J'ai fait une promesse. [LOTR]

III.

۵

- Frodon... Si vous ne le retrouvez pas ?

- Je rentrerai. Je rentrerai Gandalf, mais je dois m'assurer avant qu'il n'est pas perdu, ou blessé. Si j'ai survécu, moi, il a survécu aussi.

Frodon n'avait pu garder secret son envie de retrouver Sam bien longtemps. Rapidement, Gandalf avait pressenti qu'il se tramait quelque chose et il ne s'était pas trompé. En allant dans la chambre du jeune Hobbit, il découvrit son sac et quelques affaires à l'intérieur, ainsi qu'une carte pliée sur le matelas. Le jeune garçon avait passé la nuit à réfléchir et il était sûr de lui, il devait partir. Cela semblait impossible aux yeux de Frodon que son ami, sans qui il n'aurait pu se rendre vivant jusqu'au Mordor, soit mort. Ses yeux bleus en disaient plus que ses lèvres, il scrutait ceux du magicien, le suppliant silencieusement de le laisser partir. Frodon n'était plus un enfant, il ne pouvait lui interdire de reprendre la route indéfiniment.

- Qu'est-ce qu'il vous fait dire qu'il a survécu ?

Frodon s'asseya à côté de son sac, passant une main sur la plaie causée par la lame de Morgul quelques années plutôt. Il fronça doucement les sourcils, crispa quelques secondes ses doigts contre son chemisier puis prit une inspiration en se remémorant pour la énième fois tout ce qu'il s'était passé. Le regret, encore, lui rongea l'âme mais il prit son courage à deux mains.

- Alors que nous étions arrivés au sommet des grands escaliers, Gollum mit en place un stratagème rusé pour éloigner Sam une bonne fois pour toute. Il ne lui avait jamais fait confiance, il avait toujours su que son but était de reprendre son Précieux... Et moi, moi je ne l'ai jamais écouté. Je n'ai pas toujours été tendre avec Sam, alors qu'il cherchait simplement à me protéger.

Il déglutit douloureusement, sa gorge nouée à cause d'une profonde tristesse. Ses doigts étaient finalement encore crispés à son chemisier, au-dessus de sa plaie et il fixait le sol.

- Gollum a donc réussi, je me suis douloureusement fâché avec Sam. Oh mon pauvre Sam. Il pleurait et je lui hurlais dessus de partir, que je n'avais plus besoin de lui. Je croyais qu'il voulait me voler l'anneau. Je... Je croyais qu'il avait mangé tout le pain elfique. J'avais la sensation de devenir fou... Il n'a rien fait de plus que de pleurer et de m'obéir. Il ne voulait pas m'abandonner, je revois ses yeux inondés de larmes et je sais maintenant qu'il ne m'aurait jamais fait de mal. Mais sur le moment, je... Je ne voulais plus le voir. Sa présence m'était insupportable.

Il étouffa un sanglot douloureux, l'envie de vomir lui retournant le ventre. Il se souvint qu'il avait rapidement regretté ses mots, quelques minutes plus tard lorsque Gollum l'avait abandonné dans cette grotte maudite pour le faire tuer. Il avait tant regretté et il s'était tant excusé sans que Sam ne puisse l'entendre. Quelques larmes perlèrent le long de ses joues et la main de Gandalf vint se poser sur son épaule pour la tapoter délicatement et amicalement.

- Vous avez porté un fardeau bien lourd. L'anneau a fait sombrer bon nombre d'hommes, mais les Hobbits ont toujours su montrer une résistance face à son pouvoir qui m'a toujours impressionné... Frodon, vous ne pouvez vous en vouloir.

- Il est revenu Gandalf. Alors que je tentais de sortir de cette grotte, je me fis attaquer par une créature immonde et me retrouva empoisonné par son venin. Je me suis réveillé dans une tour, totalement dépouillé de mes affaires et de l'anneau. C'était Sam, c'était Sam qui était revenu pour le prendre et terminer la tâche que je ne pus accomplir moi-même... Il porta mon fardeau et le détruisit dans les flammes de la montagne. La terre se fendit en deux et les monstres ne me portèrent plus aucune attention. Ils s'affolaient, couraient dans tous les sens et j'ai pu fuir.

Frodon reprit doucement son souffle, fermant fortement ses paupières alourdies par la fatigue.

- La terre était déchirée, je n'ai pu aller à la montagne pour le retrouver. Je pensais qu'il allait me rejoindre mais il me croyait mort. Peut-être a-t-il trouvé un autre passage pour s'enfuir ? Peut-être est-il coincé quelque part ? Gandalf, comprenez que je dois reprendre la route. Le regret me tue peu à peu, c'est encore plus lourd à porter que l'Anneau.

Ses yeux bleus se posèrent dans ceux du vieillard, sa main était toujours sur son épaule qu'il malaxait doucement. Oui, il voyait dans le bleu attristé de ses yeux que ce regret pesait lourd alors il se leva du matelas sous le regard de Frodon. A son tour, il se leva également, récupéra sa carte et la déplia en contournant le magicien pour aller jusqu'au petit bureau décoré d'un bouquet de fleurs séchées, il posa une main sur un coin du parchemin et glissa son doigt sur une zone qu'il tapota en relevant les yeux en direction de son vieil ami.

- Cet endroit, près de la montagne. Peut-être s'est-il réfugié là-bas. Je... Gollum connaissait tant de passages secrets. S'il est encore en vie...

Gollum, ce nom prononcé de sa bouche lui donna presque le vertige. Il s'était attaché à cette créature, lui avait donné sa confiance. Il avait espéré, au fond de son cœur, pouvoir lui redonner une partie de sa vie d'autrefois, cette vie qui faisait qu'ils n'étaient pas si différents. Il avait de la pitié pour lui, tout comme son oncle Bilbon en avait eu à son égard. Mais à présent il ignorait s'il avait survécu, peut-être que Sam l'avait enfin tué. Perdre son Précieux pour toujours avait dû le rendre fou de rage... Plusieurs scénarios prirent forme dans son esprit, la pitié se transformait en colère, s'il n'avait jamais donné sa confiance à cette créature, Sam serait sûrement avec lui.

- Mon cher Frodon, faites ce que vous avez à faire, mais... N'ayez pas trop d'espoir.

Il se retrouva ainsi seul dans sa chambre, pliant de nouveau la carte du Mordor qu'il glissa dans la poche de son pantalon brun et termina de préparer ses affaires dans le sac en cuir qu'il ferma plus tard dans la journée. Il avait de la nourriture, de l'eau, une épée. Il était prêt pour reprendre la route, chose que Pippin et Merry comprenèrent bien vite.

- Nous venons avec toi.

- Oui, Pippin à raison, nous venons avec toi.

- Mes chers amis, vous devez être là pour le couronnement d'Aragorn. Vous y êtes attendus.

Les deux garçons avaient froncé les sourcils d'incompréhension, Pippin reprenant bien vite la parole ;

- Tu es aussi attendu. Nous ne pouvons pas... Nous ne pouvons pas te laisser reprendre la route. Frodon...

- L'anneau est détruit. Le Mordor est désert. Vous n'avez pas à craindre, je reviendrai.

Frodon parlait avec conviction, prenant un à un ses cousins dans ses bras pour les serrer fortement contre lui, fermant ses paupières. Il ne pouvait nier que cela lui faisait un pincement au cœur de les laisser, mais il était persuadé au fond de lui qu'il reviendrait. Que pouvait-il lui arriver, maintenant que le mal s'était échappé de ce monde ? Avec lenteur il se détacha du corps de Merry et l'observa avec tendresse. Ce n'était qu'un au revoir.