J'ai fait une promesse. [LOTR]

VIII.

۵

- C'est comme dans les grandes histoires, Monsieur Frodon, celles qui importaient vraiment, celles où il y avait danger et ténèbres. Parfois, on ne voulait pas connaître la fin, car elle ne pouvait pas être heureuse... Comment le monde pouvait-il redevenir comme il était avec tout le mal qui s'y était passé ? Mais en fin de compte, elle ne fait que passer, cette ombre... Même les ténèbres ne font que passer... Un jour nouveau viendra et lorsque le soleil brillera, il n'en sera que plus éclatant... C'était ces histoires dont on se souvenait, et qui signifiaient tellement... Même lorsqu'on était trop petit pour comprendre... Mais je crois, Monsieur Frodon, que je comprends... je sais maintenant... Les personnages de ces histoires avaient trente-six occasions de se retourner, mais ils ne le faisaient pas, ils continuaient leur route, parce qu'ils avaient foi en quelque chose...

- En quoi avons-nous foi, Sam ?

- Il y a du bon en ce monde... Il faut se battre pour cela.

Sans Sam, Frodon n'aurait pas été bien loin.

Sans Sam, Frodon n'aurait pu réussir cette quête d'être porteur de l'Anneau.

Mais l'attachement délicat et sincère qu'il portait dans son cœur à l'égard de son ami était bien présent avant même qu'ils ne partent au bout de la terre dans des contrés qu'ils ne connaissaient guère. Il avait toujours été attaché à son ami, son jardinier. Il sublimait sa maison, était au petit soin, le faisait rire et sourire et il l'écoutait lorsqu'il avait besoin de parler. Ils avaient passé tant d'heures à la taverne du village pour boire et parler, pour rire et chanter, pour danser et observer Rosie Chaumine, la belle fille aux jolis rubans dans ses cheveux qui travaillait derrière le comptoir et qui faisait craquer bon nombre d'hobbit qui ne savaient résister à l'éclat de ses yeux et à son sourire lumineux.

Ils avaient partagé bon nombre de repas et étaient devenus inséparables. Frodon n'aurait pu vivre avec quiconque ce qu'il avait vécu avec Sam. Ils étaient destinés à vivre ensemble cette quête et à ne pas se lâcher. Sam l'avait promis, il avait promis de ne jamais le perdre, de ne jamais le laisser. Ô combien son cœur se renversait dans sa poitrine lorsqu'il entendait ces mots se murmurer dans un coin de sa tête. Sam l'avait promis, il ne l'avait jamais quitté. A chaque fois qu'il pensait perdre Monsieur Frodon, comme il aimait l'appeler, il paniquait, fronçait ses sourcils, retroussait le bout de son nez et son cœur s'emballait dans sa poitrine. Il avait été prêt à nager pour le retrouver et ne pas le laisser partir seul au Mordor, il aurait pu mourir si Frodon ne l'avait pas récupéré, lui qui ne savait nager. Il se souvenait de sa main dans la sienne, de cette poigne forte et sincère et de cette étreinte sur la barque qui tanguait. Rien n'était impossible pour Sam lorsqu'il s'agissait de Frodon, rien du tout.

Chacun de ses sourires, de ses plats concoctés avec amour et talent, de sa bienveillance et de sa protection. Non, ils étaient inséparables et Sam l'avait toujours fait comprendre par sa promesse et sa volonté à le protéger et à lui obéir.

Si Sam était parti, c'était de la faute de Frodon emporté par le poison charmeur et destructeur de l'Anneau. Jamais il ne lui aurait parlé ainsi, oh non, jamais. Mais ce jour-là, alors qu'ils ne reconnaissaient plus le jour de la nuit. Ce jour-là, alors qu'ils n'avaient déjà presque plus d'eau, plus de nourriture et que leur amitié semblait aussi fragile qu'une feuille d'automne sèche, Frodon lui ordonna de partir. Sam n'aurait pu reconnaître les yeux bleus de son tendre ami, eux habituellement si délicats, tendres, mystérieux... étaient devenus sombres comme le sol du Mordor, comme les cendres, comme la mort. Sa voix n'avait jamais été aussi tranchante, ses mots si sanglants. Jamais Frodon ne l'avait fait pleurer de la sorte et pourtant il n'avait jamais voulu briser sa promesse... Lorsqu'il comprit que Gollum l'avait monté contre lui, Sam était revenu parce qu'il aurait préféré mourir que de laisser mourir son tendre Monsieur Frodon. Mais voilà qu'il l'avait cru mort, emporté dans un monde où il ne pouvait le suivre.

Frodon était agenouillé sur le sol de cette grotte humide, accroché aux vêtements de son ami en pleurant à chaudes larmes. Il était là, contre lui, fortement appuyé contre ses vêtements sales et arrachés. Il était désolé, tellement désolé. Colère et tristesse. Il pleurait toutes les larmes de son corps et semblait gémir de douleur. Il avait mal partout et ne voulait se détacher de son corps, seulement, en entendant la voix sournoise de la Créature, il se recula brutalement et sortit son épée.

- Surprise les Hobbits ! Vous avez cru vous en sortir comme ça !

Il était caché, il ne se montrait pas et Frodon pleurait toujours bruyamment, sa lame tremblante et ses yeux qui ne voyaient plus rien tentaient de le trouver. Il s'était relevé maladroitement, il n'arrivait presque plus à respirer.

- Le vilain hobbit croyait s'échapper... Nous avons tordu son sale petit cou ! Nous l'avons fait crier !

Aucune réponse, seuls les sanglots du jeune brun se faisaient entendre. Gollum lui avait menti dès le début, tout cela n'avait été qu'un plan préparé. La rage d'avoir perdu son Anneau lui avait donné le goût de la vengeance. Sam était mort, il avait enlacé son cadavre déjà en train de se décomposer, il n'avait pas enlacé son ami vivant. Il ne l'avait pas retrouvé vivant, il l'avait retrouvé mort, tué par Gollum qui n'avait accepté de se faire voler son Précieux. La Créature surgit finalement des hauteurs pour tomber sur Frodon qui s'écrasa contre le sol en lâchant son épée. Plaqué contre le ventre, Gollum appuyait fortement sur sa tête, sa joue écrasée douloureusement contre le sol humide et puant. Il essayait dans sa faiblesse et sa colère de se débattre mais Gollum attrapa sa nuque qu'il serra de toutes ses forces.

- Il ne fallait pas nous croire ! Oh non mon Précieux ! Stupide hobbit ! Nous allons vous tuer !

Frodon poussa un cri étouffé en réussissant à sortir de l'étreinte brutale de la Créature et il récupéra son épée pour lui assigner un violent coup contre son bras maigre. Celui-ci poussa un gémissement en reculant de quelques pas et le garçon se précipita sur lui pour le gifler à plusieurs reprises. Il était fou d'une rage qu'il n'avait jamais ressenti, comme si Sam était son Précieux. Il le frappa encore et encore mais soudainement plus un bruit, plus un mouvement, plus rien.

Gollum observa avec intensité et méchanceté Frodon qui le regardait aussi avec incompréhension, et, doucement, entre ses lèvres, un filet de sang s'échappa pour glisser le long de son menton.

Son épée était plantée dans son ventre, Gollum avait réussi. Lorsqu'il baissa la tête pour regarder la cause du sang qui s'échappa d'entre ses lèvres, il tomba contre le sol, juste à côté de Sam et il soupira de douleur, quelques vertiges l'envahissant. La Créature se déplaça doucement pour venir devant les deux garçons, un sourire toujours aussi sournois sur son visage gris.

La tête du jeune hobbit tournait, sa respiration était saccadée et la tâche de sang s'agrandissait sur le tissu de son chemisier.

- Oh Sam... J'avais tant... Espéré rentrer à la maison...

Prononça-t-il douloureusement à travers ses larmes.

- Je savais... Qu'il n'y aurait pas de... De voyage de retour...

Un filet de sang plus important s'échappa de sa bouche et il étouffa presque en grimaçant, sa tête se posant contre le cadavre de son ami.

Est-ce que la promesse avait été détruite ? Puisqu'ils s'étaient retrouvés là où les vivants ne pouvaient les suivre ?

Gollum quant à lui était plus seul que jamais avec sa folie.

La vengeance ne lui avait pas rapporté ce Précieux qu'il chérissait tant. Il s'était retrouvé plus seul que jamais, à sombrer encore et encore jusqu'à la mort.

"J'ai fait une promesse Monsieur Frodon, une promesse ; ne le perdez pas Sam Gamgie, alors j'veux pas vous perdre, j'veux pas vous perdre..."