvertes. Il était épuisé et se sentait affreusement vide. Vide parce qu'il ne sentait plus la lourdeur de son fardeau autour de son cou. Vide d'être affreusement seul ici, loin de toute chose, sans son Sam.

Il dormit, profondément. Le vent léger du soir qui commençait à tomber faisait virevolter quelques-unes de ses mèches ondulées et une petite grimace s'était dessinée sur son visage lorsqu'il ouvrit ses paupières, le sol n'étant pas un matelas agréable. Il avait perdu du poids, si bien qu'il avait senti chaque petit cailloux contre les os de son dos. Le soleil était maintenant caché, les étoiles accompagnées de la lune éclairaient légèrement le paysage endormi et il se releva en prenant appui sur ses cuisses. Il ne savait pas quoi faire, complètement perdu, il espérait silencieusement voir Sam descendre les grands escaliers, malheureusement, il reprit faiblement la route sans que cela n'ait eu lieu.

Frodon n'avait plus d'affaires sur lui, il avait simplement ses habits, mais son sac, son épée, tout était resté là-bas. Les créatures l'avaient dépouillé de tout bien. Ses pieds amochés traînaient contre le sol poussiéreux, il avait mal dans tout le corps et son ventre criait famine. L'une de ses mains, posée contre celui-ci, s'agrippa à son chemisier et son visage était déformé par cette sensation désagréable. Quelques minutes plus tard, il s'était retrouvé assis, la tête tombée entre ses épaules et les paupières fermées à cause d'un amas de pointillés blanc et noir. Il n'allait jamais réussir à rentrer, pensait-il, et pourtant, il voyait dans un coin de son esprit la Comté. Mais Sam n'était pas avec lui, et il aurait mieux fallu inverser les rôles ; si Sam était mort, il aurait dû vivre. C'était son fardeau à lui, c'était donc à lui de mourir. Mais le monde ne s'est jamais construit avec des "Si".

Dans le silence de la nuit, le bruit des sabots claquant contre le sol se faisait de plus en plus entendre, jusqu'à ce que, au loin, Frodon puisse commencer à apercevoir des silhouettes. La peur le traversa, il resta figé sur le sol plusieurs secondes, tous ses membres commençant à trembler. Il réussit à se lever au dernier moment, pour fuir, mais le grand cheval s'arrêta à quelques petits centimètres de lui, et c'est en se retournant face au cavalier que ses yeux s'écarquillèrent de plus bel, prêt à chuter encore une fois sur le sol tant les émotions secouait bien trop son coeur.

- G...Gandalf ?

Dans l'obscurité, Frodon retrouvait son vieil ami qu'il n'aurait pu reconnaître à cause de sa tenue et de ses cheveux blancs écarlates. Celui-ci le rattrapa par la taille quand il manqua de tomber pour la énième fois. Les deux amis ne s'étaient rien prononcé de plus, le jeune hobbit perdant connaissance une bonne fois pour toute. Sûrement que son corps, enfin, se sentait assez en sécurité pour lâcher prise.

Le magicien le souleva dans ses bras pour venir l'installer sur son cheval, une larme d'émotion se frayant discrètement un chemin le long de sa joue ridée avant de disparaître dans sa barbe. Frodon était dans un état bien pitoyable et point de Sam à l'horizon. C'est ainsi qu'ils quittèrent cet endroit pour se rendre à la Cité Blanche.